« Mais l’Amérique conservera-t-elle la forme de son gouvernement ? Les Etats ne diviseront-ils pas ? (…) Les Etats du nord et du midi ne sont-ils pas opposés d’esprits et d’intérêts ? Les Etats de l’ouest, trop éloignés de l’Atlantique, ne voudront-ils pas avoir un régime à part ? D’un côté, si l’on augmente le pouvoir de la présidence, le despotisme n’arrive-t-il pas avec les gardes et les privilèges du dictateur ? »
Telles sont les questions, toujours d’actualité, que pose Chateaubriand dans son livre voyage en Amérique (Annexes : Perspectives sur les Etats-Unis ; Danger pour les États-Unis ; Folio Classique, p516) On ne peut que saluer la préscience dont fait part l’auteur des Mémoires d’Outre-tombe. Le livre s’appuie sur son voyage en Amérique en 1791 et son expérience multiple en tant qu’ambassadeur mais publié seulement en 1827.
Ces difficultés en germe depuis la création même du pays, y compris dans la Constitution qui prévoyait un statut particulier pour les Noirs et pas de statut du tout pour les amérindiens au motif qu’ils ne seraient pas imposés et vivraient séparément, dans des territoires qui leur seraient affectés et au fur et à mesure disputés, pour arriver à une portion congrue.
Le danger le plus évident était celui de la sécession entre les Etats du Sud souhaitant maintenir l’esclavage et ceux du Nord opposés à l’esclavage. Plutôt que de traiter cette épineuse question, le gouvernement américain l’a repoussé en adoptant des mesures dilatoires qui ne réglaient rien. En premier lieu le compromis du Missouri, un amendement déposé en février 1819 à une proposition de loi interdisant d’introduire de nouveaux esclaves dans l’état éponyme et selon lequel les esclaves de plus de 25 ans seraient émancipés. Commence alors la recherche d’un difficile équilibre entre le nombre d’états esclavagistes et anti-esclavagistes. C’est ainsi que le Maine anti-esclavagiste est séparé du Massachusetts (également anti-esclavagiste) pour équilibrer avec le Missouri. En outre, les nouveaux états qui seraient créés dans la Louisiane – rachetée à la France en 1803 qui couvre une zone géographique correspondant à une vingtaine d’états actuels- se diviseraient en deux camps, les anti-esclavagistes et les abolitionnistes, selon qu’ils se trouvent au nord ou au sud du 36°30’ (la frontière sud du Missouri). Cette frontière a succédé à la ligne Mason-Dixon qui démarquait depuis l’indépendance des États-Unis les états esclavagistes et abolitionnistes.
Le compromis apaisera les tensions mais sera abrogé en 1854 avec le Kansas-Nebraska Act et sera déclaré inconstitutionnel avec l’arrêt Dred Scott en 1857 et mènera infailliblement à la guerre de Sécession.
Chateaubriand pose aussi la question de l’américanité (le qualificatif d’« un-american » est souvent attribué pour discréditer son opposant, son adversaire voire ennemi politique) : « Quel rapport y a-t-il entre un Français de la Louisiane, un Espagnol des Florides, un Allemand de New-York, un Anglais de la Nouvelle-Angleterre, de la Virginie, de la Caroline, de la Géorgie, tous réputés Américains ? »
Là ce sont les différences liées à l’origine mais il y en a d’autres comme la religion : « Celui-là léger et duelliste ; celui-là catholique, paresseux et superbe, celui-là luthérien, laboureur et sans esclaves ; celui-là et planteur avec des nègres ; celui-là puritain et négociant ; combien faudra-t-il de siècles pour rendre ces éléments homogènes ».
