Huit candidats majeurs démocrates – trois femmes, cinq hommes – aspirent au fauteuil de maire de la ville de New York auxquels il faut ajouter des candidats dont le nom sera présent sur les bulletins de vote, des candidats dits write-in (des candidats dont les électeurs pourront écrire le nom sur leur bulletin). La majorité de ces candidats majeurs ont déjà exercé des fonctions municipales et connaissent donc les rouages de l’énorme machine administrative que représente la mairie de New York. Après avoir accompli deux mandats, Bill de Blasio, le maire en place ne peut se représenter.
Les élections primaires des candidats démocrates et républicains auront lieu le 22 juin prochain et l’élection générale le 2 novembre. Sachant qu’actuellement 5 candidats de partis autres se présenteront directement dans l’élection générale : William Pepitone (Conservative Party), Stacey Prussman (Libertarian Party), Deborah Axt (Working Families Party), Vitaly Filipchenko (Independent), Christopher Krietchman (Independent).
Celui ou celle qui sera élu sera le vingtaine maire de la plus importante ville des Etats-Unis. Il faut se souvenir que New York tel qu’on la connait aujourd’hui, originellement Greater New York, a été créé le 1er janvier 1898 avec la consolidation de cinq boroughs : Manhattan, Brooklyn, Queens, le Bronx et Richmond, autrement dit Staten Island. La ville ainsi créée, qui reprendra ensuite son appellation antérieure, New York, regroupait alors 3,4 millions d’âmes et s’étendait sur 940 km², près de neuf fois la surface de Paris. Cette opération faisait de New York la deuxième ville la plus peuplée du monde derrière Londres.
En un trait de plume, ce sont une trentaine de municipalités qui vont se fondre dans ce nouvel ensemble. Parmi elles, Brooklyn, à l’époque troisième ville des Etats-Unis et dotée d’une identité forte, rejoint la nouvelle métropole avec une certaine rancœur alors que Manhattan est beaucoup plus enthousiaste. De nombreux projets émergent, un métro, des tunnels et des ponts, pour parfaire l’unité de la Ville. Le Brooklyn Bridge existait depuis cinq ans, mais il sera accompagné quelques années plus tard par le Williamsburg Bridge ouvert en 1903 et le Manhattan Bridge en 1909.
Des sondages sont publiés régulièrement mais leur représentativité est encore plus problématique que d’habitude car l’innovation la plus marquante dans cette élection est le mode de scrutin, baptisée ranked-choice voting (vote à choix classé) qui a été déjà mis en œuvre dans plusieurs états et villes des Etats-Unis. Mais le fait qu’il soit utilisé par la première municipalité lui donne un éclairage particulier. A New York, on pourra classer cinq candidats sur le bulletin de vote.
Ce nouveau mode de scrutin permettrait à tous les électeurs de sélectionner des candidats – par exemple un candidat du parti vert ou libertarien – tout en sachant pertinemment qu’ils n’ont aucune chance d’être élus. Il permettrait donc d’élire un candidat plus représentatif de l’ensemble des électeurs. L’envers de la médaille est que la mécanique mise en œuvre est un peu compliquée (le mode de scrutin du président est peut-être plus simple mais il est tout aussi compliqué et pose des problèmes majeurs sans parler de celui utilisé par la mairie de Paris).
Le mode RCV fonctionne de la manière suivante :
Les électeurs classent leurs candidats selon leur ordre de préférence sur un nombre préétabli (5 à New York) ;
Si un candidat est classé en premier choix par plus de 50 % des votants, il est élu ;
Dans le cas contraire, le candidat qui est classé en dernier en premier choix est éliminé
Pour le comprendre, il suffit de prendre un exemple simple. Imaginons, la ville de New Amsterdam qui a retenu un système RCV à cinq choix (comme celui retenu par la ville de New York. Le résultat brut donne les chiffres suivants :
Aucun candidat recueille la majorité de premiers choix. Au vu de ce premier examen, le candidat E est éliminé. Supposons dans les 110 premiers choix du candidat E, 70 aient le candidat A en deuxième choix, 30 le candidat C en troisième choix, 7 le candidat B et 3 le candidat D. Le tableau s’actualise de la manière suivante :
Après élimination du candidat E, le candidat A obtient 790 voix soit 52,8 % des voix et est donc élu.
Il est possible d’avoir à faire plusieurs tours pour arriver à un vainqueur mais cela ne remet aucune en cause la méthode. Au pire, il faut aller jusqu’aux deux candidats restants.
Mais quel qu’il soit, le futur maire aura devant lui une tâche immense, un travail de titan sur tous les fronts, tant la ville a été touchée par la Covid-19. Un seul exemple suffit pour s’en convaincre. Le tourisme qui est une activité importante et une source de revenus qui l’est tout autant a été décimé. Après dix ans de croissance ininterrompue, l’activité touristique s’est effondrée en 2020. Les touristes ont dépensé 13 milliards de dollars, une diminution de 73 % par rapport à 2019, correspondant à un manque à gagner de 1,2 milliard pour la ville en taxes. 89 000 emplois ont été perdus représentant environ 30 % de la main d’œuvre dans ce secteur.
Cette crise est sans doute aussi grave que celle à laquelle la ville a été confrontée dans les années 70. Quelque 500 000 emplois ont été supprimés et plus de 100 millions de square feet (10 millions m²) de locaux de bureaux sont vides. De nombreux bars et restaurants ont été fermés et ne rouvriront pas. La possibilité du télétravail permet à nombre de salariés d’envisager un nouveau lieu de vie où les loyers sont plus abordables et les services mieux adaptés aux familles. Bref, les questions majeures que devra poser le prochain maire de New York : Quel avenir pour New York ? La ville retrouvera-t-elle l’activité d’avant crise ou doit-elle se préparer à un nouveau futur ? Le New York Times a publié un article en retenant 5 scénarios possibles : New York Is Dead. Long Live New York.
Quel que soit le résultat, peu de maires ont été confrontés à des questions aussi existentielles.
Les Maires de New York
De Robert Van Wyck en 1898, premier maire du Greater New York, unifiant les 5 boroughs dans une même ville, à Bill de Blasio, élu en 2013 et réélu en 2017 pour un deuxième mandant, 19 maires se sont succédé au poste de maire de la plus grande ville des Etats-Unis. Dans cette ville très diverse et progressiste, les maires démocrates dominent assez largement dominent la couleur politique. Mais il faut distinguer deux périodes : jusqu’en 1945, où la politique newyorkaise est largement dominée par la machine Tammany Hall, une organisation Tammany Hall est le nom d’une organisation associée au parti démocrate dont l’influence s’est exercée jusqu’à la deuxième guerre mondiale. Parmi les grands maires de New York, il faut citer Fiorello H. La Guardia, fils d’un chef d’orchestre et compositeur italien et d’une native de Trieste, alors part de l’empire austro-hongrois, tous deux émigrés aux Etats-Unis. Elu maire alors que grande Récession bat son plein, La Guardia a mis en œuvre une politique sociale et de construction très active. Il faut aussi mentionner, John Lindsay et Michael Blomberg, tous deux élus en tant que républicains et devenus le premier démocrate et le second indépendant. Ce qui n’a pas empêché ce dernier de soutenir la démocrate Hillary Clinton aux élections de 2016.
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