Etes-vous démocrates ou républicains ? Ce bipartisme qui s’est imposé à la vie politique américaine depuis bien longtemps serait-il dépassé ? Si c’est toujours un candidat des deux grands partis qui l’emporte, cela n’empêche pas à certains de tenter leur chance. Il est faux de penser que deux candidats seulement s’y affrontent.
Sur les 12 dernières élections (sans compter la toute dernière), de 1960 à 2004, 6 ont été des triangulaires. Là, le système a l’effet inverse d’écrasement des « petits » candidats, un nombre parfois significatif de votes populaires se traduit par 0 voix de délégués. C’est le cas de Ross Perrot en 1992 qui, malgré ses 19 % de voix populaires, n’a obtenu aucun délégué. Dans cette situation, le meilleur résultat enregistré sur cette période est celui de George Wallace qui, en 1968, a obtenu 13,5 % des voix populaires et 8,4 % des voix de délégués.
Gouverneur de l’Alabama, George Wallace fait partie de ces démocrates du Sud favorables à la ségrégation : « ségrégation maintenant, ségrégation demain, ségrégation pour toujours », avait-il déclaré. Quelques années plus tard, George Wallace sera ce que l’on appelle un « born-again » (un chrétien qui retrouve sa foi) et demandera pardon aux Noirs. C’est un habitué de la campagne présidentielle puisqu’il y a participé à quatre reprises : une fois comme indépendant et trois fois comme postulant à la candidature démocrate.
En 1968, George Wallace avait refusé de passer par les Primaires démocrates et s’était présenté comme candidat du nouveau parti American Independant Party. Créé en 1967 et basé en Californie, ce parti est issu d’une scission de l’American Parti et reprend les thèmes chers aux Etats du Sud. Il souhaitait ainsi empêcher les candidats des deux grands partis d’avoir la majorité absolue des grands électeurs et ainsi obliger le Congrès à voter afin d’obtenir des concessions sur la politique fédérale concernant la déségrégation. Richard Nixon a eu néanmoins la majorité absolue des délégués.
Hors des élections présidentielles, les indépendants ont beaucoup de mal à se faire entendre, en particulier parce qu’ils n’exercent que très peu de mandats électifs. Ils ne sont pas représentés au Sénat ou à la Chambre des représentants. Néanmoins, certains politiciens appartenant aux indépendants ont marqué l’histoire des Etats-Unis, le plus fameux d’entre eux étant George Washington qui n’était affilié à aucun des deux grands partis pendant ses deux mandats.
Après la victoire de Barack Obama, on pourrait penser que les démocrates aient le vent en poupe. Pourtant selon une enquête que vient de réaliser le Pew Research Center (l’institut a interrogé plus de 3000 personnes début avril), la proportion d’Américains qui s’identifient au parti démocrate est passé de 39% en décembre 2008 à 33% en avril 2009. Chez les républicains, la perte des élections a entraîné une grande désaffection des partisans et la proportion des citoyens américains qui se réclament de ce parti a diminué de 26% à 22% dans le même intervalle de temps.
Qui bénéficient alors de cet affaissement des deux grands partis ? Tout simplement les indépendants dont les partisans ont gagné 9 points en cinq mois devant ainsi les plus nombreux, passant de 30 % en décembre 2008 à 39% en avril 2009. C’est le plus haut niveau depuis 70 ans. Mais qui sont ces indépendants et comme se situent-ils par rapport aux démocrates et aux républicains, sur les questions politiques et sociales. Sur les grands sujets qui ont fait l’objet d’une enquête du Pew Research Center, ils se situent entre les deux, d’où le titre du Rapport « Independents Take Center Stage in The Obama Era ».
Sur la couverture maladie et le Welfare State, sur l’intervention du gouvernement, sur la régulation, cette position médiane est claire (voir le tableau ci-contre). Cette troisième force – qui ne serait pour plaire à François Bayrou – serait un peu proche sur le plan des idées des démocrates.
La force du bipartisanisme est si forte aux Etats-Unis qu’on pourrait penser qu’ils ne peuvent exister en soi – on est indépendant lorsqu’on n’est ni démocrate -, ni républicain et devraient s’assimiler aux conservateurs ou aux libéraux. Un peu comme les centristes en France. Dans ce jeu des forces, les indépendants seraient plus près des démocrates que des républicains (17% contre 12%).
Ce dynamisme des indépendants se maintiendra-t-il dans le temps ? Difficile à dire, mais il y a fort à parier que le parti républicain arrive à se retrouver et que les « indépendants tendance républicains » reviennent au bercail. Surtout à supposer (et à espérer) que Barack Obama réussisse dans sa formidable tâche de remise sur les rails des Etats-Unis, que les « indépendants tendance démocrate s » rejoignent leurs compagnons naturels de route.