Gerald Drumpone régentait la ville de New York depuis peu de temps. Il avait fait un retour en force que personne n’avait imaginé, même ses plus fidèles lieutenants. Et pourtant, il n’avait jamais caché son jeu et avait déclaré haut et fort qu’il ferait régner la terreur et menacerait tous ceux qui oserait se mettre en travers de son chemin. Quant à ceux qui avaient prétendu être califes à la place du calife, ils avaient quelques raisons de s’inquiéter. Il avait réussi à éliminer tous ses concurrents, utilisant tous les moyens à sa disposition. Les règles de « bonne conduite » connues et respectées dans le Milieu avaient volé en éclat. Il était à son apogée, mais il en voulait encore plus. Servir ses intérêts par tous les moyens, telle était sa ligne de conduite depuis toujours. L’activité générée par Gotham ne lui suffisait plus. Il envoya ses émissaires dans les métropoles voisines pour voir comment on pourrait « travailler ensemble ». La proposition était assez traditionnelle : protection contre rémunération.
Chicago était contrôlé par sept familles. Herb Starship était un ami de longue date de Drumpone, ils avaient même de lointains liens familiaux ; Manfred Groff lui aussi était assez favorable à Drumpome, même si ces derniers temps les relations s’étaient obscurcies ; Hektor Rabanne était en avance sur son temps en mettant en œuvre des méthodes fortes et radicales, mais son territoire n’était pas très important ; Raphaël Crampon avait toujours fait montre d’une certaine indépendance d’esprit et pensait pouvoir jouer cavalier seul ; Sergio Aranjuez ne faisait pas beaucoup de bruit et gérait ses affaires avec un certain succès. Gerald Crust avait repris le pouvoir sur un territoire où régnait une organisation de fer et il avait introduit un peu de souplesse ; Quant à Giullia Ravioli, c’était la rare femme du Milieu qui avait réussi à se défaire de tous ses concurrents masculins. Elle était allée à bonne école et avait fait son apprentissage dans l’ombre de Masculoni, celui que l’on avait baptisé Il Signore.
Chicago avait des liens historiques avec New York qui s’étaient distendues avec le temps même si les deux villes étaient restés dans une alliance commune. Les sept familles de Chicago avaient mis en place un système compliqué qui mêlait une gestion locale et globale. Chacun était maître chez soi, mais devait reporter à une sorte de Conseil qui gérait les affaires de tous. Les décisions étaient prises à l’unanimité, autrement dit peu de décisions étaient prises. Ce qui aboutissait à un certain immobilisme. Pourtant les besoins étaient immenses : lancer de nouvelles activités, investir dans des domaines stratégiques, réparer des infrastructures vieillissantes, mobiliser les troupes, acheter les politiciens… De telle sorte que Chicago avait perdu beaucoup de terrain face à New York. Ses affaires stagnaient alors que celles de New York étaient au beau fixe. De plus, la position des sept familles s’était un peu affaiblie depuis que Herb Starship avait quitté l’Union pour faire cavalier seul espérant retisser les relations historiques avec New York.
Entre les deux villes, il y avait Detroit, une puissance largement déclinante, mais qui avait un très fort pouvoir de nuisance. Géographiquement, elle était plus proche de Chicago sur laquelle elle avait aussi des visées. Elle avait dominé sa région du temps de l’industrie automobile, ce qui avait permis à la pègre locale d’en tirer des bénéfices substantiels. Aujourd’hui, elle était un peu en ruine, mais avait de beaux restes. Elle vivait de rapines et d’expédients. Son chef, Nikolaï Rouvine, d’origine slave, avait utilisé des méthodes brutales, que même ses collègues qualifiaient d’inhumaines. Certains allaient même jusqu’à dire qu’il égalait Alexandre Klapone dans l’âpreté de son organisation.
Nikolaï Rouvine voulait lui aussi restaurer une grandeur passée lorsque Detroit avait sous sa coupe des villes voisines : Cleveland, Columbus, et même Milwaukee, de l’autre côté du lac Michigan. Ces villes avaient adopté une forme de gouvernement comparable : le chef, rien que le chef. Elles avaient toutes pris leur indépendance lors d’une révolution interne, mais peu à peu, Nikolaï Rouvine essayait de reconstituer l’ancien empire. Il avait assez violemment essayé de reprendre le contrôle de Cleveland qui se défendait avec une énergie qui avait surpris tout le monde. Voyant le danger, le prédécesseur de Dumpone et les sept familles de Chicago avaient apporté un important soutien logistique au boss de Cleveland. Mais Drumpone avait remis en question cette aide. Il prétendait vouloir s’occuper de ses propres affaires, mais lorgnait pourtant celles des autres.
Gerald Drumpone envoya son associé à Chicago pour rappeler à l’ordre les barons locaux. Alan Dust avait le vent en poupe. Il faut dire qu’il apportait un argument de poids avec ses millions amassés dans des activités avant-gardistes que ses concurrents n’avaient pas vraiment imaginées. Il arriva dans la Cité des lacs et des prairies un peu comme un chien dans un jeu de quilles. Il fut accueilli les bras ouverts par Giullia Ravioli et Hektor Rabanne. Herb Starship et Manfred Groff n’avaient pas d’a priori sur lui d’autant qu’ils écoulaient beaucoup de marchandises à New York et qu’ils ne souhaitaient pas trop mettre en péril leur business. Raphaël Crampon et Sergio Aranjuez étaient un peu indifférents et voulaient jouer une autre partition. Mais leurs moyens étaient limités.
Les intentions de Drumpone inquiétaient. Il fallait faire quelque chose. Chicago s’était un peu assoupie, en raison de son organisation lourde et bureaucratique et surtout parce qu’elle avait mis un point d’honneur à défendre des valeurs un peu désuètes qui n’avaient plus la cote dans les affaires. Les règles avaient cédé la place à la force pure. Les familles n’étaient constituées d’enfants de chœur, mais tous respectaient un certain code de bonne conduite.
Les sept familles se réunirent sous la houlette de Raphaël Crampon qui prétendait être le plus fédérateur. Il énervait ses pairs, car il voulait toujours donner l’impression qu’il en savait plus que les autres. Il pontifiait. Un peu comme une montre cassée, il donnait l’heure juste deux fois par jour. Le problème est qu’on ne savait pas quand.
« Chers amis, l’heure est assez grave, car Charles Drumpone a des visées sur nos activités. Il veut en ponctionner une part plus importante de nos revenus en échange de la protection qu’il nous aide à assurer. Il affirme nous protéger, en réalité il a tout fait pour nous mettre sous tutelle, nous rendre dépendants et parfois même nous infantiliser.
Sur ce danger lié à Drumpone, il n’avait pas tort, mais son discours était un peu écorné parce que, lui aussi, il avait pensé un temps dominer son interlocuteur et faire ami-ami.
Tous l’écoutaient avec une certaine attention qui ne faisait que représenter leur inquiétude. Qui allait prendre la parole en premier ? Hektor Rabanne qui ne cachait pas ses amitiés pour Drumpone, se lança dans une folle déclaration dans laquelle il ne cachait pas ses ambitions de resserrer une alliance et retirer les faveurs du nouveau chef de New York.
Les sept familles réussiront-elles à à rester unies face à la menace
À suivre dans un prochain épisode