L’état de droit est l’un des piliers de la société américaine avec la démocratie et la séparation des pouvoirs. Depuis que Donald Trump est arrivé à la Maison-Blanche, ce pilier est soumis à rude épreuve.
Mardi, Paul Manafort, directeur de campagne du candidat Trump, au moment décisif de la Convention républicaine, a été condamné sur huit chefs d’accusation tandis que Michael Cohen, son avocat personnel a plaidé coupable devant un procureur fédéral, admis ses crimes et reconnu qu’il avait commis ses crimes en toute connaissance de cause. Le contraire eut été surprenant puisqu’il est avocat. Mais plus grave, il a indiqué qu’il avait commis ces crimes sous la direction de Donald Trump.
Dans une interview de connivence sur Fox News, Donald Trump s’est exprimé sur ces deux affaires et a fait la démonstration que va vision du fonctionnement de la démocratie se rapproche plus de celle John Gotti que de celle de George Washington. Il a d’abord condamné Michael Cohen pour avoir plaidé coupable, coopéré avec la Justice américaine et fourni des informations. Les défenseurs de Michael Cohen disent qu’il a vu la lumière en observant l’épisode d’Helsinki et en voyant son ancien mentor se comporter comme la marionnette de Vladimir Poutine à la face du monde. Peut-être même s’il ne fait aucun doute que l’idée d’obtenir une diminution de peine lui a traversé l’esprit.
En fait, peu importe, c’est le système judiciaire américain qui est fait ainsi. Ce qui compte pour finir, c’est découvrir, débusquer la vérité. Et Dieu sait si Donald Trump est un artiste du camouflage. A-t-il été à l’instigation de ce paiement pour acheter le silence de deux femmes dont la parole aurait pu lui faire du tort lors de l’élection de 2016 ? C’est la version de Michael Cohen sous serment. Fournir de fausses informations en échange d’une possible remise de peine est réellement à déconseiller et pourrait conduire au contraire à alourdir la peine si cette information était fausse. Certes la chose n’a pas été jugée par un jury mais elle est de loin la plus plausible. D’autant que des témoignages semblent vouloir s’y ajouter, notamment ceux des responsables du National Enquirer, pourtant très proches de Donald Trump. S’ils ont obtenu l’immunité, ce n’est parce pour la qualité de leur torchon à scandales mais parce qu’ils ont été considérés comme détenant des informations utiles.
Avec Donald Trump, la séparation des pouvoirs et l’état sont rudement sollicités. Les trois pouvoirs politiques ont depuis longtemps été identifiés : l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire. S’y sont ajouté la presse et depuis quelques années les réseaux sociaux qui jouent l’effet d’une caisse de résonnance de l’opinion publique, pas toujours pour le meilleur. La presse est contre Trump affirme-t-on couramment. Pas si sûr, car si l’on prend en considération Fox News, les radios locales auxquelles on peut ajouter quelques sites comme Breitbart, on a là un balancier assez puissant des grands journaux – New York Times et Washington – et des chaînes câblées, MSNBC et CNN notamment. Quant aux réseaux sociaux, ils se font assez largement l’écho de la base de Donald Trump.
Côté politique, il est assez clair que la majorité républicaine du Congrès s’est désormais rangée derrière le président Trump qui a l’a totalement triangulée. Sa base lui étant désormais totalement acquise – plus de 90 % des républicains croient ce que dit Donald Trump -, les députés et sénateurs n’ont plus beaucoup d’autres choix s’ils veulent être réélus en novembre. Pour l’instant, ils n’y perdent pas trop au change pour l’instant, car ils ont obtenu beaucoup : entre autres, réduction des impôts, nomination de juges dont un à la Cour Suprême et un autre en cours qui va orienter l’institution pour les décennies à venir. Mais à terme, ils pourraient le payer cher. Car si Donald Trump tombe un jour, les républicains tomberont avec et auront du mal à s’en relever.
Reste le Judiciaire. Il était resté dans l’ombre jusqu’ici mais les effets commencent à se faire sentir. Malgré l’abondante moisson de l’enquête de Bob Mueller – inculpations, plaidés coupables -, les soutiens de Donald Trump répètent à l’envi qu’il n’y a pas de collusion. Mais tant qu’elle n’est pas achevée, rien ne permet de préjuger des résultats : peut-être rien, peut-être collusion, voire conspiration.
L’entourage proche de Donald Trump est de plus en plus interpellé par la Justice qui, avance, lentement mais sûrement, indépendamment de tout agenda politique et de toutes considérations partisanes. Bob Mueller ne doit plus se sentir seul et les enquêtes surgissent de toutes parts visant l’entourage du président, la Trump Organization, la Trump Foundation…
Concernant l’état de droit, la déclaration de Donald Trump lors de son entretien sur Fox News a dû faire bondir ses avocats. Selon lui, il devrait être interdit de plaider coupable et de fournir les informations qui aident à atteindre la vérité. Ce qui seul compte à ses yeux : la loyauté. Certes c’est une qualité, mais si elle ne se met pas en travers de la Justice.