Donald Trump est plus le révélateur et le résultat d’une transformation en profondeur de la société américaine que l’initiateur d’un changement. Tel est l’idée qui sous-tend le dernier rapport publié par le Pew Research Center (The Partisan Divide on Political Values Grows Even Wider). Une des caractéristiques majeures de l’évolution qu’ont connu les Etats-Unis depuis un quart de siècle est ce que l’on polarisation, certains analystes parle même de tribalisme. Dans ce nouveau monde, chaque partie est prête à défendre coûte les membres de sa tribu aux détriments de toutes autres considérations : valeurs, principes, idées…
Vu de France, on disait souvent que démocrates et républicains étaient d’accord sur l’essentiel et opposés sur l’accessoire, aujourd’hui c’est le contraire. Les démocrates et les républicains ne semblent plus rien partager – valeurs, objectifs, politiques – modifiant radicalement le fonctionnement du Congrès. Il n’y quasiment plus d’initiatives « across the isle » c’est-à-dire réunissant les deux partis. Chacun des deux parties est en fait une faction qui engage une véritable guerre de tranchées contre l’autre camp.
Depuis un quart de siècle quelques événements ont favorisé cette évolution pour le moins regrettable. Un des premiers a engagé cette guerre des tranchées a été Newt Gingrich dont Thomas Mann et Norman Ornstein narre longuement les exploits dans leur livre « It even worse that it looks ». Celui qui deviendra Speaker pendant le mandat de Bill Clinton lança toutes les initiatives possibles pour mettre fin à la domination démocrate au Congrès. Ils racontent en particulier comme Newt Gingrich a tiré parti de la naissance de la chaine de télévision parlementaire C-SPAN en prenant la parole autant que faire se peut, même devant un hémicycle vide, pour tirer bénéfice de la retransmission télévisuelle des débats.
Autre événement important, la création de Fox News en 1996 par Rupert Murdoch pour transformer la télévision en continu en arme idéologique, pour la droite populiste en l’occurrence. L’opération a très réussie car Fox News est aujourd’hui un des premiers canaux d’informations utilisé par les Américains. Les présentateurs vedette comme Sean Hannity ou Bill O’Reilly ne cherche aucunement d’être objectif mais plutôt d’attaquer frontalement les démocrates, et même pire, les liberals. MSNBC a été lancé pour contrecarrer cette offensive mais avec un succès moindre. Certes MSNBC est aussi très orienté mais adopte une démarche moins outrancière que sa concurrente à droite qui ne recule devant rien. CNN a emboité le pas en devenant aussi une chaîne engagée, plutôt du côté démocrate. Donald Trump en a fait une de ses attaques favorites dans le monde des « Fake News ».
Depuis une dizaine d’années, les réseaux sociaux sont devenus aussi une caisse de résonance qui charrie et amplifie parfois des idées dont la profondeur et la pertinence est l’égale de la longueur maximale imposée du message, 140 caractères pour Twitter passé depuis à 280 caractères. Si l’affirmation « The medium is the message » de Marshall McLuhan, on comprend aisément que les pensées exprimées dans les messages Twitter sont le plus souvent des idées à l’emporte-pièce : anathème, blâme, condamnation, réprobation, réprouvé, le tout sans aucune nuance. Eh oui, comme être nuancé dans un espace aussi réduit. Donald Trump est d’ailleurs le premier président adepte de l’outil de communication qui lui permet de s’adresser directement à sa base et le plus souvent de la « caresser dans le sens du poil ». Facebook est devenu aussi la grande chaîne de communication interpersonnelle du monde, qui peut souvent se transformer en Vues et images du Monde et France Dimanche. Et dont l’objet peut aussi être détourner à des fins politiques comme ce fut le cas lors des dernières élections présidentielles. Les Russes ont pu acheter des publicités mensongère (comme sur Twitter d’ailleurs) comme par exemple « Le Pape François soutient Donald Trump » qui ont été visualisées par 150 millions d’Américains.
En son temps, John McCain a participé à cette tendance populiste en nommant Sarah Palin dans son ticket aux élections de 2008. Avec 8 ans d’avance, La candidate à la Vice-Présidence annonçait Donald Trump Le Tea Party, dont Sarah Palin était une grande prêtresse, a aussi été une des manifestations de cette évolution vers le populisme.
On en est donc arrivé en 2016 avec Donald Trump qui est à la fois une exception dans l’arène politique et un symptôme de ce profond malaise qui ronge la société américaine où le sectarisme semble l’emporter sur la tolérance. Une chose est sûre, Donald Trump n’a qu’un parti : Donald Trump. Comme le rappelle le magazine The Atlantic, il a été successivement républicain (en 1987), indépendant, démocrate, puis républicain, puis « I do not wish to enroll in a party », puis républicain.
1 Commentaire
Loiseau
Trump a la fois exception et symptome de la polarisation grandissante : : l’ ecart grandit entre les deux partis, mais Trump est lui-même en lutte contre son propre parti. Le paradoxe demanderait à être fouilllé :
Pourrait on dire que les partis restent très proches l’un de l’autre (Mac Cain et son copain démocrate), mais que les électorats républicain (pro Trump) et démocrate (pro sanders) s’éloignent de plus en plus ?