L’élection du président des Etats-Unis n’a pas encore réellement eu lieu. C’est le 19 décembre que les grands électeurs vont mettre leur bulletin dans l’urne pour désigner celui qui sera le 45e président des Etats-Unis. On l’oublie trop souvent car cette deuxième phase est le plus souvent une formalité. Les grands électeurs votent pour le candidat de manière quasi automatique. Par exemple, tous les grands électeurs du Texas, démocrates et républicains, devraient voter pour Donald Trump puisque celui-ci a obtenu la majorité des voix populaires dans cet état. Il en va donc de même pour tous les Etats sauf exception du Nebraska qui applique la même règle mais au niveau de trois circonscriptions de l’Etat.
Mais cette règle d’automaticité n’est écrite nulle part dans la constitution. A l’inverse, elle peut être remise en question en cas de force majeure lorsque les grands électeurs jugent en conscience que le candidat désigné par les voix populaires ne pose pas de problèmes majeurs. Mais précisément, l’élection de Donald Trump est tout sauf normal et pose au moins deux problèmes majeures : celle de l’intégrité de l’élection avec les manipulations du gouvernement russe avéré par la CIA dont l’effet sur le résultat doit être éclairci et l’énormité des conflits d’intérêt entre Donald Trump CEO d’entreprise et Donald Trump président des Etats-Unis.
Et les grands électeurs qui vont voter lundi prochain veulent en savoir plus sur ces deux questions. Sur la première, une soixantaine de grands électeurs principalement démocrates ont écrit une lettre ouverte au directeur de la NSA pour demander que les conclusions déjà établies sur les actions de la Russie soient rendues publiques. Sur la seconde, Donald Trump avait annoncé une conférence de presse le 15 décembre pour rendre publique les mesures qu’il comptait prendre. Et puis, tout d’un coup, cette conférence est reportée… à plus tard, en tous cas après le 19 décembre c’est-à-dire après qu’il soit formellement élu.
Dans ce contexte inédit, un nombre significatif de grands électeurs ont fait savoir qu’ils ne voteraient pas pour Donald Trump comme ils seraient censés soi-disant le faire. C’est ce qu’affirme Lawrence Lessig, professeur de droit à Harvard et candidat à la primaire démocrate qui propose par ailleurs ses services gracieusement pour défendre les grands électeurs qui pourraient inquiétés juridiquement à cause de leur vote.
Si le vote des grands électeurs consistait uniquement à mettre le bulletin pour lequel ils ont été mandaté par le résultat du vote populaire au niveau de l’Etat, leur rôle ne serait que purement formel. Les textes – Constitution mais aussi le numéro 68 du Federalist écrit par Alexander Hamilton, un des Pères Fondateurs les plus vénérés – indique bien que les grands électeurs doivent exercer leur jugement. Ce texte intitulé « The Mode of Electing the President ». Hamilton fait l’éloge de ce système de grands électeurs qui joue un rôle d’intermédiaire puissant entre le peuple souverain et celui qui doit exercer la plus haute fonction. En cas de force majeure, ils permettraient de barrer la route à un candidat qui n’aurait pas les conditions requises ou qui aurait été élu dans des conditions suspectes. Et un des cas envisagés par Hamilton est celui d’une intervention d’une puissance étrangère :
These most deadly adversaries of republican government might naturally have been expected to make their approaches from more than one quarter, but chiefly from the desire in foreign powers to gain an improper ascendant in our councils
A ce jour, 29 état ont voté une loi pour rendre le vote des grands électeurs obligatoire dans le sens du vote populaire. Dans le cas contraire, ils pourraient faire l’objet de poursuites pénales (1000 dollars d’amende mais surtout 1 an de prison pour le cas du Colorado). Pour casser cette règle et faire jurisprudence, deux grands électeurs du Colorado ont engagé une action judiciaire.
Bref, le pays va retenir son souffle d’ici à lundi. Car même si le nombre de 37 grands électeurs n’était pas atteint, le seul fait qu’un nombre significatif d’entre eux n’aient voté dans le sens du populaire affaiblirait un peu plus la légitimité de Donald Trump.
The Mode of Electing the President
From the New York Packet
Friday, March 14, 1788.
Autoritarisme et népotisme telles sont les deux caractéristiques
de la présidence Trump qui s’annonce
https://youtu.be/Wmzz6CHTAQc