A la différence de Godot dans la pièce éponyme de Samuel Becket, Mueller arrivera bien un jour. C’est là une certitude. Les supporters de Donald Trump répètent en boucle qu’une enquête est en cours et que pour l’instant elle fait pschitt. Evidemment, c’est là pour eux le moyen de dénigrer le travail que poursuit actuellement l’ancien patron du FBI et de crier à l’acharnement. Ils ne doivent pas crier victoire trop tôt car Mueller et son équipe d’experts chevronnés mènera son enquête à son terme. En revanche, les conclusions qui se faites seront-elles suffisantes pour engager une quelconque démarche de destitution, en particulier d’impeachment ? Rien n’est sûr à ce jour.
De manière anecdotique, les deux personnages de la pièce de Samuel Beckett qui attendent Godot sont Vladimir et Estragon. Vladimir est-il Poutine ? Et Estragon est-il Donald Trump ? Si oui, à la fin de la pièce, il doit baisser son pantalon. Est-ce là un présage ?
Mais en attendant les conclusions de l’enquête dont tous les observateurs avaient bien prévenu qu’elle prendrait beaucoup de temps, peu d’informations transpirent, même si on a déjà à disposition de nombreux faits loin d’être insignifiants.
Le cabinet d’avocats Kramer Levin Naftalis & Frankel, Noah Bookbinder de l’association Citizens for Responsibility and Ethics (CREW) vient de publier un rapport d’une centaine de pages intitulé PRESIDENTIAL OBSTRUCTION OF JUSTICE: THE CASE OF DONALD J. TRUMP à partir de ce que l’on sait à ce jour. Selon ce rapport, les faits connus contiennent suffisamment de preuves que le président Trump a entravé les investigations sur l’affaire Michael Flynn et les implications de la Russie dans les élections de 2016. Des faits qui incluent le limogeage du patron du FBI James Comey. Se pose également la question de savoir si le président Trump a conspiré avec des membres de son équipe de campagne et de son administration pour faire obstruction à la Justice.
Les tentatives pour arrêter une enquête représente une forme courante d’obstruction. Demander la loyauté d’un individu qui est impliqué dans cette enquête, le solliciter pour mettre un terme à cette enquête et au final le congédier pour espérer clore l’enquête constituent des faits typiques pour alimenter une solide conviction d’obstruction à la justice considèrent les auteurs du rapport. En outre, une conduite qui peut être caractérisée comme de l’intimidation, des menaces ou des démarches pour persuader des témoins constituent également des charges d’obstruction.
Pour les auteurs, Bob Mueller aura plusieurs possibilités lorsque son enquête sera terminée. Il pourra transmettre le dossier au Congrès et à la Commission judiciaire qui pourra demander un procès. C’est ainsi que le procureur spécial avait traité l’affaire du Watergate. Il pourra directement mettre en accusation le président Trump et demander un procès. La conclusion de ce rapport est que les faits permettent de penser qu’il y a bien eu obstruction de la justice.
Un article qui commente ce rapport (Obstruction of Justice and President Trump: Comments on a New Report) publié sur le blog spécialisé Lawfare qui fait autorité n’est pas aussi affirmatif sur la conclusion et indiquant que les faits qui seront produits seront déterminants et devront être documentés de manière beaucoup plus précise dans le cadre d’une procédure juridique. Par ailleurs, se pose de savoir si des personnes seront prêtes à témoigner. Les sources que les journaux gardent anonymes sont suffisantes pour publier des articles mais ne sont pas probantes devant la loi.
Si une très forte majorité des Américains ne font pas confiance à Donald Trump et pense qu’il n’est pas taillé pour sa fonction, et si même Steve Bannon, son ancien proche conseiller, pense qu’il a seulement 30 % de chances de finir son mandat, cela ne suffit évidemment pas. Parmi les initiatives en cours qui pourrait alimenter un dossier pour destituer Donald Trump, il y a aussi la publication du livre The Dangerous Case of Donald Trump: 27 Psychiatrists and Mental Health Experts Assess a President qui pose la question : is he crazy like a fox or crazy like crazy et dans lequel deux douzaines de psychiatres et spécialistes de la santé mentale considère que Donald Trump est : « dangerously mentally ill and that he presents a clear and present danger to the nation and our own mental health »).
La chaîne Democracy Now! interviewait récemment le Psychiatre Robert Jay Lifton expliquant le devoir de prévenir le public américain sur l’instabilité du président américain et sur le danger qu’il fait courir aux Etats-Unis et à la Planète. Il a également indiqué que le groupe des 27 psychiatres qui vient de publier ce livre est en contact régulier avec le Congrès pour développer les réflexions des sénateurs et des membres de la Chambre des représentant sur l’état psychologique du président.