Il n’y a pas de folie, il n’y a que des preuves de folies pourrait-on écrire en paraphrasant la fameuse citation sur l’amour et en l’appliquant à Donald Trump. Il est vrai que les exemples qui pourraient pousser à un tel jugement sont légion ces derniers jours.
Il y a eu l’épisode avec Rex Tillerson, son ministre des affaires étrangères. Lors d’une réunion au sommet cet été réunissant des membres éminents de la Défense américaine, Donald Trump aurait demandé à ce qu’on multiplie par dix le force de frappe nucléaire. Cela même après que les généraux lui ont expliqué que l’arsenal s’était réduit suite à différents accords – Salt, Start et autres – tout lui affirmant que la force de frappe actuelle était nettement supérieure à ce qu’elle avait été lorsque le nombre de têtes nucléaires était à son maximum dans les années 60. A la suite de cette réunion, Rex Tillerson aurait dit en aparté que Donald Trump était un « moron » (stupide en plus fort).
L’affaire qui a été révélée par chaine NBC il y a quelques jours aurait mis Donald Trump dans un état de transe avancée. Dans une conférence de presse qui a suivi, Rex Tillerson n’a pas démenti explicitement qu’il avait utilisé ce mot. Et de son côté Donald Trump a affirmé que son Secrétaire d’état n’avait pas utilisé ce mot mais que s’il l’avait utilisé alors il faudrait passer un test de QI et qu’on saurait rapidement qui gagnerait. On est dans la stratosphère conceptuelle. Plus récemment, Donald Trump a établi l’équivalence entre NBC et CNN en matière de Fake News et lancé l’idée que la FCC pourrait suspendre la licence d’exploitation de la chaîne. Donald Trump avait également tweeté que son secrétaire d’Etat perdait son temps avec le leader coréen, baptisé de « Little Rocket Man ».
Il y a eu en parallèle, l’épisode avec Bob Corker qui était un soutien de Trump et qui avait même été pressenti comme ministre des affaires étrangères. Mais depuis, le sénateur du Tennessee a pris ses distances avec le président. Cet été déjà il avait indiqué que Donald Trump n’avait pas démontré les qualités d’un président. Et ces derniers jours, il a appuyé le propos en déclarant que les adultes de la Maison Blanche (Tillerson, Mattis et Kelly) séparaient les Etats-Unis du chaos et il a manifesté son inquiétude sur la possibilité que les errements de Donald Trump pourraient conduire à la troisième guerre mondiale.
Apostrophant Bob Corker comme Liddle’ Bon Corker (attention à la différence subtile avec Little Marco Rubio, deux d et non deux t) faisant référence à sa petite taille (Donald Trump a pour habitude de se moquer de l’apparence physique de ceux qui le critiquent), il a indiqué que ce dernier avait sollicité son soutien dans l’élection sénatoriale de novembre 2018. Donald Trump lui a refusé et donc Bob Corker ne se représentera pas. Sauf que tout le monde sait que c’est faux. Affirmant en plus que Bob Corker avait soutenu l’accord avec l’Iran alors que ce dernier a voté contre. Bob Corker ne s’est pas gêné pour dire que la Maison Blanche était une halte-garderie où l’équipe des garde-d’enfants n’était pas passé.
Bob Corker ne fait que dire tout haut ce que nombre de sénateurs pensent tout bas mais gardent pour eux en attendant de savoir comment les prochaines élections se profilent (leurs électeurs potentiels soutiendront-ils ou non Donald Trump quelques mois avant l’élection ?)
Après ses déclarations déplacées sur la catastrophe naturelle intervenue à Porto Rico (We love Puueeertoooo Ricooooooooooo avait-il dit lors de l’un de ses discours), Donald Trump vient de menacer de suspendre l’assistance fournie actuellement à l’île. Lorsqu’on écoute ses discours sur cette question, il ressort assez clairement que dans son esprit Porto Rico ne fait pas vraiment parti des Etats-Unis et que ses habitants ne sont que des citoyens de seconde zone.
Ce chaos à la Maison Blanche a été confirmé une nouvelle fois par un article de Vanity Fair qui s’appuie sur le témoignage d’une demi-douzaine de Républicains et de conseillers de Trump (“I Hate Everyone in the White House!”: Trump Seethes as Advisers Fear the President Is “Unraveling”).
Autre décision, Donald Trump vient d’annoncer que les Etats-Unis se retiraient de l’Unesco en raison de ses positions anti-israéliennes. Décision symbolique sans grande conséquence car les Etats-Unis ne contribuent plus financièrement depuis 2011.
Ces événements sont presque anecdotiques quant aux conséquences possibles par rapport aux questions iranienne et nord-coréenne. Concernant la Corée du Nord, Donald Trump a posté un tweet troublant indiquant qu’avec ce pays, il n’y a qu’une chose qui marche sans préciser de quoi il s’agissait. Concernant l’Iran, il semble déterminé à dénoncer l’accord multilatéral sur le nucléaire contre l’avis de ses ministres. Ensuite ce sera au Congrès de gérer la pagaille qu’il aura créée.
Tout ceci pourrait être comique jusqu’à ce que l’on pense que Donald Trump peut, à tous moments, appuyer sur le bouton et déclencher le feu nucléaire quatre minutes et quelques plus tard.
Dans son livre Forfaiture à la Maison Blanche, Theodore White décrit minutieusement le déroulement du Watergate dont on sait qu’il a abouti à la démission de Richard Nixon. Quelques jours avant cette décision, Richard Nixon semblait avoir perdu toute sa raison s’accrochant désespérément à son fauteuil. Il avait développé la théorie du mad man pour faire croire à ses adversaires qui serait prêt à tout. Mais dans ces derniers jours, la raison avait cédé la place à la passion. Au point d’inquiéter son entourage proche.
Theodore White écrit : « Le Pentagone, qui est en première ligne, est toujours prêt à agir. Pendant cette semaine, la flotte de Méditerranée est en état d’alerte, surveillant la crise de Chypre. Mais ce soir-là (le 5 août 1974), l’alerte a été données à l’intérieur aussi ? Le ministre de la Défense, James Schlesinger, a prévenu tous les chefs militaires de n’obéir à aucun ordre direct venant de la Maison Blanche, ou de qui que ce soit, sans son contreseing personnel ».
Certains commentateurs ont déjà fait allusion à une possible neutralisation de Donald Trump par les membres de son cabinet de premier rang. A l’émission The Last Word de Lawrence O’Donnell, David Frum, journaliste au magazine The Atlantic et ancien rédacteur de discours de George W. Bush, parle même de coup d’état déplorant que cela n’est pas constitutionnel mais permettant d’éviter le pire.
Selon le New York Times, le Congrès réfléchit à la possibilité d’une loi empêchant de lancer une frappe nucléaire sans que le Congrès ait déclaré la guerre (une décision qui lui revient). Une loi pouvant être renforcée en incluant aussi le ministre de la Défense et des affaires Etrangères dans la boucle.
La stratégie « American First » n’aurait-elle pas tendance à se transformer en « America Only » voire « America Against All » ?