Alors que la controverse allumée par le livre de Michael Wolff Fire and Fury Inside the White House faisait rage (1 million d’exemplaires vendus en 4 jours) battait son plein, Donald Trump a ouvert une nouvelle polémique, comme il sait si bien le faire.
Ce nouvel épisode se joue en deux temps. Mardi 9 janvier, Dick Durbin, sénateur démocrate de l’Illinois, et Lindsey Graham, sénateur républicain de la Caroline du Sud, se rendent à la Maison-Blanche pour présenter un projet bipartisan sur la réforme de l’immigration et sur l’assurance santé des enfants. Sur le premier point, quatre sujets majeurs sont abordés pour lesquels démocrates et républicains semblaient prêts à trouver le meilleur compromis ou le moins mauvais accord : DACA (Deferred Action for Childhood Arrivals) ou le traitement des 800 000 citoyens entrés sur le sol américain avec leurs parents lorsqu’ils étaient jeunes, le financement du mur séparant la frontière entre leMexique et les Etats-Unis (ce ne sont plus les Mexicains qui vont le payer), la part de l’immigration basée sur le système de loterie, et le regroupement familial (chain migration). Sur le second, c’est le programme CHIP (Children’s Health Insurance Program) qui est en cause.
Tout semblait bien aller et le président, dans une session ouverte aux caméras, s’est montré conciliant et prêt à signer ce qu’on lui proposerait.
Le jeudi suivant, les deux porteurs de la future loi reviennent à la Maison-Blanche pour régler les derniers détails. Mais, le succédané de Steve Bannon depuis que ce dernier a été démissionné, Steven Miller, alerté sur le contenu du texte, fait venir quelques sénateurs républicains intransigeants pour contrecarrer le projet. La seconde réunion s’est alors beaucoup moins passée et a été le théâtre du dérapage de Donald Trump sur les shithole nations faisant écho à celles quelques semaines plus tôt où il avait déclaré que « tous les Haïtiens avaient le Sida » et que « les Nigériens venant aux Etats-Unis ne voudraient jamais retourner dans leurs huttes ».
Il est arrivé ce qui devait arriver et la politique politicienne a repris ses droits : les démocrates ont claqué la porte – à juste titre suite à cette déclaration détestable – et la majorité des républicains sont restés bien silencieux pour soutenir leur président. De leur côté, les sénateurs républicains présents se sont hasardés dans une défense incohérente : d’abord en ne se souvenant pas que le président avait dit une telle énormité ensuite pour affirmer qu’il ne l’avait pas dit. Ils ont été appuyés dans cette démarche par la ministre de la Sécurité intérieure Kirstjen Nielsen qui a par exemple osé affirmer lors d’une audition au Sénat qu’elle ne savait pas que la Norvège était un pays à très grande majorité blanche.
La situation s’est alors aggravée, car pointait une nouvelle échéance : celle du vote du budget à court terme avant le vendredi 19 janvier. Et si le Congrès n’arrivait pas à régler cette question, c’est le fameux shudown du gouvernement fédéral, un blocage qui oblige les administrations à interrompre les services dits non essentiels. Alors que la Chambre des Représentants a voté la loi, le Sénat n’a pas été capable de dégager les 60 votes nécessaires (45 démocrates ont voté contre mais aussi 5 républicains).
Ce n’est pas première fois qu’un tel événement intervient mais il n’en est pas pour autant dommageable sur le fonctionnement de l’administration, le coût induit et l’image des différents intervenants. Quelque 800 000 fonctionnaires seront mis en congé à partir du samedi. Le coût économique du shutdown est évalué entre 6 et 12 milliards de dollars par semaine. Mais le plus important est sans doute le politique prix à payer suite à cet affrontement.
Une fois engagé dans le bras de fer où chaque camp essaie de faire valoir ses arguments, la question qui reste est qui va-t-on blâmer pour ce fâcheux épisode avec les conséquences pour les élections qui suivront ? Ici, il s’agit de midterms de novembre prochain où les républicains espèrent conserver leur majorité au sénat et les démocrates comptent bien renverser les majorités dans les deux chambres. Alors que les membres de la Chambre des représentants sont tous concernés par cette élection, un tiers seulement des sénateurs le sont : 25 démocrates et 8 républicains. Tous ont en tête la dernière élection de l’Alabama où le candidat républicain Roy Moore s’est fait battre par un démocrate dans un état acquis à la cause du GOP et où Donald Trump avait gagné avec une marge de 28 %.
En majorité les Américains préfèrent un compromis entre les deux partis plutôt qu’une stratégie jusqu’au-boutiste dans laquelle chaque camp reste campé sur ses priorités et totalement intransigeant.
C’est à jeu que Newt Gingrich avait joué en 1995 face aux démocrates et à Bill Clinton et les républicains face à Obama en 2013. Dans les deux cas, comme un effet boomerang, la responsabilité leur a été attribuée et ils en dû ont payé les conséquences.
En jeu également, l’image du Congrès qui est déjà très mauvaise. En 2013, après le Shutdown, celle-ci était tombée à 9 % d’approbation. A quelques heures de çu. , il était encore difficile de savoir comment cet affrontement va se terminer. L’espoir reposait sur une dernière du leader de la minorité Chuck Schumer à la Maison-Blanche. Espoir rapidement déçu avec les déclarations de ce dernier en sortant du Bureau Ovale.
Mitch McConnell a indiqué que le Sénat poursuivrait ses travaux jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée. De son côté, Donald Trump avait prévu de partir comme d’habitude en week-end le vendredi à 16h30 – aux frais du contribuable – dans sa propriété de Mar-a-Lago à Palm Beach (Floride) avant de se raviser et d’annuler son déplacement. Il devait notamment participer à un événement pour lever des fonds à 100 000 dollars par couple pour financer la campagne des prochaines élections.
Comme on s’y attendait, le Sénat n’a donc pas voté le texte. Les républicains vont s’attacher à faire porter la responsabilité aux démocrates et Donald Trump aux deux camps mais en premier aux démocrates. À peine le Sénat n’a pas réussi à voter que Donald Trump n’a pu s’empêcher de publier un tweet dans ce sens. Donald Trump a l’habitude de tirer crédit des réussites, même celles pour lesquelles sa responsabilité n’est pas réellement impliquée et reporté sur les autres les échecs. Et dans un jeu d’accusations circulaires, les démocrates aux républicains.
Dans les deux derniers shutdowns, les négociations entre les deux parties ont abouti lorsque l’un des deux camps a compris qu’il ferait les frais de son intransigeance.
Maintenant qu’en pensent les Américains ? Sur ce nouveau épisode, les opinions sont assez partagées sur qui porte les responsabilités. Ce qui ne facilitera pas la tâche pour sortir de l’impasse.