Près de 3 Américains sur 10 se considèrent tellement aliénés (privés de leurs droits et de leur liberté) par le gouvernement qu’il leur faudra bientôt prendre les armes contre lui. C’est le résultat réalisé d’un sondage réalisé par l’institut politique de l’Université de Chicago (Our Precarious Democracy – Extreme Polarization and Alienation in Our Politics). Et cette proportion monte à 37 % parmi les Américains qui possèdent une arme à feu chez eux, vérifiant le syndrome du marteau qui voit des clous partout. Et chez les « strong republicans », elle est encore plus élevé en s’établissant à 45 %.
On le sait, les Américains en général n’ont pas une très bonne image de leur gouvernement fédéral. Mais de là à en prendre les armes ? Comment peuvent-ils imaginer un instant un conflit entre les citoyens et l’armée des Etats-Unis ? Comment vont-ils attaquer les chars et les F35 ? Peut-être certains d’entre eux se voient-ils rejouer une nouvelle version de « The Patriot ». Ou alors, ils pensent plutôt à une rébellion de type 6 janvier 2021 ? Une initiative inimaginable il y a peu que Donald Trump a rendu possible. Et tout ce qui est arrivé peut se répéter.
A la différence du refrain de la Marseillaise qui appelle les citoyens à prendre les armes pour bouter l’ennemi hors de France, il s’agit ici de se lever contre son propre gouvernement.
Mais non contents d’être suspicieux et belliqueux face à leur propre gouvernement, les citoyens américains se partagent en deux groupes – républicains et démocrates – dont chacun pense que l’autre est composé de « bullies » qui veulent imposer à l’autre leurs convictions politiques et leurs valeurs (73 % chez les républicains et 74 % chez les démocrates). Si l’on prend l’exemple récent du droit à l’avortement, on ne peut que constater une certaine asymétrie. Les démocrates n’ont aucune volonté d’imposer quoi que ce soit aux républicains, ils veulent avoir un droit – celui d’interrompre une grossesse – que les républicains non seulement réprouvent mais refusent.
Cette polarisation de la société américains dont on parle depuis longtemps maintenant fracture les sphères familiales et amicales. 1 Américain sur 2 dit éviter les dissuasions politiques avec les autres. C’est la déclinaison des réseaux sociaux dans la vie réelle qui veut que chacun préfère rester dans sa bulle partisane et considère l’échange avec des avis contraires pourtant source d’enrichissement et condition de fonctionnement de toute société démocratique comme un conflit qu’il faut gagner. Peut-être plus. News Gingrich, le speaker de la Chambre sous Bill Clinton était même allé jusqu’à défendre l’idée que l’objectif est de détruire son adversaire politique qui se transforme ainsi en ennemi. 1 Américain sur 4 déclare avoir perdu des amis pour des raisons politiques. Une proportion équivalente a indiqué arrêter d’acheter les produits d’une marque en raison des positions politiques prises par son producteur.