Un an avant les élections : quelles chances pour un second mandat ? Tel était le thème naturel de la 10e conférence annuelle sur les Etats-Unis organisée par l’IFRI (Institut français des relations internationales). Sans donner de réponse définitive – d’ailleurs qui le pourrait – Norman Ornstein, chercheur à l’American Enterprise Institute, un think tank plutôt conservateur, et Larry Sabato, professeur de science politique à l’université de Virginie et directeur de l’ UVA Center for Politics ont donné un éclairage intéressant de la situation politique américaine en général un an avant des élections à haut risque et des primaires républicaines en particulier placée sous le signe de l’incertitude. Une situation que Jon Stewart aborde régulièrement dans son émission The Daily Show sous le titre évocateur Indecision 2012.
« Cette campagne électorale est particulière et s’inscrit dans un cadre politique très polarisé et une situation économique extrêmement difficile », introduit Norman Ornstein qui est en passe de publier un livre dont le titre ne donne pas beaucoup de place pour l’espoir : It is even Worth than you think. « Nous vivons actuellement un des plus importants dysfonctionnements depuis 40 ans », poursuit-il montrant ainsi la singularité de la période actuelle.
Norman Ornstein expose la difficulté côté républicain à faire émerger un leader en raison de la piètre qualité des candidats dans leur ensemble. A chaque fois qu’un des prétendants républicains est sorti du lot, il est retombé aussi rapidement qu’un soufflet sorti du four. A la décharge des candidats, le nombre des débats – une quinzaine à ce jour – augmente le risque de dérapage ou de manque de maîtrise ou de connaissances des dossiers. On se souvient de la réponse de Rick Perry souhaitant supprimer trois Ministères ou Agences publiques sans être capable de citer le troisième. On peut en rire. Beau joueur, le gouverneur du Texas n’a d’ailleurs pas manqué de se moquer de lui-même. Beaucoup moins drôle était l’affirmation de Michele Bachman selon laquelle l’inoculation d’un vaccin contre le papillomavirus était responsable de retard mental chez certains sujets. Le rigide formatage des débats permet juste aux candidats de répéter quelques professions de foi et d’ânonner des affirmations souvent approximatives, voire totalement fausses.
One of the most striking features of the pre-primary stage of the past six months or so has been the primacy of debates. We have had multiple debates for nominations in past elections, but because they tend to have a slew of candidates dividing the time on the stage, they have been modest factors in the nomination process (barring a major flameout or mistake).
GOP predictions are no easier as clock ticks
Norman J. Ornstein
December 07, 2011
Dans ce contexte, le politologue de l’AEI n’exclut pas l’hypothèse que pendant la période allant du 7 février 2012 au 28 février pendant laquelle aucune élection ne sera organisée, le February freeze, un « bon » candidat arrive de l’extérieur et prenne la tête de la compétition pour s’imposer comme l’opposant à Barack Obama. Par exemple, une célébrité comme Donald Trump ayant beaucoup d’argent et prêt à « stir the pot ».
Malgré la forte position actuelle de Newt Gingrich, la course à la candidature pourrait être intitulée : Mitt Romney vs. Not Mitt Romney. Incontestablement, l’ancien gouverneur du Massachusetts a réussi depuis le début à se maintenir en haut des sondages, en tête ou bien placé en seconde position. Par ailleurs, il y a une sorte de loi selon laquelle le candidat qui a réussi à obtenir la deuxième place lors d’une course à la candidature d’un parti a toutes les chances d’être élu 4 ans plus tard, rappelle Norman Ornstein. En 2008, Romney avait collecté 22,1 % suffrages des délégués derrière John McCain (46,5%) et légèrement devant Mike Huckabee (20,8%).
Mais Mitt Romney présente quelques « faiblesses ». D’abord son manque de constance idéologique, sa participation au « système » qui l’empêche de se présenter comme un candidat « neuf » et sa religion. S’il était élu, il serait le premier président mormon. En plus il parle français, ce qui n’est pas un avantage !. « Romney n’est pas Pro-choice, ni Anti-choice, mais multiple choice », commente avec humour, Larry Sabato. Dans la course à l’échalote où ce sera à celui des candidats qui sera le plus conservateur, label indispensable en cette période où les républicains sont pris en otage par le mouvement du Tea Party, Mitt Romney est mal placé. Ce qui en fait un mauvais prétendant pour les Primaires GOP, mais un bon candidat face à Barack Obama. Car si les Primaires se gagnent à gauche, l’élection présidentielle se gagne au centre, une position qui convient mieux à Mitt Romney.
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Newt Gingrich est l’autre prétendant sérieux de cette course d’obstacle qui risque de s’allonger par rapport aux précédentes éditions dans la mesure où les Primaires jusqu’au 1er avril seront placées sous la règle de la proportionnelle pour passer ensuite à la règle habituelle où le gagnant récupère toutes les voix des délégués (The winner takes all). « Newt is always 6 minutes from exploding or imploding » relate Larry Sabato, un candidat de poids qui connaît finement le système. L’ancien Speaker entre 1994 et 1998 a travaillé d’arrache pied de 1978 à 1994, pour gagner la Chambre des Représentants aux démocrates qui y régnaient depuis quatre décennies. C’est d’ailleurs ce qui lui a permis d’être nommé en 1995 la personnalité de l’année par Time Magazine.
Mais le système le connaît aussi très bien et All Washington establishment don’t want to be nominated assure-t-il. “Master of the House, A portrait of “the most disliked member of Congress”, tel est le titre sans appel de l’un des articles publié par Time à cette occasion. D’autant qu’il aurait bien du mal à se présenter comme un homme neuf sans « casseroles » allant bien au-delà des simples affaires de cœur. Car le candidat n’est pas d’une éthique irréprochable, loin s’en faut. L’épisode de l’impeachment de Bill Clinton pour cette fameuse affaire Monica Lewinsky nous rappelle ses efforts pour se présenter comme Monsieur Propre qui lave plus blanc. Sauf que pendant ce temps, il s’activait de son côté sur ce même terrain (Gingrich Admits to Affair During Clinton Impeachment). C’est incontestablement un bon débateur, ou plutôt un débateur qui ne manque pas d’aplomb. Témoin la réponse qu’il avait fait à Ron Paul concernant les émoluments de 1,6 à 1,8 million de dollars reçu de Freddie Mac pour d’obscures contributions alors même qu’il ne manque pas une occasion de déclarer haut et fort qu’il faut supprimer cette agence publique de prêts hypothécaires ainsi que sa cousine Fannie Mae.
« Il a émergé du pack un peu tôt et va retomber en janvier prochain lorsque les choses sérieuses vont commencer avec les élections, Primaires ou Caucus » considère Norman Ornstein. A ce moment-là, les deux éléments qui joueront un rôle important seront l’argent et une organisation solide. Deux éléments qui donnent clairement l’avantage à Romney.
Bref, dans cette incertitude actuelle, cette course républicaine devrait se jouer entre Mitt et Newt, tel est le pronostic que l’on peut faire sans trop de risques avant la deuxième phase des primaires républicaines. Avec une mention spéciale pour Ron Paul qui, par sa position très singulière de libertaire, pourrait se présenter sous l’étiquette d’Indépendant dans l’hypothèse où il ne serait pas choisi par les républicains.