Après avoir déversé des millions de dollars pour aider à faire élire Donald Trump, Elon Musk peut conclure à un excellent retour sur investissement. Il a été nommé co-responsable du fameux DOGE (Department of Government Efficiency) qui n’est en fait pas un ministère, mais plutôt une structure de conseil dont les propositions devront passer par un vote du Congrès pour devenir réalité.
Sur un plan plus personnel, il a largement fait fructifier son portefeuille d’actifs. L’avenir d’Elon Musk semble donc être radieux. Non content de recevoir d’avoir reçu ou été reçu par les chefs d’État (Emmanuel Macron en mai 2023 à Paris, Benjamin Netanyahou en septembre 2023, Recep Tayyip Erdoğan en novembre 2023), la nouvelle éminence grise de Donald Trump entend peser sur la politique des autres pays (on est loin du slogan American First). Georgia Meloni a trouvé grâce à ses yeux. L’AfD semble aussi constituer un modèle pour lui : “The AfD can lead the country into a future where economic prosperity, cultural integrity and technological innovation are not just wishes, but reality.” Bref, il considère qu’il peut intervenir urbi et orbi.
Cette ascension est-elle inévitable ? Tout dépendra du bon vouloir de Donald Trump. L’exemple de Steve Bannon est assez instructif même si Elon Musk a plus d’atouts et existe sans Donald Trump. On ne sait pas trop qui a le plus besoin de l’autre. Toutefois, dans cette bataille d’ego à venir, Donald Trump ne supportera peut-être pas trop longtemps l’omniprésence de ce conseiller que les démocrates ont baptisé “President Musk”.
Patron de Breitbart, Steve Bannon a transformé le site en une plateforme influente de l’alt-right, soutenant des idées populistes, anti-immigration et nationalistes. Breitbart est ainsi devenu une voix forte pour les partisans de Trump pendant la campagne présidentielle de 2016.
Cette expérience lui a ouvert les portes de la campagne Trump.En août 2016, alors que la campagne présidentielle du candidat républicain rencontrait des difficultés, Steve Bannon a été nommé directeur de la campagne. Son approche agressive et son sens du populisme ont contribué à recentrer la campagne sur des thèmes mobilisateurs, comme l’immigration, le commerce et la lutte contre l’élite politique. Steve Bannon a joué un rôle central dans la formulation de la rhétorique de Trump, notamment le slogan “America First”, qui a séduit une large base électorale.
Après la victoire de Trump en novembre 2016, Bannon a été nommé conseiller principal et stratège en chef de la Maison-Blanche. Il a été considéré comme l’un des architectes de la politique populiste et protectionniste de l’administration Trump. Il a influencé des politiques telles que le décret anti-immigration, surnommé “Muslim Ban”, et la promotion d’une guerre commerciale contre la Chine. Cependant, son style abrasif et ses idées radicales ont souvent créé des tensions avec d’autres membres de l’administration, comme Jared Kushner, le gendre de Trump, et Gary Cohn, conseiller économique.
Des querelles internes, notamment avec Jared Kushner, et sa tendance à s’attribuer les mérites des succès de l’administration ont fragilisé sa position. Ses ennemis au sein de la Maison-Blanche l’ont surnommé “le président Bannon”, ce qui a irrité Donald Trump. En février 2017, il fait la couverture du magazine Time avec le titre Is Steve Bannon the Second Most Powerful Man in the World? De quoi énervé son patron. En août 2017, Bannon a accordé une interview controversée à un journaliste, où il a tenu des propos désobligeants sur d’autres membres de l’administration et contredit la position officielle sur des sujets stratégiques. Cela a aggravé les tensions.
Officiellement, Steve Bannon a quitté la Maison-Blanche en août 2017. Cependant, il est largement admis qu’il a été poussé vers la sortie en raison de ses relations tendues avec Trump et d’autres membres de l’administration. Face aux jeunes républicains de l’état de New York, il a fait miroiter l’idée que Donald Trump pourrait se représenter en 2028 puisque ses deux mandats ne sont pas consécutifs. Il sait que c’est là une idée fantaisiste, cela ne l’empêche de la faire circuler.
Récemment, il a purgé une peine de quatre mois de prison pour outrage au Congrès. Le fait d’avoir été “fired” par Donald Trump n’a pas érodé sa loyauté envers ce dernier ou tout au moins ces idées. Il est vrai que hors de la sphère Trump, il aurait beaucoup moins d’influence. Il anime un podcast, War Room, une plateforme influente auprès dans le milieu de l’extrâme-droite, où il partage ses idées politiques et ses critiques envers l’establishment.
Ses démélés avec la justice ne sont pas terminés. Il est confronté à des accusations de fraude criminelle liées à la collecte de fonds pour la construction du mur à la frontière américano-mexicaine. Son procès, initialement prévu pour le 9 décembre 2024, a été reporté au 25 février 2025. Les procureurs allèguent que Bannon a détourné des fonds destinés à la campagne “We Build the Wall”. Il plaide non coupable et risque jusqu’à 15 ans de prison s’il est reconnu coupable.
Malgré une forte influence et une intense activité, Steve Bannon joue en deuxième division par rapport à Elon Musk. Néanmoins, ce dernier doit se rappeler qu’il reste toujours l’obligé de son patron et que s’il tire trop la lumière à lui, il pourrait bien subir le même sort.