A la différence du crime parfait pour lequel on ne connaîtra jamais le coupable, Le Krach Parfait d’Ignacio Ramonet tente de décortiquer les mécanismes et les hommes responsables de crise dans laquelle nous sommes plongés depuis septembre 2008, mais dont les premiers signes sérieux s’étaient manifestés un an plus tôt.
Ce n’est pas la première crise que nous vivons et la liste est longue depuis le krach boursier de 1987, mais c’est de loin la plus importante par son ampleur et sa force. Pour utiliser le vocabulaire médical à la mode, c’est une pandémie puisqu’elle s’est étendue au monde entier.
Le responsable : la financiarisation de l’économie. Le détonateur : la bulle immobilière alimentée par des prêts hypothécaires d’un nouveau type : les subprimes. Pour faire simple, des prêts usuraires à taux variable à des gens dont on sait qu’ils ne pourront vraisemblablement rembourser et dont la caution s’appuie sur la valeur de la maison qui a fait l’objet du prêt. C’est un véritable miroir aux alouettes pour les emprunteurs qui n’ont pas besoin d’apport personnel, dont on ne vérifie pas vraiment les revenus, ni le patrimoine, ni les prêts qu’ils ont déjà contractés.
Tant que le prix de l’immobilier grimpe, tout va bien, il n’y pas péril en la demeure pourront-on dire. Si les emprunteurs ne peuvent pas rembourser, les banques vendront leur maison et se paieront sur la bête. Le problème intervient lorsque le prix de l’immobilier se met à baisser et qu’il n’arrive plus à couvrir le montant du prêt. Les prêteurs en sont pour leur frais et ils n’aiment pas ça. Ce qui n’ pas empêche les saisies (foreclosure) d’augmenter dans des proportions importantes. Entre 1995 et 2007, le nombre de saisies dans l’Ohio (l’état le plus touché aux Etats-Unis) à plus que quadruplé. Il a dépassé le taux de 10/1000 dans certaines zones de l’état.
Comment cette crise immobilière circonscrite aux Etats-Unis a-t-elle pu se transformer en krach mondial. C’est là qu’intervient le mécanisme de la titrisation née de la créativité des financiers et qui répond à un double objectif : augmenter le rendement des actifs et ne pas en supporter le risque. Et là l’imagination n’a pas de limites : ABS, CDO, CDO²…
Les créances sont alors transformées en titres qui peuvent s’échanger sur les marchés financiers. Ces titres sont de plus en plus complexes, ils sont vendus et revendus. Empruntant toujours au vocabulaire médical, on parle de « produits toxiques ». Les banques ne savent plus vraiment le montant des actifs dont elles disposent réellement.
Pourquoi achètent-elles ces produits dont elle ont pourtant des difficultés à être sûr de mesurer la valeur ? En faisant confiance aux agences de notation qui se rendent « une fois de plus complice de la surévaluation des titres subprimes ». La suite on la connaît.
Selon l’ancien rédacteur en chef du Monde Diplomatique, ces événements « modifient le leadership de l’Amérique dans le monde, et en particulier son hégémonie ». La Chine qui s’est bien éveillé fonctionne désormais aux amphétamines. « Elle vient de passer devant le Japon dans la part de détention de parts de la dette américaine ».
D’ailleurs qui Hillary Clinton est-elle allée voir en premier dès sa nomination de Secretary of State ? Les Chinois, pour s’assurer de leur bonne coopération : qu’ils continuent à acheter des bons du Trésor américains et ils pourront compter sur les Etats-Unis pour qu’ils continuent à acheter les produits qu’ils fabriquent. Car les Chinois ont encore besoin du marché américain pour écouler leurs produits.
« L’histoire nous apprend que le déclin économique annonce toujours le début de la décadence des empires » nous rappelle Ignacio Ramonet en citant Paul Kennedy. Evidemment cela ne se fera pas en jour et d’ailleurs rien n’est définitivement inscrit. Les Etats-Unis ont une avance telle sur le plan militaire, ils disposent de plus d’armes que tous les pays du monde réunis. Mais il est tout à fait plausible de penser que cette crise est de nature à accélérer les mutations du monde en cours.
Et c’est là où intervient Obama. « De si grandes espérances ne pourront qu’être déçues… considère l’auteur avec pessimisme (…) Bref, l’enthousiasme du 4 novembre 2008 pourrait assez vite se transformer en déception, frustration et colère ». Espérons que l’auteur se trompe sur ce point car personne n’a vraiment à gagner à ce qu’il ait raison.