Dans l’annonce officielle des droits de douane sur l’acier et l’aluminium, Donald Trump a justifié la mesure par le fait que les autres nations prenaient avantage de la faiblesse des États-Unis depuis des décennies. Evidemment, on est loin du thème sur le pillage du tiers-monde par les grandes multinationales, au premier desquelles les multinationales américaines, développées dans les années 70/80 (Le pillage du tiers monde – Pierre Jalee – Petite Collection Maspero – 1973).
Les déclarations du président ont été largement appuyées par les conseillers protectionnistes – Peter Navarro, director of White House National Trade Council et Wilbur Russ, ministre du Commerce – au détriment des « globalists » emmenés par Gary Cohn. A la suite de la décision de Donald Trump de maintenir les droits de douane sur l’acier et l’aluminium, ce dernier à donner sa démission. Mais il peut déjà être satisfait, car il a réussi assez facilement à faire passer sa grande réforme fiscale, très favorable aux entreprises et aux catégories les plus aisées.
Lorsqu’il a annoncé officiellement l’imposition de droits de douane, Donald Trump a, comme toujours, énoncé nombre de contrevérité mais surtout affiché un discours agressif dans lequel il a déclaré qu’était fini le temps où les États-Unis se faisaient gruger par toutes les nations de la Terre. Et sur toutes les chaînes de télévision où il a fait le service aprrès-vente, son conseiller Peter Navarro a répété à l’envi que les droits de douane qu’imposaient les États-Unis à ses importations étaient les plus bas dans le monde.
“The United States has the lowest tariffs in the world — the lowest non-tariff barriers — and what do we get for that? We get a half-a-trillion-dollar-a-year trade deficit, which is draining us dry, taking our jobs, putting them offshore, harming the workers of America, and driving down wages.”
— Peter Navarro, director of White House National Trade Council, interview on Fox News, March 2, 2018
Une affirmation à l’emporte-pièce, loin d’être exacte. Si l’on considère exclusivement les droits de douane, l’affirmation ne serait pas complètement erronée mais il faudrait plutôt dire parmi les plus bas. Par ailleurs, établir une relation de cause à effet en droits de douane et déficit commercial est là aussi un raccourci peu crédible, car il d’autres paramètres à prendre en compte parmi lesquels l’innovation et la productivité jouent un rôle important. Mais surtout, les droits de douane ne sont qu’un élément de modification des échanges et il existe beaucoup de barrières non tarifaires aux échanges : licences, accords sur une restriction d’exportation volontaire, embargos, normes, retards administratifs et bureaucratiques à l’entrée, dépôts d’importation… Autant d’éléments que l’on peut ranger dans ce que l’on appelle le Soft Power. Et dans ce domaine les États-Unis seraient très bien placés (de leur point de vue) si l’on en croit une étude mentionnée par la Washington réalisée par Crédit Suisse en 2015.
Et depuis les années 90, les États-Unis ont aussi fait du droit un instrument de leur puissance internationale. En 1977, le Congrès vote le FCPA (Foreign Corrupt Practices Act) visant à sanctionner les entreprises américaines pour des faits commis hors du territoire américain. L’intention est louable et vise à limiter la corruption. Mais dans les années 90, ils étoffent ces lois aux entreprises non américaines et en adoptent de nouvelles (Helms-Burton, D’Amato) interdisant tout commerce avec les pays sous embargo, embargo décidé parfois de manière unilatérale. La justice américaine s’étend ainsi sur l’ensemble du globe. Et depuis le 11 septembre 2001, les États-Unis ont renforcé le dispositif avec le Patriot Act et ont été très actifs à imposer des amendes aux entreprises ayant commis des délits du point de vue américain. Et les sanctions sont tombées dru depuis quelques années en se transformant en une sorte de racket organisé par la Justice américaine. Avec 6,5 milliards d’euros, la BNP remporte la palme mais bien d’autres sociétés ont dû « passer à la caisse » : Volkswagen, Deutsche Bank, Alstom, Airbus, Alcatel, Technip, Total, Société Générale… Bref la liste est longue et certainement pas close. Et les entreprises visées sont quasiment obligées de payer sous peine de mesures de rétorsion pouvant rendre très difficile l’accès au marché américain.
Les mesures prises par Donald Trump sont symboliques et très politiques pour rassurer sa base. Mais elles présentent les risques de voir se développer un affrontement entre alliés. En tous cas, Donald Trump construit un discours de plus en plus belliqueux qui semble plaire à ses soutiens. Reste à convaincre les responsables de son parti. La tâche ne semble plus insurmontable. Il ne restera plus qu’à changer le nom du Parti : le GOP pourra alors s’appeler le « Trump Party ».