Si l’on ne tient pas compte des « petits » candidats, trois équipes de campagne ont participé aux élections présidentielles de 2016 : les démocrates, les républicains et les Russes. C’est ce qu’on peut indiscutablement affirmer après l’inculpation de 13 citoyens et trois entreprises, tous russes, suite à l’enquête du procureur Bob Mueller chargé de l’enquête.
Le Grand Jury du District of Columbia mis en place par l’équipe de Bob Mueller a publié vendredi un document de 37 pages[1] qui, bien qu’il ne couvre qu’une petite partie de l’affaire russe, est une véritable bombe : les russes orchestrés par leur gouvernement dirigé par leur chef a interféré dans les élections de 2016, pour favoriser Donald Trump, nuire à Hillary Clinton et accessoirement favoriser Jill Stein, la candidate verte, et Bernie Sanders, concurrent d’Hillary Clinton dans la primaire démocrate.
Defendants’ operations included supporting the presidential campaign of then-candidate Donald J. Trump (“Trump Campaign”) and disparaging Hillary Clinton.
Avec comme objectif ultime, faire élire Donald Trump et faire battre Hillary Clinton. Les deux n’étant pas nécessairement les deux faces d’une même pièce. Car il semblerait que dans l’offensive contre Hillary Clinton, Vladimir Poutine visait deux objectifs ; personne et politique. Le document ne précise pas explicitement que Vladimir Poutine était le décisionnaire ultime de cette opération inédite mais les agences de renseignement se sont déjà prononcées sur ce point.
Le document ne couvre pas les sujets de l’hacking contre les démocrates ni la question de la possible entrave à la justice. Il fait bien mention du mot conspiration mais il n’aborde pas la question de la participation active des membres de l’équipe de campagne de Donald Trump. Même s’il mentionne les nombreux points de contacts entre des deux parties.
The conspiracy had as its object impairing, obstructing, and defeating the lawful governmental functions of the United States by dishonest means in order to enable the Defendants to interfere with U.S. political and electoral processes, including the 2016 U.S. presidential election.
Au-delà de l’influence sur le résultat des élections, l’offensive russe avait un objectif plus profond : promouvoir la discorde et le doute dans les esprits des citoyens américains et discréditer la démocratie. Sur le premier point comme sur le second, il semblerait qu’elle ait réussi. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les débats dans les médias depuis l’élection de Donald Trump. Et avec un président qui ne croit pas dans les faits et pratique le mensonge à un niveau jamais atteint, elle a trouvé un allié objectif.
FECA [The Federal Election Commission is a federal agency that administers the Federal Election Campaign Act (“FECA”)]prohibits foreign nationals from making any contributions, expenditures, independent expenditures, or disbursements for electioneering communications. FECA also requires that individuals or entities who make certain independent expenditures in federal elections report those expenditures to the Federal Election Commission.
« L’équipe de campagne russe » a fait preuve d’un professionnalisme avancé. Il s’agit d’une véritable guerre mais avec l’avantage qu’elle se situe dans le cyberespace, là où il est très difficile de détecter qui sont ses ennemis. Les hackers russes ne portent pas d’uniformes. Et ils sont encore plus difficiles à détecter lorsqu’ils se dissimulent sous de fausses identités américaines (on comprend ici l’utilisation évidente des vols d’identité qui interviennent régulièrement et concerne des millions de citoyens américains).
Son action commence activement en 2014, deux ans les élections. Le document donne des détails extrêmement précis (dates, noms, lieux, opérations…) comme pour donner l’impression que l’équipe de Bob Mueller en a encore beaucoup en réserve. Elle pourrait bien ainsi tester les réactions de la garde rapprochée de Donald Trump comment elle réagit et éventuellement moissonner des arguments pouvant être très utile à la suite de l’enquête.
Dire que l’organisation (nom donné à l’ensemble des parties impliquées dans cette affaire) a fait campagne n’est pas abusif ; création de fausses identités (militants chrétiens, anti-immigrations, supporters du mouvement Black Live Matters…), interactions avec des citoyens américains, organisation de réunions politiques, diffusion d’informations (vraies et fausses) via les réseaux sociaux sur des sujets particulièrement sensibles tels que l’immigration, la religion, les relations raciales, dans les Etats qui peuvent faire basculer l’élection comme le Colorado, la Virginie, la Floride, le Nouveau Mexique, le Nevada. Avec parfois des messages simples mais percutants : “Hillary is a Satan, and her crimes and lies had proved just how evil she is”. Un membre de Facebook sous le pseudo de Matt Skiber a lancé un message sans ambiguïté : “If we lose Florida, we lose America. We can’t let it happen, right? What about organizing a YUGE pro-Trump flash mob in every Florida town?”
