Obama devrait gagner d’une courte victoire, les Démocrates conserveront une légère majorité au Sénat et les Républicains une légère majorité à la chambre des représentants. Ce qui conduira à un statu quo alors que la situation nécessiterait la mise en œuvre d’une politique permettant de relever les nombreux défis qui se posent à l’Amérique. Telle est la vision un peu sombre de Norman Ornstein, Resident Scholar du Think Tank American Enterprise Institute lors d’une conférence organisée par la French-American Foundation. Le co-auteur du livre It’s Even Worse Than It Looks, How the American Constitutional System Collided With the New Politics of Extremism qui veut croire néanmoins à un sursaut de certains sénateurs ou députés pour engager une politique bipartisane permettant de résoudre les problèmes et de rompre à une situation où les idéologues dominent le discours et bloquent tout.
Le très libéral (au sens américain) Norman Ornstein manie l’humour avec une extrême dextérité lui permettant de tacler lourdement les Républicains mais aussi d’égratigner les démocrates.
La situation actuelle est assez simple : il y a un tiers de républicains, un tiers de démocrates et un tiers d’indépendants. Les indépendants sont répartis en un tiers de leaning Républicans et un tiers de leaning démocrats, deux groupes qui votent pour les partis vers lesquels ils « penchent ». Reste un tiers de vrais indépendants, il reste entre 4 à 8 % d’indécis (5 % selon Denis Lacorne, expert des Etats-Unis, dans l’émission La Rumeur du monde du samedi 22 septembre) et dont la grande majorité se trouve dans des Etats fortement rouges ou bleus et où ils ne pèseront donc rien. Au final, ce sont quelque 2 % des votants qui feront l’élection. Et les centaines de millions de dollars sont donc déversé pour influencer ces 2 % ce qui est une absurdité.
Mais un des risques seraient que les SuperPAC (qui financent une grande partie des campagnes électorales) considèrent quelques semaines avant l’échéance que Romney ait perdu et qu’ils reportent leur argent au financement des campagnes locales. L’autre risque serait que la baisse du moral des Républicains suite au mauvais score de Romney les pousse à nommer un candidat encore plus extrême la prochaine fois.
Mais Norman Ornstein a profité de son intervention pour développer le thème de son dernier livre co-écrit avec Thomas Mann sur la situation au Congrès américain qu’il considère comme le pire depuis de nombreuses décennies. Le taux d’approbation du Congrès est de 9 %, le niveau le plus faible jamais connu. Avec près de 50 %, le président ne s’en sort pas trop mal. Mais là encore, la situation est très polarisée : Barack Obama a un large soutien des démocrates et quasiment aucun soutien des républicains. Le mot Congrès qui en latin veut dire se rassembler reflétait à un certain moment de l’histoire une certaine réalité et était un endroit les gens se rencontraient pour partager des idées et résoudre des problèmes. Ce qui ne signifie pas que les débats pouvaient être âpres et durs, mais au moins ils existaient débouchaient sur des lois. Aujourd’hui, le parti républicain est devenu le parti du NON. Il est devenu exclusivement un parti radical avec comme seul credo moins d’Etat et moins d’impôts.
Sur une période longue, les démocrates ont perdu leur famille du Sud suite aux lois votées sous Lyndon Johnson dans la lignée des droits civiques (Lyndon Johnson lui-même l’avait pressenti et aurait déclaré : “I think we have just delivered the South to the Republican Party for a long time to come.”(Why Do Dems Lose in the South?). « Ils ont évolué de la gauche vers le centre gauche. Les Républicains sont devenus radicaux, rejettent plus de cent ans d’avancées sociales remontant non pas seulement à FDR, mais à Theodore Roosevelt », considère Norman Ornstein. Pour arriver à une situation de blocage total où l’on rejette une idée non pas pour ce qu’elle est mais en raison de celui qui l’énonce. Le Congrès est arrivé à un stade d’organisation « tribale » où l’appartenance à une faction est plus importante que ce que l’on dit ou ce que l’on fait. Il suffit qu’un démocrate exprime une idée pour qu’un républicain pense qu’elle est mauvaise. Voilà la situation où nous sommes arrivés et que déplore Norman Ornstein. Et de rapporter le propos de Jeb Bush selon lequel son père ou Ronald Reagan ne pourraient pas être nommés par le parti républicain d’aujourd’hui comme candidat aux élections présidentielles, ce qui montre le chemin parcouru.
Et pourtant, selon l’analyste de CBS News, le parti Républicain ne manque pas de brillants esprits, peut-être plus que son homologue démocrate. Une situation qui est attisée par la montée en puissance ces derniers temps de médias partisans engagés surtout à droite et dont les idées sont amplifiées par les réseaux sociaux.
Ce qui ramène la présente campagne à une problématique assez simple : l’antipathie envers Barack Obama d’un côté et le manque de confiance en Mitt Romney de l’autre.
Quelles chances reste-il à Romney pour gagner ? Sans doute assez faible même si, comme le disait Robert Malley, directeur du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient à l’International Crisis Group, les médias aiment à faire croire que le « match » est serré. Restent les débats. Il se trouve que sauf rares exceptions, ils n’ont que peu d’influence sur le résultat final. A moins d’une énorme gaffe. Mais sur ce point, c’est plutôt Mitt Romney qui a le plus à craindre. Les dernières semaines nous en apportent la preuve.