C’était l’élection de tous les dangers pour les républicains. Il leur suffisait de gagner un siège de sénateur pour garder la majorité au Sénat. Une double victoire des démocrates d’autant plus exemplaire qu’elle s’est faite contre deux sénateurs en poste (incumbent). C’est Raphaël Warnock qui a ouvert le bal en remportant son scrutin contre Kelly Loeffler. Et John Ossof a été déclaré vainqueur quelques heures plus tard en battant David Perdue, l’ancien patron de Reebok. Une victoire remarquable pour les deux candidats. Raphael Warnock est le premier sénateur noir de Géorgie et le premier candidat démocrate noir a être élu dans un des états de l’ancienne Confédération. De son côté, Jon Ossof sera le plus jeune sénateur depuis l’élection d’un certain Joe Biden en 1973. Un clin d’œil historique qui ne manque pas de sel.
Le scénario a été exactement le même que lors des élections du 3 novembre. Les deux candidats républicains ont eu une avance assez confortable du fait que les premiers bulletins dépouillés provenaient des comtés ruraux à forte majorité démocrate. Et puis, dix 11 heures du soir quand sont arrivés les décomptes des régions urbaines (surtout Atlanta, mais aussi Savannah, Augusta, Macon, Athens). Avec une cartographie comparable à celle des autres états : les républicains dans les zones rurales et les démocrates dans les zones urbaines et périurbaines.
Le message que Donald Trump aurait pu et dû faire passer était relativement simple : assurer un contrepoids à la présidence démocrate et à la Chambre des représentants à majorité démocrate. Mais comme à son habitude, il ne peut s’intéresser qu’à lui-même et à son sort, si d’autres peuvent en bénéficier tant mieux, sinon tant pis. Il y a eu d’abord cette conversation téléphonique lors de laquelle il a demandé au Secretary of State de l’état Brad Raffensperger de « trouver suffisamment de votes pour renverser le résultat de l’élection présidentielle en Géorgie », allant jusqu’à suggérer qu’il pourrait être pénalement responsable s’ils ne le faisaient pas. Un démarche qui relève du harcèlement puisqu’il a essayé à 18 reprises d’appeler son interlocuteur. On serait intéressé à connaître le contenu des autres conversations qu’il a eu avec les responsables des autres états en balance.
De même, lors de son meeting de campagne à Dalton pour venir soutenir les deux candidats républicains Kelly Loeffler et David Perdue, il a rapidement dérapé sur ses états d’âme, ses gémissements victimaires et ses déclarations erronées habituelles selon lesquelles il avait gagné les élections, par loin.
À la suite d’une telle faillite stratégique, les deux candidats républicains ont donc gagné les runoffs[i] en améliorant leur score de novembre dernier. Merci Donald Trump. Une performance d’autant plus marquante que généralement, les démocrates faisaient moins bien dans ce type d’élections que dans les élections générales. Sur les 7 des 8 dernières runoff élections, les républicains avaient amélioré leur score. La situation a favorisé la participation et vraisemblablement le vote démocrate. Plus de 4,4 millions d’électeurs ont voté soit plus du double des runoffs de 2008. L’argument disséminé par Donald Trump selon lesquelles les élections sont truquées n’ont certainement pas favorisé les républicains à participer au scrutin. Bref un raté complet. Mais selon la journaliste du New York Times Maggie Haberman : « Trump was telling people today that he was happy Loeffler and Perdue lost, according to a person familiar with the conversations. He said they didn’t defend him enough ».
Du coup, les démocrates ont gagné la Maison-Blanche, la Chambre des représentants et le Sénat donnant ainsi une marge de manœuvre plus grande à Joe Biden pour gouverner ces deux prochaines années. En espérant qu’il n’aura pas de renversement lors des élections de mi-mandat dans deux ans comme en 2010, deux ans après l’élection de Barack Obama.
[i] Comme aucun des candidats n’avaient obtenu la majorité le 3 novembre, les deux premiers devaient se présenter à nouveau devant les électeurs.