D’autant que, en parallèle à cette homogénéisation, de nouvelles forces vont s’accroissant séparant les citoyens les uns des autres : entre les ruraux et les urbains, entre les 1 % et les 99 %, entre les états exposés au monde et ceux à l’intérieur et surtout entre les démocrates et les républicains. Avant la révolution conservatrice de Ronald Reagan, on avait coutume de dire que républicains et démocrates, c’était blanc bonnet et bonnet blanc et que les différences étaient aussi infimes que celles entre Alain Poher et Georges Pompidou (une expression remis au goût du jour par Jacques Duclos en 1969 au sujet des deux candidats qui s’affrontaient au second tour de l’élection présidentielle). Mais depuis, les différences se sont largement creusés. Avec des épisodes qui ont aggravé la situation, le mouvement du Tea Party, et ont tout fait « exploser » avec Donald Trump, les conspirationnistes, comploteurs et autres antivax.
Aujourd’hui, l’Amérique, sous l’influence de son 45e président, se divise en deux camps : ceux qui pensent que les élections de 2020 ont été volés (environ 60 % des républicains selon les différents sondages) et ceux qui considèrent que Joe Biden est le président légitime. Donald Trump en fait le litmus test pour séparer les « bons » et les « mauvais » Américains ou pire séparer les Américains et les Non-Américains.
Statement by Donald J. Trump, 45th President of the United States of America
21 décembre 2021
Why isn’t the Unselect Committee of highly partisan political hacks investigating the CAUSE of the January 6th protest, which was the rigged Presidential Election of 2020? Does anybody notice that they want to stay as far away from that topic as possible, the numbers don’t work for them, or even come close. The only thing they can do is not talk about it. Look at what is going on now in Pennsylvania, Arizona, Georgia, Wisconsin, and, to a lesser extent, Michigan where the numbers are horrendously corrupt in Detroit, but the weak Republican RINOs in the Michigan House and Senate don’t want to touch the subject. In many ways a RINO is worse than a Radical Left Democrat, because you don’t know where they are coming from and you have no idea how bad they really are for our Country. The good news is there are fewer and fewer RINOs left as we elect strong Patriots who love America. I will be having a news conference on January 6th at Mar-a-Lago to discuss all of these points, and more. Until then, remember, the insurrection took place on November 3rd, it was the completely unarmed protest of the rigged election that took place on January 6th.
______________
Différence de conduite entre les Espagnols et les Américains vis-à-vis des Indiens
(Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, t.I, 1er vol)Les Espagnols lâchent leurs chiens sur les Indiens comme sur des bêtes farouches ; ils pillent le Nouveau Monde ainsi qu’une ville prise d’assaut, sans discernement et sans pitié ; Mais on ne peut tout détruire, la fureur a un terme : le reste des populations indiennes échappées aux massacres finit par se mêler à ses vainqueurs et par adopter leur religion et leurs mœurs.
La conduite des Américains des États-Unis envers les indigènes respire au contraire le plus pur amour des formes et de la légalité. Pourvu que les Indiens demeurent dans l’état sauvage, les Américains ne se mêlent nullement de leurs affaires et les traitent en peuples indépendants ; ils ne se permettent point d’occuper leurs terres sans les avoir dûment acquises au moyen d’un contrat ; et si par hasard une nation indienne ne peut plus vivre sur son territoire, ils la prennent fraternellement par la main et la conduisent eux-mêmes mourir hors du pays de ses pères.
Les Espagnols, à l’aide de monstruosités sans exemples, en se couvrant d’une honte ineffaçable, n’ont pu parvenir à exterminer la race indienne, ni même à l’empêcher de partager leurs droits ; les Américains des États-Unis ont atteint ce double résultat avec une merveilleuse facilité, tranquillement, légalement, philanthropiquement, sans répandre de sang, sans violer un seul des grands principes de la morale 2 aux yeux du monde. On ne saurait détruire les hommes en respectant mieux les lois de l’humanité.
« Ce texte, ou Tocqueville ne respecte pas la règle des sociologues modernes, qui est de s’abstenir de jugements de valeur et de se défendre de l’ironie, est caractéristique de l’humanitarisme d’un aristocrate »
Raymond Aron, Les étapes de la pensée sociologiques, Alexis de Toqueville, L’expérience américaine.