Un des avantages avec Donald Trump est qu’il dit tout haut ce qu’il pense tout bas. Il ne peut s’en empêcher. Le deuxième des trois débats qui opposait Hillary Clinton et Donald Trump, on a eu l’occasion d’assister à cet échange qui ressemble plus à match de catch (Donald Trump apprécie particulièrement ce sport) qu’à un débat pour la présidence des États-Unis.
– « If I win, I am going to instruct my attorney general to get a special prosecutor to look into your situation, » annonce Donald Trump
– « It’s just awfully good that someone with the temperament of Donald Trump is not in charge of the law in our country, » répondit Hillary Clinton
– « Because you would be in jail, » conclut celui qui sera élu un mois plus tard.
Après son élection, il avait indiqué avoir tourné la page dans une interview au New York Times : « I don’t want to hurt the Clintons, I really don’t. “She went through a lot and suffered greatly in many different ways, and I am not looking to hurt them at all. The campaign was vicious.”
Mais la suite prouve que c’était là un effort trop important pour lui. Tweet après tweet, il ne peut masquer sa rancœur contre son ancienne opposante. Et même lors des meetings de campagne, il a repris un de ses slogans favoris – lock her up – avant de suggérer à ses partisans de le reprendre en cœur.
Tout ceci serait presque anecdotique s’il n’était pas président des États-Unis et s’il avait compris qu’il l’était. Que les États-Unis ne se gèrent pas comme une PME familiale. Qu’il y a des pouvoirs et des contrepouvoirs.
C’est précisément ce que James Madison, l’un des rédacteurs de la Constitution et qui appartient à ceux que l’on appelle les Pères fondateurs. Ce n’est pas le pouvoir qui corrompt, mais l’absence de limite du pouvoir.
« The accumulation of all powers, legislative, executive, and judiciary, in the same hands, whether of one, a few, or many, and whether hereditary, selfappointed, or elective, may justly be pronounced the very definition of tyranny. »
― James Madison, Federalist Papers
Un article publié par le New York Times nous apprend qu’au printemps dernier Donald Trump avait demandé à son conseiller juridique Don McGahn (jusqu’en octobre 2018) d’engager des poursuites contre Hillary Clinton et James Comey (alors directeur du FBI) via le ministère de la Justice. Don McGahn a rétorqué au président qu’il n’avait pas ce pouvoir et qu’il pouvait seulement initier une enquête. L’équipe de conseillers juridiques du président a, selon le New York Times, été contrainte d’écrire un mémo expliquant les conséquences d’une telle initiative, parmi lesquelles l’impeachment n’est pas la plus improbable.
Clairement, Donald Trump considère le ministère de la Justice comme un instrument à son service poursuivre ses opposants et ne semble pas avoir compris la position particulière que ce ministère a par rapport à la présidence.
C’est d’ailleurs la raison qui la conduit à démettre le lendemain de midterms Jeff Sessions, ministre de la Justice qui s’était récusé dans l’enquête menée par Robert Mueller et de nommer à sa place son ancien chef de cabinet, plus pour ses positions totalement alignées avec les siennes que pour son expérience politique et juridique. La suite n’est pas encore connue. Si l’avenir de Robert Mueller est incertain, le résultat de son enquête ne l’est pas. Si Donald Trump, vis son nouveau ministre de la Justice, Matthew Whitaker, démettait le procureur Mueller, les démocrates dans la future Chambre des représentants qui commencera ses travaux en janvier prochain, auront alors tout loisir de le convoquer en qualité de témoin à faire part du fruit de ses enquêtes.