De 7 à 5
Depuis les débuts de la 5e République, le septennat était organisé autour d’un couple président / Premier ministre dont le premier « veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État » et nomme le second qui dirige un « Gouvernement qui détermine et conduit la politique de la Nation ». Parmi les critiques attribuées au septennat : une durée trop longue qui ne correspondant au rythme trépident de la vie politique. Une position qui peut être renforcée avec l’arrivée des outils technologies qui ont considérablement accéléré la vie quotidienne.
« Approuvez-vous le projet de loi constitutionnelle fixant la durée du mandat du président de la République à cinq ans ? » telle était la question apparemment anodine posée aux Français à laquelle ils ont répondu oui à 73 %. Première conséquence immédiate de cette modification, l’accélération de la politique et l’omniprésence de l’élection présidentielle dans l’esprit des Français et de leurs représentants. A peine une échéance est-elle passée que les appareils des partis et les instituts de sondages pensent à la suivante et que les politiques s’y préparent, peut-être à tort d’ailleurs comme on le verra ci-dessous. Outre-Atlantique, la course à 2016 est déjà lancée (Quel candidat républicain pour 2016 ?). De ce côté-ci, le titre de l’article du Monde du samedi 24 novembre est caractéristique :
Les “non-alignés” de l’UMP sortent renforcés de l’affrontement
Ils n’avaient pas choisi leur camp et cela s’est révélé judicieux. Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire, François Baroin et Xavier Bertrand prennent position pour 2017.
Au-delà de la guerre d’égaux – à 50/50 il est toujours plus difficile de déclarer un vainqueur – et d’égos, l’élection actuelle de l’UMP en camoufle une autre dont les deux candidats ne peuvent parler ouvertement mais dont la lutte à mort engagé témoigne assez clairement.
Le second changement que l’on avait pu constater est l’affaiblissement – en apparence tout au moins – du rôle du Premier ministre qui devient « un collaborateur ». On avait pu penser que ce défaut de langage était un simple dérapage et devait être attribué à un trait de la personnalité d’un président présent matin, midi et soir sur le devant de la scène politique et loin, très loin du rôle d’arbitre que lui confie la Constitution. Mais les premiers pas de l’actuel quinquennat indiquent que cette modification dans la distribution des rôles à plus à voir avec la modification de la Constitution et l’arrivée du quinquennat qu’à la personnalité, fut-elle impétueuse, du premier Président à l’avoir expérimentée.
Les primaires s’instillent dans les partis politiques
En 2006, le parti socialiste décide de renouveler la procédure de primaire pour désigner son champion pour l’élection présidentielle face à Nicolas Sarkozy. Mais alors que l’expérience de 1995 ressemblait plus l’adoubement de l’ancien premier secrétaire du parti, celle de 2006 prend une dimension nouvelle.
Six candidats sont pressentis dont le premier secrétaire du parti. Trois candidats se désistent dont le chef du parti alors que dans un autre temps, il aurait été le candidat naturel. Restèrent Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn et Lionel Fabius. Ce dernier était programmé pour s’installer à l’Elysée, mais des événements ont entravé cette quête du pouvoir, tout particulièrement l’affaire du sang contaminé, équivalent de l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris pour Alain Juppé. Dominique Strauss-Kahn qui deviendrait le candidat naturel cinq ans plus tard mais qui s’est brûlé les vaisseaux dans une triste affaire de mœurs. Mise sur orbite grâce à son aura médiatique transformée dans les scores des sondages, Ségolène Royal emporta haut la main cette confrontation dans les urnes avec plus de 60 % des voix des militants. Cette primaire est donc une révolution dans le mode de détection du candidat, mais le PS ne parcours que la moitié du chemin puisque le vote reste réservé aux militants. Premier constat : le premier secrétaire n’est pas le candidat.
Cinq ans plus tard, le PS fait la deuxième moitié du chemin en ouvrant le vote des primaires aux sympathisants, une notion plutôt vague et fluctuante qui n’engage qu’à verser un euro symbolique lors de l’élection et à signer une déclaration dont on peut dire qu’elle est plutôt consensuelle et dont on ne voit pas trop qui pourrait ne pas s’en revendiquer : « Je me reconnais dans les valeurs de la Gauche et de la République, dans le projet d’une société de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité, de justice et de progrès solidaire ».
Suite au fiasco de l’affaire Strauss-Kahn, six candidats se dégagent dont la première secrétaire Martine Aubry et son prédécesseur. Cette élection est un incontestable succès en mobilisant 2,7 millions de personnes et sélectionne non pas le chef du parti mais François Hollande pourtant considéré comme inoffensif – Flamby ou Fraise des bois au choix – quelques mois plus tôt même par des proches de son parti.
Avec quelques longueurs de retard allant son train de sénateur, l’UMP adopte le mode des primaires (après avoir raillé la méthode) non pour désigner aux élections présidentielles, mais pour désigner leur président et en maintenant le périmètre de décision aux seuls militants. Point trop n’en faut. Et patatras, le duel immédiat entre les deux frères ennemis pour la présidence du parti en cache un beaucoup plus important, celui de la présidence de la République, la seule qui compte. Bourrages d’urnes, déclarations assassines, défiance généralisée et caractérisée, agressions systématisées, mauvaise foi… Autant d’ingrédients qui transforment cette échéance qui attire près de 60 % de militants à se prononcer malgré une organisation approximative en un vaudeville grotesque et sinistre. Tout ça pour ça pourrait-on dire.
Dans une histoire dont on ne connaît pas encore la fin, une des conclusions assez probable est que l’importance des partis dans le mode de sélection des candidats à la présidence de la république va sans doute aller en diminuant. S’élargir aux sympathisants n’est-ce pas s’affaiblir ? Les partis ne vont-ils pas se transformer en machine non plus à produire des candidats mais simplement à organiser les élections. Un peu comme aux Etats-Unis où les partis RNC et DNC se font très discrets et réapparaissent tous les quatre ans lors de l’échéance majeure.
Une des grandes différences qui risque de subsister entre les systèmes français et américains est que le parti restera toujours le noyau dur de l’opposition dans la mesure où, avec le quinquennat a été pensé pour que la majorité parlementaire soit issue du parti du président. L’ordre des élections – présidentielles, puis parlementaires – a été prévu avec cet objectif. Mais finalement, n’est-ce pas là un retour à ce qu’aurait peut être souhaité De Gaulle permettant de mettre un terme « au régime des partis ».
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