« We are not going to talk about that today » répondait Donald Trump interrogé lors de sa visite à Las Vegas à la suite de la tuerie de masse (mass shooting) la plus meurtrière de l’histoire moderne des Etats-Unis : 58 morts, plus de 500 blessés. L’Amérique en a connu 275 en 273 jours rappelle Philippe Labro dans sa chronique hebdomadaire du quotidien Cnews matin.
A chaque tuerie de masse, des voix s’élèvent pour réglementer de manière stricte et plus sévère la vente des armes à feu, en particulier des armes de guerre. La réaction immédiate de ceux qui ne souhaitent que la situation évolue est de répondre que ce n’est pas le moment, qu’il faut respecter la douleur des victimes. Et si l’on insiste un peu, qu’il n’est pas question de revenir sur le deuxième amendement qui donnerait la liberté totale pour vendre des armes à feu, que c’est là la liberté fondamentale des Américains de posséder des armes à feu, que « la meilleure réponse à un mauvais gars armé est un bon gars armé » (Wayne La Pierre), qu’une maison où il y a une arme à feu est une maison sécurisée. Sans oublier le droit des Américains de disposer d’une arme pour aller chasser. Ah, il y a aussi l’idée que si l’on réglemente plus strictement la vente des armes à feu, les bons citoyens qui respectent les lois seront désavantagés face aux mauvais qui de toute façon trouveront bien le moyen de se procurer les armes qu’ils souhaitent. Un peu comme si l’on disait qu’il est inutile de fermer la porte de sa maison à clé car cela ne gênera en rien les cambrioleurs d’y rentrer.
Bref qu’il y a urgence à ne rien faire. Dans tous ces arguments, le deuxième amendement est celui qui veut faire autorité, doit s’imposer à tous et couper court à toute discussion comme s’il s’agissait de la vérité révélée. A supposer même que les rédacteurs de la Constitution l’ait pensé comme il est interprété – ce qui est assez peu probable – serait-il incongru de s’y pencher pour essayer de comprendre s’il est toujours adapté au temps où les armes à feu sont cent fois, mille fois plus puissantes, plus rapides que celles de l’époque.
Dans un éditorial intitulé : « How long Until We Debate Real Gun Laws », le New York Times fait le décompte du nombre de jours après le massacre de Las Vegas, mais aussi celui des précédents : Las Vegas : 4 jours, Orlando : 481 jours, San Bernardino : 678, Roseburg : 735 jours, Charleston : 841 jours… Sandy Hook : 1 756 jours et la liste est bien longue. Depuis le tragique massacre de Sandy Hook qui avait ému l’Amérique entière en supprimant la vie à une vingtaine d’enfants de l’école élémentaire du même nom, deux douzaines d’états ont passé des lois qui facilitent l’achat ou la détention d’armes rappelle David Frum dans un article du magazine The Atlantic.
Les Républicains défendent becs et ongles le deuxième amendement et toute idée de le questionner serait presque « unamerican ». Il faut reconnaître que les Américains ont une relation particulière vis-à-vis de cette question qui les distingue de tous les autres pays occidentaux. Posséder une arme est au cœur la société américaine, quatre foyers sur dix en possèdent une. Il y a plus de magasins d’armes à feu aux Etats-Unis que de restaurants McDonald’s. En 2000, 67 % des Américains étaient favorables une réglementation plus stricte des armes à feu, 29 % étaient contre selon l’institut Pew Research Center. En 2106, 46 % seulement y étaient favorables, 52 % défavorables.
Contrairement à son habitude, la NRA a publié un communiqué dans laquelle elle admettait qu’il fallait réglementé les dispositifs appelés « bump stocks » (dispositifs qui permettent au détenteur de l’arme semi-automatique de tirer encore plus vite mais tout en intimant le Congrès d’admettre que chaque état devait respecter les lois des autres états. Autrement dit qu’une réglementation au niveau fédéral n’était pas envisageable. Que penser de la NRA lorsque, devant la baisse des ventes d’armes à feu, elle lance une campagne de promotion pour les armes comme un accessoires de mode pour les femmes ?
De leur côté, les Républicains sont opposés à toute réglementation plus stricte sur les armes autant qu’ils sont opposés au droit à l’avortement. Comprennent qui pourra. Le New York Times a publié la liste des donations de la NRA aux sénateurs et membres de la Chambre des représentants. Dans les premiers récipiendaires de la Chambre, 95 sont républicains.
Bref, être contre la libre circulation des armes à feu est être contre la liberté. Comment peut-on être contre la liberté ? Questionner le deuxième amendement c’est remettre en question la Constitution des Etats-Unis. Est-ce possible, voire même envisageable ?