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Après Urgence, voici Urgence nationale

On connaissait la série TV Urgence (ER pour Emergency Room) diffusée du 19 septembre 1994 au 2 avril 2009 sur le réseau NBC, créée par Michael Crichton et dont ont été tournés 331 épisodes de 45 minutes.

Ce 15 février 2019, voici le premier épisode d’Urgence nationale[1] créé par Donald Trump dont on ne connaît pas encore la longueur, car elle est tournée sous nos yeux sur le même modèle que 24 heures chrono, sauf que là on ne sait pas sur combien de jours ou combien de semaines elle va s’étaler. Après avoir été le présentateur vedette de The Apprentice qui se terminait sur le « You’are fired », Donald Trump joue donc sur un nouveau registre en étant le créateur d’une nouvelle série, avec l’aide de protagoniste de premier plan comme Mitch McConnell qui aurait conclut une sorte de marché : « on (les républicains) vote la loi qui ne donne que 1,4 milliard de dollars pour le mur et on ne s’opposera pas à une décision décrétant l’urgence nationale ».

Comme l’a indiqué Donald Trump dans une prestation aussi décousue que d’habitude (il faut lire le transcription de l’intervention pour le croire ; avec parfois des phrases incompréhensibles), passant d’un sujet à un autre comme du coq à l’âne, l’urgence nationale a été décrétée de nombreuses fois par des précédents présidents, mais la plupart du temps sans implication budgétaire. Les deux dernières fois où cela est arrivé remontent à 1990 et 2001. Elles ont été prises par George HW Bush et George W Bush en réaction à l’invasion du Koweït par l’Irak et aux attentats du 11 septembre. On voit donc aisément qu’on n’est pas du tout dans le même registre. Là il s’agit de détourner des fonds votés par le Congrès pour la construction du mur.

 

Extrait de l’intervention de Donald Trump : « It was like 100 percent better »

When you look and when you listen to politicians, in particular certain Democrats, they say it all comes through the port of entry. It’s wrong. It’s wrong. It’s just a lie. It’s all a lie. They say walls don’t work. Walls work 100 percent. Whether it’s El Paso — I really was smiling because the other night I was in El Paso. We had a tremendous crowd and — tremendous crowd — and I asked the people, many of whom were from El Paso, but they came from all over Texas. And I asked them; I said, “Let me ask you the — as a crowd, when the wall went up, was it better? You were there, some of you.”

It was not only better; it was like 100 percent better. You know what they did.
(…)
The real country — our real country, the people that really love our country, they love you. So I just want you to know that. I know how hard you fight and I know how hard a fight you’re having.
(…)
You know, I’m a big deficit believer and all of that,

 D’abord qu’est-ce qu’une urgence ? Une situation à laquelle on doit remédier sans délai nous dit le dictionnaire. Or si telle était le cas, pourquoi Donald Trump n’a-t-il rien fait pendant les deux premières années de son mandat alors qu’il disposait d’une majorité au Sénat à la Chambre des Représentants. La raison – l’invasion par des hordes d’étrangers Sud-Américains auxquelles se mélangeraient des terroristes, pour laquelle il invoque l’urgence est difficile à reconnaître puisque le nombre d’illégaux franchissant la frontière entre le Mexique et les États-Unis a été divisé par quatre en une quinzaine d’années. Dans son allocution, Donald Trump lui-même indiquait « I didn’t need to do this ».

I could do the wall over a longer period of time, I didn’t need to do this, but I’d rather do it much faster. And I don’t have to do it for the election; I’ve already done a lot of wall for the election 2020. And the only reason we’re up here talking about this is because of the election, because they want to try and win an election which it looks like they’re not going to be able to do.

Maintenant, la réaction se fera sur deux plans.

Politique d’abord. La Commission des affaires juridiques de la Chambre des représentants a indiqué qu’elle lançait une enquête sur le bien-fondé de l’état d’urgence déclaré par Donald Trump et la Chambre, elle-même, va voter une loi pour bloquer la mesure qui devra alors être votée par le Sénat. Pour qu’elle passe, il faudra l’apport de voix d’une demi-douzaine de républicains. Ce n’est pas impossible, mais pas sûr tant les Républicains se sont couchés devant leur nouveau leader. Quelques voix comme celle de Marco Rubio se sont élevées contre cet abus de pouvoir et violation de la Constitution, mais iront-elles jusqu’à défier le président par un vote ? A supposer qu’elle passe, Donald Trump pourra alors opposer son veto. Il faudra la majorité des deux tiers pour surmonter ce veto. Ce qui est évidemment peu vraisemblable.

Maintenant sur le plan juridique. De multiples actions en justice vont être lancées. Donald Trump l’a même envisagé dans son allocution en affirmant qu’au final : il gagnerait au niveau de la Cour suprême (dont il a déjà nommé deux des neuf membres). Est-ce si sûr ?

So the — the order is signed. And I’ll sign the final papers as soon as I get into the Oval Office. And we will have a national emergency, and we will then be sued, and they will sue us in the 9th Circuit, even though it shouldn’t be there, and we will possibly get a bad ruling, and then we’ll get another bad ruling, and then we’ll end up in the Supreme Court, and hopefully we’ll get a fair shake and we’ll win in the Supreme Court.

En fait la réalité est tout autre et plutôt simple : Donald Trump avait fait du mûr une promesse de campagne à sa base et il devait être payé par le Mexique. Devant le Mexique qui ne voulait pas payer, Donald Trump déclara qu’il obtiendrait d’abord 25 milliards de dollars pour le mur pour arriver finalement 1,3 milliard. Une défaite sèche pour le pseudo champion de « The Art of The deal ».

Et c’est là où le président se transforme en perpétuel prestidigitateur transformant la défaite en victoire :

I went through Congress, I made a deal. I got almost $1.4 billion when I wasn’t supposed to get $1 — not $1. He’s not going to get $1. Well, I got $1.4 billion, but I’m not happy with it.

Et puis, de toute façon, il a déjà commencé à construire son « beautiful wall ».

Bref, une bataille juridique et politique en perspective qui, elle, ne se fera pas dans l’urgence.

 

___________
[1]
The National Emergencies Act (NEA) (Pub.L. 94–412, 90 Stat. 1255, enacted September 14, 1976, codified at 50 U.S.C. § 1601–1651) is a United States federal law passed to end all previous national states of emergency and to formalize the emergencies powers of the President. The Act empowers the President to activate special powers during a crisis but imposes certain procedural formalities when invoking such powers (Source : Wikipedia)

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