« Selon que vous serez puissant ou misérable
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».
Les animaux malades de la Peste
La Fontaine
Il est étonnant de voir comment les formules de Jean de La Fontaine résonnent si juste encore aujourd’hui. Et l’affaire immonde de Jeffrey Epstein, à côté de laquelle l’affaire Harvey Weinstein, pourtant aussi détestable, apparaît bien plus banale. Même s’il ne faut pas tomber dans la comparaison de ces affaires répulsives et dégoûtantes.
La lecture de l’acte d’accusation est claire et ne laisse que peu de place à l’interprétation et aux commentaires. Les faits sont là et ils sont odieux. Jeffrey Epstein est accusé de trafic sexuel, et cela dans ses différentes résidences. Lors d’une perquisition à l’un de ses domiciles, des centaines de photos de jeunes mineures – entre 13 et 16 ans – nues ont été trouvées. Il risque 45 ans de prison. Il a plaidé non coupable et de toute façon plaider coupable dans ce type d’affaires, les plus crapuleuses dans la hiérarchie judiciaire, de permettent pas vraiment de réduction de peine.
Mais cette affaire dépasse de très loin le simple fait divers – aussi odieux soit-il – il peut être considéré comme une affaire d’État. Pour plusieurs raisons.
D’abord parce que dans un précédent jugement où il avait déjà été accusé des mêmes actes, Jeffrey Epstein avait bénéficié d’une clémence totalement exorbitante de la part d’Alex Acosta, alors juge fédéral en Floride. Le problème est qu’Alex Acosta est aujourd’hui Secretary of Labor dans le gouvernement de Donald Trump. Il a été nommé par Donald Trump en 2017. Décidément, pourrait-on dire, Donald Trump sait s’entourer de personnes à problème. Beaucoup de politiques ont rapidement demandé la démission d’Alex Acosta qui semble pour l’instant indifférent à cette affaire. Mais il est assez clair que cette démission interviendra assez rapidement.
Ensuite, William Barr, ministre de la Justice, s’est récusé dans cette affaire au titre que le cabinet d’avocats – Kirkland & Ellis – dans lequel il travaillait avait défendu Jeffrey Epstein. Le père de William Barr avait recruté ce dernier comme professeur de mathématiques dans un collège huppé de New York, alors qu’il n’avait pas de diplôme dans cette matière.
Enfin, Jeffrey Epstein, de par sa position sociale et sa situation géographique – New York et Palm Beach notamment – semble avoir été assez proche de Donald Trump. « A cette époque, Si vous ne connaissiez pas Trump et Epstein, vous n’étiez personne, écrit Alan Dershowitz, professeur de droit à l’Université de Harvard et alors avocat dans l’équipe qui a défendu Jeffrey Epstein en 2006. Donald Trump, connu pour ses avis peu nuancés, avait déclaré dans un article du New York Magazine dans lequel il déclarait : « I’ve known Jeff for 15 years. Terrific guy,” Mr. Trump told New York magazine in 2002. “He’s a lot of fun to be with. It is even said that he likes beautiful women as much as I do, and many of them are on the younger side. »
On retiendra la formulation « on the younger side » pour dire mineure.
Interrogé mardi dans le Bureau ovale, Donald Trump a pris ses distances déclarant : « I knew him like everybody in Palm Beach knew him » ajoutant « I had a falling out with him. I haven’t spoken to him in 15 years. I was not a fan of his, that I can tell you » contredisant ses précedentes appréciations sur le personnage. Mais on a l’habitude et d’ailleurs pouvait-il faire autrement.
Parmi les proches de Jeffrey Epstein, il fait citer Bill Clinton et le prince Andrew. Pour sa part, Bill Clinton a publié une déclaration assez détaillée sur ses relations avec Epstein. Mais Bill Clinton n’est plus président depuis longtemps alors que Donald Trump l’est encore.