Dans un article récent (Robert Mueller’s Show of Strength: A Quick and Dirty Analysis), le site Lawfare résume les deux principaux éléments – irréfutables – apportés par le lundi gris (le noir c’est pour plus tard) pour l’environnement de Donald Trump.
Le premier est que celui qui est aujourd’hui président des Etats-Unis a eu un directeur de campagne qui a servi pendant des années comme un agent non enregistré d’une puissance étrangère et vient d’être mis en cause pour 12 chefs d’accusation. Donald Trump a donc fait preuve d’un piètre jugement. Il a eu également dans son équipe de campagne un conseiller qui a menti au FBI et plaide coupable dans une inculpation qui a été révélée lundi
Concernant Paul Manafort, l’environnement de Donald Trump répète que les chefs d’inculpation n’ont rien à voir avec la campagne et avec un hypothétique collusion avec la Russie qui n’a jamais eu lieu. Les porte-paroles du Président ont tour à tour expliqué que Paul Manafort n’avait servi que très peu de temps comme directeur de campagne.
Le second est qu’un membre de l’équipe de campagne de Donald Trump admet qu’il a collaboré avec des personnes en contact étroit avec le gouvernement russe pour organiser un meeting avec des officiels pour obtenir des informations compromettantes sur Hillary Clinton via des milliers d’emails volés. Concernant les emails, on ne sait pas s’il s’agit de ceux hackés au DNC, affaire révélée en juin 2016, les emails volés de John Podesta en mars 2016 ou les 30 000 mails d’Hillary Clinton lorsqu’elle était Secretary of State. Non seulement, les responsables de l’équipe de campagne Trump n’ont pas informé le FBI mais ils ont encouragé George Papadopoulos à mettre cette réunion sur pied. D’ailleurs, Paul Manafort, Donald Trump Jr, Jared Kushner ont bien participé à une réunion à la Trump Tower en juin 2016 dans le but d’obtenir des informations sur Hillary Clinton.
Beaucoup d’observateurs s’accordent à dire qu’il ne s’agit là que d’un début et que Bob Mueller envoie un signal fort à tous les participants de la campagne du candidat Trump, qu’il possède de solides informations et qu’il serait sage de leur part de coopérer. On remarque que si Papadopoulos plaide coupable, les deux autres protagonistes ont fait le choix opposé de plaider non coupable. En cela, ils prennent un gros risque en termes de peine encourue. En plaidant non coupable, Paul Manafort risque, s’il est condamné, de finir ses jours derrière les barreaux.
Par rapport à ces premiers éléments tangibles et concrets de cette enquête, les réactions des républicains couvrent un spectre assez large dont le moins engagé est de dire qu’il faut attendre la suite de l’enquête en affirmant que du côté de Paul Manafort il n’y aucun lien avec la campagne et que concernant Papadopoulos, il s’agit d’un bénévole de la campagne qui n’avait aucune responsabilité : un « coffee boy » pour certains, « this kid » pour d’autres (Il a 28 ans).
Parmi les réactions les plus révulsantes, on peut citer celle de Newt Gingrich, ancien Speaker sous Clinton et ex-candidat à la primaire républicaine de 2012, qui, lors d’une interview avec Sean Hannity de Fox News, revient largement sur l’affaire de l’uranium en affirmant que l’administration Obama a été la plus corrompue de l’histoire pour ensuite qualifier Bob Mueller de « out of control prosecutor » et s’émouvoir du traitement qu’a fait subir le FBI au « pauvre » Paul Manafort. Les chefs d’accusations contre ce dernier ne sont pas minces, notamment complot contre les Etats-Unis et blanchiment d’argent (75 M$). Excusez du peu !
Les interviews de Sean Hannity sont assez amusantes car il ne pose pas vraiment de questions mais procède par affirmation poussant son interviewé à aller un peu plus loin dans sa propre rhétorique antidémocrate. Il est vrai qu’avec Newt Gingrich, il n’a pas de mal.
Quant aux chefs de file du Congrès, Paul Ryan et Mitch McConnell, ils montrent assez peu d’intérêt pour cette affaire et ne semblent absolument pas ébranlés par ces derniers rebondissements. Ronald Reagan doit se retourner dans sa tombe de voir des membres de son propre parti montrer aussi peu d’intérêt sur la possibilité qu’une puissance étrangère, en l’occurrence la Russie, ait pu influencer les élections américaines et jeter le discrédit, avec succès, sur la démocratie.
Paul Ryan ne semble en aucun cas troublé par l’inculpation de Paul Manafort : « I really don’t have anything to add, other than nothing is going to derail what we’re working on in Congress, because we’re working on solving people’s problems, » a-t-il déclaré à une radio locale du Wisconsin. Un peu l’équivalent de : « Je ne commente pas les décisions de justice » chez nos politiques français lorsqu’ils ne veulent rien dire.
De son côté, Mitch McConnell est encore plus silencieux. Il n’a souhaité faire aucune déclaration ni répondre à des questions de journalistes. Il est vrai que la dernière image qu’on a en tête est celle de la conférence conjointe avec Donald Trump à la Maison Trump dans le but de montrer que lui et le président travaillent la main dans la main. Ils ont clairement des intérêts communs. Donald Trump veut signer une loi – quelle qu’elle soit, ce n’est pas un problème puisqu’il dira que c’est la loi la plus importante de l’histoire des Etats-Unis. De leur côté, les sénateurs aimeraient bien que Donald Trump ne se mêle pas trop de leurs affaires ni ne fasse de déclarations intempestives pouvant compromettre la petite chance qu’il reste de voter la loi sur la réforme fiscale. Mitch McConnell a participé à la campagne de diversion (La diversion avant l’accusation !) et a posté sur son site Web une attaque contre les démocrates. Ça ne mange pas de pain comme on dit couramment.
En dépit de quelques voix – celles de John McCain, Jeff Flake et Bob Corker – qui ont eu le courage de s’élever sur le comportement de Donald Trump et le danger qu’il fait porter à la démocratie, le Congrès est bien silencieux et est en train de se transformer doucement en Chambre d’enregistrement des volontés du président. Le système de « check and balances » semble se déliter tranquillement.
Dans un article intitulé : « The cowardice of Paul Ryan and Mitch McConnell ; The country needs more from its leaders than silence », le magazine Vox rappelle une citation de James Madison dans l’article 51 du Federalist : « In framing a government which is to be administered by men over men, the great difficulty lies in this: you must first enable the government to control the governed; and in the next place oblige it to control itself, A dependence on the people is, no doubt, the primary control on the government; but experience has taught mankind the necessity of auxiliary precautions. »
Pour l’heure, la seule chance de faire triompher la vérité repose sur les épaules de Robert Mueller.
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