Donald Trump a été élu président des Etats-Unis le 8 novembre 2016. Avec 304 voix de grands électeurs (contre 227) mais trois millions de voix populaires de moins que son opposante démocrate. C’est le simple résultat de la bizarrerie du système électoral américain. En toute logique, le candidat recherche les voix de ses supporters mais, une fois élu, il est censé devenir le président de tous les Américains.
Pour opérer cette transition, qui peut être difficile, être président de citoyens qui rejettent parfois la légitimité de l’élection et/ou de la personnalité qui occupe la fonction, le président à plus de deux mois pour s’y préparer. Pour ce faire, il doit essayer des gestes de bonne volonté et des actes qui montrent son souhait d’unir ou réunir le pays, après une bataille électorale longue et par nature divisive.
Mais Donald Trump n’a jamais recherché à atteindre cet objectif. Ses faits, gestes et paroles n’ont qu’un seul but : plaire, flatter, exciter, satisfaire sa base et la pousser à détester ceux de l’autre bord. Quel président normal aurait osé utiliser le slogan « lock her up » pour caractériser son opposant et pousser la foule de ses meetings à le scander. Sur ce point, les résultats sont spectaculaires. Le taux d’approbation est resté stable, un des plus stables des présidents d’après-guerre. Imagine-t-on Emmanuel Macron reprendre en boucle dans ses meetings : « Marine à la bastille ».
La popularité de tous les présidents évolue en bien ou en mal au gré d’évènements particuliers : la procédure d’Impeachment pour Bill Clinton, l’attaque terroriste du 11 septembre pour George W. Bush. Pour Donald Trump, rien de tel. Ceux qui le soutiennent, le soutiennent quoi qu’il arrive, ceux qui le désapprouvent ne sont pas prêts à changer d’avis. Donald Trump avait d’ailleurs théorisé cette situation : « My people are so smart (l’expression my people fait frémir) … I could stand in the middle of 5th Avenue and shoot somebody and I wouldn’t lose any voters ».
Et c’est sur cette idée un peu folle que Donald Trump gouverne les Etats-Unis depuis plus de deux ans maintenant. Certes il serait infondé d’affirmer que Donald Trump a divisé l’Amérique en deux camps. Il est un symptôme et non une cause. Mais il est clair qu’il semble tout faire pour agrandir cette fracture, notamment en critiquant tout ce qui bouge et s’oppose à lui ou ose émettre la moindre critique sur sa « wonderful and tremendous presidence » : la presse, les agences de renseignements, les démocrates, Jeff Bezos, les constructeurs automobiles, les grandes villes comme San Francisco, New York ou Chicago dirigées par des démocrates… la liste serait longue.
Donald Trump serait donc le président de l’Amérique éternelle, la vraie, la seule, celle qui est dépeinte dans le documentaire Monravia, Indiana (Monravia, Indiana… heartland of America) dont la carte est présentée ci-dessous.
Heartlandmerica, le pays dont Donald Trump est président
La grande tâche rouge prise en sandwich de deux bandes bleues – les deux côtes – reste d’actualité. Mais une analyse plus fine au niveau de comtés montre encore une situation assez différente. Avec des tâches bleues dans des océans de rouge.
Si l’on prend le cas de l’Ohio, un état toujours scruté au millimètre car il peut faire basculer l’élection dans un sens ou dans un autre (swing state) même si l’évolution modérée de sa population lui fait perdre des grands électeurs, on constate aisément ce phénomène : quelques comtés bleus autour des grandes villes (Cincinnati, Columbus, Akron, Cleveland, Detroit, Toledo) et tout le reste en rouge.
Cette organisation se voit à l’échelle du pays tout entier : les grandes métropoles pour Hillary Clinton (à l’exception de Phoenix dans l’Arizona, Fort Worth dans le Texas ou encore une partie importante de Long Island) et les zones rurales pour Donald Trump. Si l’on ajoute la dimension économique, la fracture est encore plus importante. Les 493 comtés qui ont voté pour Hillary Clinton représente les deux-tiers de l’activité économique du pays (Another Clinton-Trump divide: High-output America vs low-output America) et les 2600 qui ont porté Donald Trump à la présidence le tiers restant. Une sorte de « tiers-état » ? Cette fracture mis en avant dans cet article de la Brooking Institution est la plus forte jamais observée.
Si l’on reprenait la manière politiquement incorrecte de Donald Trump, on dirait les « citoyens éduqués pour Clinton et les ploucs pour Trump » mais on ne reprendra pas ce langage facile et outrancier. On a plutôt d’un côté les laissés pour compte de la mondialisation d’un côté et de l’autre ceux qui en bénéficie. Et même cette vision est un simpliste car si l’on observe la présentation de Monravia, on voit clairement que ses habitants ne s’en sortent pas si mal.