Alors que les républicains d’aujourd’hui ne veulent plus entendre parler de projets d’infrastructure, c’est leur aîné Dwight Eisenhower, président de 1952 à 1960, qui a signé le 26 juin 1956 la loi construction du système autoroutier Interstate Highway Act, un projet couvrant tout le territoire. Le montant de ce projet de 25 milliards de dollars peut sembler modeste par rapport aux sommes dont on discute aujourd’hui à Washington (1 900 milliards pour l’American Rescue Plan, 2 300 milliards pour le projet initial de loi sur l’infrastructure) mais si l’on actualise en dollars d’aujourd’hui, on atteint 1 200 milliards, donc des montants du même ordre de grandeur. D’autres projets de construction de barrage ou le St Lawrence Seaway, une voie maritime permettant d’aller de l’océan Atlantique aux Grands Lacs, jusqu’à l’extrémité occidentale du lac Supérieur avaient également vu le jour.
Le projet initial déroulait des rubans de 65 000 kilomètres d’asphaltes qui devaient relier 90 % des villes de plus de 50 000 habitants de l’époque. Et c’est sur ce système autoroutier que circulent les millions d’automobilistes aujourd’hui. Si c’est Dwight Eisenhower qui a signé la loi votée par le Congrès, le projet fut défriché pour la première fois en 1939 par le Bureau of Public Roads dans un rapport intitulé Toll Roads and Free Roads. La guerre est arrivée poussant le gouvernement américain à d’autres préoccuppations. Après la guerre, Harry Truman fut happé par le début de la guerre froide. C’est donc le républicain Eisenhower qui lança ce projet sous l’appellation « National System of Interstate and Defense Highways ». Le mot Defense avait été ajouté un peu à la dernière minute pour en faciliter le vote avec notamment l’idée que ces autoroutes permettraient une évacuation des villes en cas d’attaques atomiques. Mais c’est bien la dimension civile « speedy, safe continental travel » qui en fut le principal moteur. Le président Eisenhower qui avait stationné en Allemagne avait été impressionné par le système autotoutier existant sous le troisième Reich connu sous le nom de Reichautobahnen.
“More than any single action by the government since the end of the war, this one would change the face of America with straightaways, cloverleaf turns, bridges, and elongated parkways. Its impact on the American economy – the jobs it would produce in manufacturing and construction, the rural areas it would open up – was beyond calculation.”
Dwight D. Eisenhower Mandate for Change 1953-1956 (1963)
“The Interstate Highway Act literally brought Americans closer together. We were connected city-to-city, town-to-town, family-to-family, as we had never been before. That law did more to bring Americans together than any other law this century . . . ”
President Bill Clinton, February 8, 1996
“‘I can tell by the number of trucks on I-75 how the economy is doing,’ says Stephen Schrantz, executive vice president of . . . a large Cincinnati-based lender.”
The Wall Street Journal, January 31, 1996
Le projet américain était financé par une taxe de 2 cents par gallon (3,8 litres) sur l’essence versé dans un fond Highway Trust Fund. Cela peut paraître peu mais il faut rapporter ce montant au prix de l’essence de l’époque de 29 cents par gallon, cela représente un prélèvement de 7 % ce qui n’est pas négligeable. Si une majorité d’Américains approuvaient le projet, ils endurèrent les conséquences parfois déplaisantes liées à la construction : déplacement de populations, modifications des paysages et de l’environnement. Ces autoroutes modifièrent aussi en profondeur l’organisation du territoire et enclanchèrent le déclin de nombre centres-villes. C’est le début du phénomène des « suburbs » qui virent les populations blanches sortir du cœur des villes pour habiter des banlieues résidentielles, créant ainsi une nouvelle forme de ségrégation. Autre conséquence importante, l’automobile allait prendre le dessus sur le chemin de fer qui commença son déclin.
La création du système autoroutier suscita aussi une réaction d’opposition des populations qui, dans certains, eurent gain de cause. Parmi celles-ci, le site History mentionne la première lutte des anti-road qui réussi en 1959 à stopper le projet d’autoroute urbaine à deux étages à San Francisco sur le front de mer Embarcadero. D’autres mouvements se développèrent dans les villes de New York, Baltimore, Washington DC ou encore la Nouvelle-Orléans et concernèrent principalement des projets d’autoroutes urbaines.
Dans le cinéma américain, le genre road movies tient une place particulièrement importante (voir la longue liste sur le site de la Federal Highway Administration : Road Movies). Il a existé bien avant les autoroutes et un des plus fameux est sans doute les raisons de la colère de John Steinbeck mis en scène en 1940 et qui fait parcourir une famille d’Okies sur la Route 66 en direction de la Californie.
On pourrait mentionner Easy Rider
Thelma and Louise
Ou plus récemment The green book qui nous emmène sur les routes des Etats du Sud.
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