L’attribution des très attendus prix S. Pellegrino 2010 des 50 meilleurs restaurants au monde (en fait le magazine publie une liste des 100 meilleurs restaurants) a eu lieu le lundi 26 avril, dans les murs de l’historique Guildhall de la City de Londres. C’est la neuvième édition.
Un prix de gastronomie distribué par un magazine anglais, c’est un peu comme on demandait à Sarah Palin de parler d’astrophysique, n’est-il pas ? En fait, le processus de sélection semble beaucoup plus sophitisqué. Le classement est établi par l’Académie des 50 meilleurs restaurants au monde, un influent groupe composé de plus de 800 leaders de l’industrie de la restauration. L’Académie comprend 27 régions distinctes du monde et chaque région dispose de son propre jury composé de 31 membres, dont un président pour le diriger. Le jury compte des critiques culinaires, des écrivains, des chefs et « gastronomes », chacun disposant de cinq votes. Les membres votent pour cinq restaurants et deux de ces votes, au moins, doivent servir à récompenser des restaurants situés en dehors de leur région.
Première mauvaise nouvelle pour nous les Frogs : le restaurant danois Norma, l’espagnol El Bulliet et l’américain The Fat Duck constitue le trio de tête. Pas de français ? Simplement, non.
Deuxième mauvaise nouvelle, la France ne possède aucun restaurant dans les 10 premiers : 4 pour l’Espagne, 3 pour les Etats-Unis, 1 pour l’Italie, 1 pour le Royaume-Uni et 1 pour le Danemark. N’est-ce pas là une insulte au pays de Brillat-Savarin et de Maurice Edmond Sailland, dit Curnonsky, alias le prince des gastronomes, au pays qui revendique haut et fort que la cuisine est française ou n’est pas, que seule la chinoise peut prétendre à un tel niveau de créativité et de sophistication.
On refait le match
Comme souvent dans les compétitions dans ce type, il y a des matches dans le match. L’honneur est sauf puisque la France est le pays qui possède le plus de restaurants dans les 100 premiers, 12 au total. Ouf ! Oui mais, il n’est pas seul à ce niveau de densité gastronomique, les Etats-Unis font aussi bien. Les plus chauvins d’entre nous – sont-ils nombreux ? – s’en étonneront, voire s’en offusqueront. N’est-ce pas là étonnant pour le pays qui a inventé McDonald, le roi du fast food alias junk food ?
# | Restaurant | Ville | Chef | Nationalité | Remarques |
7 | Alinea | Chicago | Grant Achatz | Américain | |
8 | Daniel | New York | Daniel Boulud | Français | |
10 | Per Se | New York | Thomas Keller | Américain | A travaillé en France |
15 | Le Bernardin | New York | Eric Ripert | Français | |
26 | Momofuku Ssam Bar | New York | David Chang | Américain | |
32 | The French Laundry | Napa Valley | Thomas Keller | Américain | A travaillé en France |
45 | wd~50 | New York | Wylie Dufresne | Américain | French Culinary Institute |
50 | Eleven Madison Park | New York | Daniel Humm | Suisse | |
52 | Jean Georges | New York | Jean Georges Vongerichten | Français | |
69 | Chez Panisse | Berkeley | Jean-Pierre Moullé | Français | co-chef |
86 | Manresa | Los Gatos | John Paul Carmona | Américain | Né au Salvador |
91 | Masa | New York | Masa | Janonais |
Une analyse plus détaillée nous permet de sauver un peu la face. D’abord, ce match n’oppose pas les Etats-Unis à la France, mais plutôt New-York à la France. En effet, sur les 12 restaurants américains, 8 sont situés sur Big Apple. Et tout le monde sait que New York n’est pas les Etats-Unis. CQFD.
Mais il y aussi d’autres sources de satisfaction, sur les 11 chefs (Thomas Keller règne sur deux empires gastronomiques, Per se et The French Laundry, 4 sont Français. Cela remet un peu les pendules à l’heure et confirme bien la puissance de notre cuisine. Pour être tout à fait exact, ll faudrait quand même préciser que Jean-Pierre Moulé est co-chef de Panisse avec David Tanis, citoyen de l’Amérique profonde puisque né en Ohio.
Autre sujet de contentement, Thomas Keller qui est, lui, un double chef, a travaillé en France et a pu donc s’imprégner de la profondeur de notre cuisine. Enfin, Wylie Dufresne a appris une partie de son savoir-favoir au French Culinary Institute de New York. Voilà quelques détails qui permettront donc de se rassurer : la France est bien le plus grand pays de la gastronomie.
Maintenant, pour le club des male chauvinist pigs dont je prétends ne pas faire partie : sur les 12 chefs, 12 sont des hommes. Ils n’auront besoin d’éléments supplémentaires pour confirmer ce qu’ils pensent depuis toujours : pour atteindre le plus haut niveau de l’art culinaire, mieux vaut être un homme. Les femmes, elles, seront juste bonnes pour préparer le dîner !