Réunions mise en place par l’organisation
- June 25: March for Trump New York
- July 9: Support Hillary. Save American Muslims Washington, D.C.
- July 23: Down with Hillary New York
- Aug. 20: Florida Goes Trump several Florida cities
- Oct. 2: Miners for Trump several Pennsylvania cities
- Nov. 12: Show your support for President-Elect Donald Trump New York
- Nov. 12: Trump is NOT my President New York
- Nov. 19: Charlotte Against Trump Charlotte, N.C.
La présentation publique devant les médias de Rod Rosenstein est une initiative assez claire pour empêcher Donald Trump de poursuivre dans son idée de le démettre de ses fonctions pour ensuite démissionner Bob Mueller. Car selon Carl Bernstein sur CNN, Donald Trump discutait encore cette semaine d’une telle hypothèse. Le faire maintenant, alors que des informations aussi graves sont désormais publiques, serait simplement suicidaire. Ce qui ne signifie pas que cela n’arrivera pas. Qui ne prend pas de mauvaises décisions dans des périodes d’affolement ? En briefant le président sur l’avancement de cette enquête et en l’annonçant publiquement devant les médias, Rod Rosenstein a souscrit sa propre police d’assurance.
Suite à la publication de ce document, Donald Trump aurait pu, en tant que Commander in chief ayant solennellement déclaré « preserve, protect and defend the Constitution of the United States » prendre la mesure de l’événement. Mais sa principale préoccupation est tout simplement Donald Trump. Car affirmer une quelconque influence russe sur le résultat des élections revient à mettre en évidence son illégitimité. Sans parler de la possible collusion. Dans son premier tweet suivant la publication du document, le président a réaffirmé qu’il n’y avait pas de collusion. Donc on est rassuré.
Dans un message officiel publié peu après, la Maison-Blanche a réaffirmé qu’il n’y avait pas de collusion tout en précisant que les Américains devaient d’unir face à l’adversité. On n’est jamais trop prudent.
En novembre dernier, la Maison-Blanche déclarait à qui voulait l’entendre que l’enquête de Bob Mueller touchait à sa fin. Il semblerait au contraire qu’on n’en soit qu’au tout début.
Statement from the Press Secretary Regarding the Russia Indictments
Earlier today, Deputy Attorney General Rod Rosenstein announced indictments against 13 Russian nationals and 3 Russian entities for meddling in the 2016 Presidential election, which began in 2014 before the President declared his candidacy. President Donald J. Trump has been fully briefed on this matter and is glad to see the Special Counsel’s investigation further indicates—that there was NO COLLUSION between the Trump campaign and Russia and that the outcome of the election was not changed or affected.
President Trump says, “it is more important than ever before to come together as Americans. We cannot allow those seeking to sow confusion, discord, and rancor to be successful. It’s time we stop the outlandish partisan attacks, wild and false allegations, and far-fetched theories, which only serve to further the agendas of bad actors, like Russia, and do nothing to protect the principles of our institutions. We must unite as Americans to protect the integrity of our democracy and our elections.”
[1] UNITED STATES OF AMERICA v. INTERNET RESEARCH AGENCY LLC A/K/A MEDIASINTEZ LLC A/K/A GLAVSET LLC A/K/A MIXINFO LLC A/K/A AZIMUT LLC A/K/A NOVINFO LLC, CONCORD MANAGEMENT AND CONSULTING LLC, CONCORD CATERING, YEVGENIY VIKTOROVICH PRIGOZHIN, MIKHAIL IVANOVICH BYSTROV, MIKHAIL LEONIDOVICH BURCHIK A/K/A MIKHAIL ABRAMOV, ALEKSANDRA YURYEVNA KRYLOVA, ANNA VLADISLAVOVNA BOGACHEVA, SERGEY PAVLOVICH POLOZOV, MARIA ANATOLYEVNA BOVDA A/K/A MARIA ANATOLYEVNA BELYAEVA, ROBERT SERGEYEVICH BOVDA, DZHEYKHUN NASIMI OGLY ASLANOV A/K/A JAYHOON ASLANOV A/K/A JAY ASLANOV, VADIM VLADIMIROVICH PODKOPAEV, GLEB IGOREVICH VASILCHENKO, IRINA VIKTOROVNA KAVERZINA, and VLADIMIR VENKOV.