Inflation, criminalité, immigration, tels étaient les « vrais » problèmes auxquels sont confrontés les « vrais » Américains que les élus républicains de la Chambre des représentants devaient résoudre. Problèmes créés par les démocrates, bien sûr.
Mais ça c’était avant les élections.
Quelle est la mesure phare prise par les troupes de Kevin McCarthy ? La création d’une sous-commission intitulée « Select Subcommittee on the Weaponization of the Federal Government ». On se souvient de la déclaration de Ronald Reagan selon lequel « le gouvernement n’est pas la solution à nos problèmes mais le problème ». Le président des années 1980 sacralisait la méfiance des Américains dans leur gouvernement fédéral symbolisé par Washington DC. Donald Trump a repris l’idée en la transformant par son fameux slogan « Drain the Swamp » accentuant le fossé qui s’était établi entre les élites et les citoyens lambdas. Avec cette sous-commission renverse la charge de la preuve en intimant le gouvernement de prouver son innocence puisqu’il est a priori coupable de tous les maux de la terre (ce gouvernement démocrate s’entend !).
Est-ce le retour d’un nouveau Maccarthysme[1] ? On peut le craindre quand on constate que le président de cette commission n’est autre que Jim Jordan, représentant de l’Ohio, un des plus ardents défenseurs de Donald Trump, actif propagateur des théories du complot et activiste s’il en est des opérations qui ont conduit aux événements du 6 janvier 2020.
Marjorie Taylor Greene en août 2022
er un peu plus tôt
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The things that trouble me most are the things we don’t even know about yet
Thomas Massie
Le vote qui a conduit à la création de cette commission est limpide : tous les républicains – dont tous ceux qui ont voté contre l’impeachment de Donald Trump après l’attaque du 6 janvier – ont voté pour, tous les démocrates ont voté contre. On fait difficilement moins bipartisan. Cette commission sera dotée de pouvoirs élargis : capacité d’ordonner des subpoenas (injonction de comparaître[2], accès aux informations classées, et droit à examiner les enquêtes criminelles (y compris celles qui font suite au 6 janvier). Le premier est assez ironique puisque plusieurs membres de cette commission ont refusé de comparaitre devant la commission du 6 janvier.
Sa mission est simple : détruire toutes les évidences produites par la commission du 6 janvier et attaquer tous ceux qui ne leur plaisent pas à commencer par Joe Biden par l’intermédiaire de son fils Hunter, mais aussi Anthony Fauci ou encore Alejandro Mayorkas, secretary of homeland security… La liste ne va pas manquer de s’enrichir.
Et même si l’objectif initial n’est pas atteint, il peut toujours en rester quelque chose. On se souvient de la commission pour enquêter sur l’affaire Benghazi qui, comme avait déclarer notre ancien président, avait fait pschitt après des heures et des heures de débat. Kevin McCarthy, l’actuel speaker n’avait-il pas déclaré à l’époque que cette investigation avait fait perdre des points à la candidate Hillary Clinton. « Everybody thought Hillary Clinton was unbeatable, right? » avait alors McCarthy déclaré sur Fox News. « But we put together a Benghazi special committee, a select committee. What are her numbers today? Her numbers are dropping. Why? Because she’s untrustable. But no one would have known any of that had happened had we not fought. ».
Une déclaration tellement déplacée qu’elle avait chagriné des élus de son propre camp. Jason Chaffetz, représentant de l’Utah, avait même demandé qu’il fasse des excuses (House Republicans repudiate McCarthy comments on Benghazi probe).
Jim Jordan a commencé dès sa nomination à la tête de cette commission à sortir la machine à tweets (dont certains dépassent l’entendement : voir-desous) à propos de l’affaire embarrassante des dossiers classés retrouvés au domicile de Joe Biden, tentant de faire l’équivalence avec celle de Donald Trump.
Gary Hart, ancien candidat malheureux à la primaire de 1988 et membre de la commission Burch dans les années 1980 a dénoncé la supercherie des républicains qui tentent l’équivalence du Select Subcommittee Weaponization of the Federal Government avec la commission Burch (I Was on the Church Committee. The New Republican Version Is an Outrage).
Trying to disguise a highly partisan effort to legitimize undemocratic activities by cloaking it in the mantle of a successful bipartisan committee from decades ago is a mockery.
Gary Hart, ancien sénateur démocrate
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La commission est autorisé à mener les investigations suivantes :
(A) the expansive role of article II authority vested in the executive branch to collect information on or otherwise investigate citizens of the United States, including ongoing criminal investigations;
(B) how executive branch agencies work with, obtain information from, and provide information to the private sector, non-profit entities, or other government agencies to facilitate action against American citizens, including the extent, if any, to which illegal or improper, unconstitutional, or unethical activities were engaged in by the executive branch or private sector against citizens of the United States;
(C) how executive branch agencies collect, compile, analyze, use, or disseminate information about citizens of the United States, including any unconstitutional, illegal, or unethical activities committed against citizens of the United States;
(D) the laws, programs, and activities of the executive branch as they relate to the collection of information on citizens of the United States and the sources and methods used for the collection of information on citizens of the United States;
(E) any other issues related to the violation of the civil liberties of citizens of the United States; and
(F) any other matter relating to information collected pursuant to the investigation conducted under this paragraph at any time during the One Hundred Eighteenth Congress.
[1] Le maccarthysme ou maccarthisme est une période de l’histoire américaine, connue également sous le nom de « Peur rouge » (Red Scare) et qualifiée fréquemment de « chasse aux sorcières » (witch hunt). Le maccarthysme trouve ses origines dans le fort sentiment anticommuniste qui s’était développé aux États-Unis dans le contexte de la guerre froide. Il s’étend de 1950, avec l’apparition du sénateur Joseph McCarthy sur le devant de la scène politique américaine, à 1954, avec le vote de censure contre McCarthy. Pendant deux ans (1953-1954), la commission présidée par McCarthy traqua d’éventuels agents, militants ou sympathisants communistes aux États-Unis. Plusieurs millions d’Américains sont soumis à des enquêtes judiciaires et policières. Par simplicité l’expression est parfois utilisée dans un sens plus large, elle désigne alors l’ensemble des investigations et de la répression menées par des commissions parlementaires américaines à l’encontre des communistes, leurs sympathisants ou supposés tels, englobant ainsi celles menées par le House Un-American Activities Committee à partir de 1946 (Source : Wikipedia)
[2] Cela ne manque pas de sel puisque Jim Jordan, convoqué par la Commission du 6 janvier avait refuser de comparaitre et de donner des informations.