1985 est la dernière année où les échanges commerciaux entre les États-Unis et la Chine étaient équilibrés. Il faut dire qu’ils étaient extrêmement faibles. Cette année-là, les États-Unis avaient importé et exporté pour 3,8 milliards de marchandises pour un solde nul. Depuis, que ce soit sous des administrations républicaines ou démocrates, le déficit commercial n’a cessé de se creuser en faveur de la Chine. Fin 1999, après 13 années de négociation, les États-Unis signaient un accord commercial avec la Chine levant ainsi son entrée dans l’OMC.
En 2001, ces échanges avaient assez significativement augmenté et étaient déjà largement déséquilibrés passant à 19 milliards d’exportations et 102 milliards d’importations conduisant à un solde en faveur de la Chine de 83 milliards de dollars. Cette année-là, la Chine entrait dans le concert des économies mondiales et devenait membre de l’Organisation Mondiale du Commerce. Prétendre que c’est à partir de ce moment-là n’est pas exact. C’est plutôt au début des années 80 que la Chine a changé ses objectifs en passant « brutalement d’un modèle quasi autarcique à une stratégie de croissance induite par les exportations d’inspirations nettement mercantilisme : protection des entreprises d’Etat, contrôle des importations, politique d’excédent courant et d’accumulation de réserves en devises » (Faut-il laisser la Chine entrer dans l’OMC ? Jean Marie Siröen). En revanche, ce changement n’a fait qu’accélérer les exportations (en 2001, les exportations représentaient 17 % du PIB pour atteindre 46 % en 2008) et le déséquilibre des échanges commerciaux entre les Etats-Unis et la Chine. Quatre ans plus tard, le déficit commercial des Etats-Unis avec la Chine avait doublé et il n’a cessé de se creuser depuis. On a alors parlé de Chinamérique dans une sorte de pacte implicite entre les deux pays dans lequel les Etats-Unis absorbaient les exportations des Etats-Unis et la Chine rachetait la dette américaine.
(Source : US Census Bureau / Maison Blanche)
Fallait-il laisser la Chine entrer dans l’OMC ? La question s’est posée pendant plusieurs années avant la signature en 2001 mais son caractère nationaliste ne semblait pas poser de problème. « Non seulement le nationalisme économique de la Chine n’est pas antinomique avec les principes fondateurs de l’OMC, mais en outre sa politique mercantiliste serait plus dangereuse pour la stabilité des relations commerciales du monde si elle s’exerçait en dehors de cette organisation plutot qu’à l’intérieur ». L’idée, qui n’est pas nouvelle,est qu’on contrôle ses concurrents ou ses adversaires mieux à l’intérieur d’un groupe qu’à l’extérieur. Républicains emmenés par George Bush père comme démocrates avec Bill Clinton étaient alors largement d’accord.
Vingt ans plus tard, la question se pose différemment tant la Chine a continué sa course pour ravir aux Etats-Unis sa première place des puissances économiques et ,pourquoi pas, de première puissance mondiale tout court. Au point qu’aujourd’hui, on se demande comment les deux nations vont éviter de tomber dans le piège de Thucydide (La Chinamérique en tension). En tous cas, le pari selon lequel l’entrée de la Chine dans l’OMC n’a pas conduit ce pays à changer ses institutions vers plus de démocratie, au contraire, même avec Xi Jinping qui a affirmé le caractère autoritaire du régime.
Si l’on peut attribuer un élément positif au mandat de Donald Trump, c’est précisément d’avoir mis au grand jour le problème que posait désormais la Chine dans le fonctionnement du monde. Mais les déclarations assassines et autres rodomontades de Donald Trump se sont traduites par la mise en place de taxes douanières qui n’ont rien réglé, notamment n’ont pas réduit le déficit commercial entre les deux pays. Aujourd’hui, les démocrates sont d’accord sur ce constat. Et Joe Biden va devoir s’attaquer sérieusement à ce problème que Donald Trump a laissé en jachère.