127, 128, 129… Le comptage n’était pas fini mais il attira l’attention de Saint-Pierre qui n’avait pas fait le lien avec les évènements intervenus quelques mois plutôt. Les membres du groupe expédiés en urgence malgré eux n’avaient pas eu le temps d’être dispatchés vers les bons interlocuteurs car nombre d’entre eux auraient dû être présentés à Allah ou Yahvé. Le chiffre était assez inhabituel pour susciter sa curiosité. Et le message que cet épisode tragique avait généré « Pray Pour Paris » était fort éloigné du « Je suis Charlie ». Alors que celui-ci avait eu un effet clivant en créant les groupes qui s’en revendiquaient et d’autres qui s’y sentaient totalement étrangers, celui-là était plus inclusif et suscitait une adhésion plus large.
– Saint-Pierre : Que venez-vous faire ici, vous semblez si jeunes et pas du tout préparés pour ce voyage ?
– Djamila, un peu en avant du groupe : des faibles d’esprits tout de noir vêtus se réclamant d’Allah, autrement dit Elie, ont tiré dans le tas pour faire le plus de victimes possibles.
– Saint-Pierre : Mais qu’avaient-ils contre vous pour un tel geste de haine ?
– Djamila : rien de particulier, seulement parce que certains étaient allés boire un coup, d’autres manger un morceau, d’autres encore voir un match de foot et d’autres enfin parce qu’ils écoutaient de la musique. Rien de particulier seulement parce que nous étions vivants, libres…
– Saint-Pierre : ça me rappelle une affaire qui s’est déroulée il y a quelques mois, en janvier 2015 mais alors étaient visés des personnes parce qu’elles avaient fait des dessins ou qu’elles se revendiquaient de Yahvé.
Le point commun est plutôt à trouver du côté des commanditaires que des victimes, pensait-il. J’ai l’impression que ça dégénère, il faut donc que j’en réfère à mon chef.
Suite à un coup de fil, Saint-Pierre confirme au groupe que Dieu considère cette nouvelle affaire très grave et qu’il veut prendre les choses en main. L’histoire le met dans une colère noire. Il appelle Allah.
– Dieu : Qu’est-ce que c’est que ce cirque ! Des abrutis que nous avons créés, soi-disant à notre image, se revendiquent de Toi pour commettre des actes d’une cruauté que je n’aurai même pas imaginée et que je pensais même pas possibles.
– Allah : De quel droit tu te permets de m’interpeler sur le comportement des Hommes, y compris ces abrutis qui relèvent plus du Sous-Néandertalien que de l’Homo Sapiens. C’est vrai qu’on les avait créés à notre image mais on s’était aussi mis d’accord qu’on leur donnait la totale liberté de leurs actes et qu’on n’interviendrait pas directement dans leurs petites affaires. A eux de régler leurs problèmes. Ils prétendent être des individus dotés d’intelligence et de raison, eh bien qu’ils le prouvent !
Dieu comprit qu’il avait été un peu maladroit car rien n’imposait à Allah qu’il se justifie de ce qui se passait chez les créatures qui avaient depuis longtemps arraché leur indépendance. Mais il avait aussi compris qu’il y a avait un problème grave sauf qu’il n’en n’avait pas la clé. Il était déboussolé, cela lui arrivait assez rarement car, finalement, il connaissait toutes les ficelles qu’il avait lui-même créées. Il donna quelques instructions à Saint-Pierre et se retira dans son bureau.
Saint-Pierre retourne voir le groupe des jeunes gens qui attendaient qu’on leur explique la marche à suivre.
– Saint-Pierre : Bon, tout ceci est vraiment triste mais nous allons faire en mieux pour vous faciliter la tâche.
Il distribue alors les billets de 1ère classe pour le paradis.
– Djamila : merci mais moi je veux aller dans mon paradis
– Rachel : moi aussi
Saint-Pierre eu un moment d’hésitation et leur dit que si les hommes s’étaient construits une vision cloisonnée de ce qu’ils appellent communément paradis, ciel, éden, nirvana, Walhalla, Jérusalem céleste, il fallait qu’ils se rendent à l’évidence, tous ces endroits n’en sont qu’un, là où tous les hommes trouvent le bonheur éternel.