Qui aurait pensé il y a quelques années que le Cigref[i] aurait publié un document sur la géopolitique et les numérique. Et pourtant, l’indépendance de la France en matière d’informatique n’est pas un sujet nouveau. On rappellera le plan calcul dont les résultats n’ont pas été à la hauteur des objectifs. Les grands constructeurs informatiques français et européens ont disparu les uns après les autres. Le seul qui reste, Bull, a été racheté par Atos il y a quelques années dont on connaît la situation précaire. Dans le domaine du logiciel, la dépendance des grands fournisseurs étrangers, principalement américains, est patente. SAP et Dassault Systèmes sont les seuls champions à dimension mondiale. Dans le domaine du cloud computing[ii], dernière itération de l’informatique, la dépendance est encore plus flagrante. Le top 3 des fournisseurs de services cloud (Amazon Web Services, Microsoft et Google) détient 70 % du marché français et à peu près le même niveau européen.
Deux événements ont marqué l’industrie du secteur. La première est un phénomène sectoriel. VMware[iii] propose un logiciel qui est présent dans tous les data centers des entreprises. Il a été racheté en 2023 par Broadcom[iv] dont les pratiques commerciales consistent essentiellement à maximiser les bénéfices pour le bonheur des actionnaires au détriment des clients. Et changer de solution est à la fois coûteux, long et nécessite des compétences. L’initiative de Broadcom pourrait donner des envies à d’autres, d’autant que le logiciel est caractérisé par un coût marginal quasi nul.
L’autre événement majeur est l’élection de Donald Trump. Le président américain à montrer qu’il n’était pas le meilleur ami des Européens, entreprises comme citoyens. Le discours du vice-président à Munich à montrer que les Américains feraient tout ce qu’ils peuvent pour faire sauter les verrous réglementaires instituer en Europe.
Il a été magnifiquement illustré par un article d’Henri D’Agrain, Délégué général du Cigref, suite aux velléités de Donald Trump de récupérer le Groenland et au refus catégorique des Danois dont cette terre dépend en partie (Les États-Unis frappent le Danemark au cœur de son système numérique !).
C’était donc l’occasion de faire le point avec Alain Issarni, ancien DSI de la DGI, de la DGFIP et de la CNAM sur les réflexions que doivent mener désormais les entreprises face aux enjeux du numérique.
Trois thèmes ont été abordés lors de cette interview.
Thème 1 : Protection des données personnelles
Expérience à la DGA, à la DGI, la DGFIP et à la CNAM où les données sont particulièrement critiques (défense, fiscale, santé)
– Petit retour sur le RGPD ? (Mis en œuvre en 2018)
– Est-ce juste une réglementation de plus qui pèse que les entreprises ou en ont-elles tiré profit ?
– RPGD : historique relations EU-US
Thème 2 : le cloud et la souveraineté
On parle beaucoup de cloud souverain et de cloud de confiance
– Le label de sécurité SecNumCloud de l’ANSSI dans sa dernière version 3.2 apporte-t-il des garanties suffisantes ?
– Ce label ne va-t-il pas être dilué et affaibli dans la réglementation EUCS ?
– Les solutions françaises sont-elles à la hauteur ?
– Données d’entreprises vs données personnelles ?
Thème 3 : l’autonomie stratégique
L’affaire Broadcom/VMware et la situation géopolitique actuelle nous rappellent tragiquement notre dépendance vis-à-vis des fournisseurs américains.
– Comment gérer cette situation pour réduire cette dépendance ?
– L’open source est-il une réponse ?
– Peut-il être utilisé à tous les niveaux : des couches basses de l’infrastructure jusqu’aux applications ?
– Comment convaincre la direction générale ?
Comment les DSI peuvent regagner leur souveraineté numérique | A. Issarni
[i] Association des grandes entreprises et administrations publiques françaises, le Cigref se donne pour mission de développer leur capacité à intégrer et maîtriser le numérique.
[ii] Le cloud computing est un modèle d’accès à des ressources informatiques (serveurs, stockage, bases de données, logiciels) via Internet, sans nécessiter de gestion directe de l’infrastructure.
[iii] VMware est une entreprise spécialisée dans la virtualisation et le cloud computing, offrant des solutions logicielles permettant d’exécuter plusieurs systèmes d’exploitation sur un même serveur physique pour optimiser les ressources informatiques.
[iv] Broadcom est une entreprise américaine spécialisée dans la conception et la fabrication de semi-conducteurs, de solutions de connectivité et d’infrastructures logicielles, notamment pour les télécommunications, les centres de données et les réseaux. Il a racheté VMware pour 66 B$.