Alors que l’avenir s’annonçait radieux, les démocrates sont en capilotade. Ils ont rarement été éloignés du pouvoir qu’actuellement. Les Républicains contrôle la maison Blanche, le Sénat, la Chambre des représentants et bientôt la Cour Suprême avec l’arrivée de Neil Gorsuch, le juge que vient de nommer Donald Trump et qui donne la majorité aux conservateurs. Ils contrôlent aussi une très large majorité des gouvernorats.
Il n’y a guère qu’au niveau des municipalités que les démocrates soient largement majoritaires. Sur les 100 premières villes des Etats-Unis, 67 sont dirigées par des démocrates. Dans le Top10 des villes (New York, Los Angeles, Chicago, Houston, Phoenix, San Antonio, San Diego, Dallas, San Jose), la domination des démocrates est encore plus flagrante : 9 sur 10 sont démocrates (Quel avenir pour les démocrates ?).
Tom Perez, président du parti démocrate (à droite) et Keith Ellison, vice-président.
A la première question qui pour conduire le parti, les démocrates ont voté ce samedi et ont choisi Tom Perez, l’ancien ministre du travail de Barack Obama de son second mandat qui avait le soutien de Joe Biden, l’ancien vice-président. Sa victoire sur Keith Ellison, son plus proche challenger a été très serré (il se dit que c’est le premier scrutin pour la présidence du parti démocrate depuis une trentaine d’années dont le résultat n’était pas acquis d’avance le dernier scrutin incertain remonte à 1985 l’année qui avait suivi la débâcle de Walter Mondale face à Ronald Reagan). Tom Perez l’a emporté au deuxième tour avec 235 voix contre 200 pour Keith Ellison, député de la chambre des représentants avait le soutien de John Lewis, le héraut de la cause des droits civiques des années 60. Alors que Tom Perez représente plutôt Washington et avait soutenu Hillary Clinton, Keith Ellison était dans la lignée de Bernie Sanders et avait le soutien de Chuck Schumer, le leader de la minorité démocrate du Sénat. Tom Perez est le premier président latino du DNC alors que Keith Ellison est le premier député musulman de la chambre des représentants.
Le match Perez-Ellison pouvait donc être perçu comme un remake en plus petit de l’affrontement Clinton-Sanders. Juste après l’élection de Tom Perez, les voix des supporters de Keith Ellison se sont faites entendre en chantant « Party of the People, not big money ». Mais le premier a eu la bonne idée de proposer au second d’être son vice-présiden. Keith Ellison a immédiatement accepté. Et le message de Tom Perez est clair :
« You love this country, you love all the people in it, you care about each and every one of them, urban, rural, suburban, all cultures, all faiths, everybody, and they are in need of your help. And if we waste even a moment going at it over who supported who, we are not going to be standing up for those people. We don’t have the luxury, folks, to walk out of this room divided. » (source Politico)
https://youtu.be/H1Z3lXkbQPU
Mais au-delà de la présidence, c’est le choix d’une stratégie que les démocrates doivent définir. Et c’est là le plus difficile. Ils sont divisés entre deux options extrêmes avec des variantes entre les deux. D’un côté, choisir le « tout-confrontation » et rejeter tout possibilité de conciliation avec l’administration en place. En quelque sorte, adopter la posture des Républicains pendant les deux mandats d’Obama. Pendant les deux premières années, ce n’était pas très gênant puisque démocrates avaient la majorité au Congrès. Mais sur les six ans qui ont suivi, les Républicains sont devenus « the party of no » et ont empêché toute réforme.
Cette confrontation systématique des Républicains s’était cristallisée sur l’Obamacare qui n’a toujours pas été « repeal and replace ». Et pourtant, on allait voir ce qu’on allait voir ! Dans la minute où il serait président, Donald Trump s’était fait fort d’effacer d’un trait de plume cette couverture santé, certes imparfaite, mais qui avait donné une assurance médicale à quelque 20 millions d’Américains.
Dans le cadre de cette stratégie extrême, il y a la possibilité de lancer une procédure d’impeachment sauf que pour l’heure les républicains ont la main sur le Sénat. Et la décision de nommer un procureur indépendant pour mener une investigation sur la question des relations entre l’équipe Trump et les hiérarques russes – le principal combustible de cette offensive contre Trump avec les conflits d’intérêt – revient à Jeff Sessions, le ministre de la Justice, un des fidèles de Donald Trump. On voit donc que les moyens d’actions sont faibles.
L’autre possibilité est de coopérer sur les dossiers sur lesquels la convergence et l’accord entre républicains et démocrates est possible. Par exemple, le vaste projet de rénovations des infrastructures évoqué par le candidat Trump mais dont on attend le début d’un commencement d’une élaboration de la part du président Trump.
Sachant que les démocrates, comme les républicains d’ailleurs, subissent une très forte pression de la base dans les réunions publiques. Clairement la base est beaucoup plus vindicative et milite pour des actions radicales alors que les élus n’ont pas encore fait le choix de la stratégie à suivre.
Parmi les autres difficultés auxquelles il est confronté, le parti démocrate sort d’une période un peu tourmentée : l’ex-présidente Debbie Wasserman a été contrainte de démissionner pour conflit d’intérêt. Et puis ses finances sont loin d’être reluisantes. A la fin janvier, le parti dispose seulement de 10 M$ en liquide avec des dettes de 3,7 M$, une misère et pas de quoi engager quelque action que ce soit. Il va donc lui falloir d’être inventif. Le DNC pourrait s’inspirer des méthodes qui ont conduit à la création du Tea Party mouvement qui est issu de la base pour investir progressivement le parti républicain dans une sorte d’entrisme. Sachant que le succès du Tea Party s’appuie aussi sur la contribution de riches donateurs comme les frères Koch dont les poches ne semblent avoir de fond. Pour son financement, le DNC pourrait s’inspirer de la méthode Sanders : beaucoup de donateurs de petits montants plutôt que quelques gros bailleurs, une méthode qui rapprocherait les démocrates de sa base : « Party of the People, not big money ». Quoi qu’il en soit, le parti démocrate a du pain sur la planche.
Le tweet ambigu de Donald Trump sur l’élection de Tom Perez