Le poète a toujours raison
Qui voit plus haut que l’horizon
Et le futur est son royaume
Face aux autres générations
Je déclare avec Aragon
“La femme est l’avenir de l’homme”
Jean Ferrat
« La femme est l’avenir de l’homme », chantait Jean Ferrat. Peut-être sera-t-elle l’avenir de l’Amérique. Si Kamala Harris est élue, ce sera grâce aux électrices. Non pas parce qu’elle est une femme, mais surtout parce qu’elle est démocrate. Rarement la différence entre les sexes (gender gap) n’a jamais été aussi prononcée. Il l’était moins pour Hillary Clinton en 2016. Et il est encore plus marqué chez les jeunes générations. Il faut dire que Donald Trump ne fait pas beaucoup d’efforts pour attirer sur son nom les suffrages des électrices. Ses déclarations incendiaires à répétition ne sont pas engageantes. Oui, mais il faut plutôt juger l’homme sur sa politique, rétorquent ses soutiens. Justement, c’est quand même lui qui a été l’artisan de l’invalidation de l’arrêt Roe v. Wade avec la publication en 2022 de l’arrêt Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization. Déclarer qu’il souhaitait protéger les femmes, qu’elles l’aiment ou non, n’est pas particulièrement habile.
Trump says he’ll protect women ‘whether the women like it not’
“Whichever way this election goes, gender will be a critical factor in determining the outcome” explique Carrie Baker, professeur au Smith College (Massachusetts) dans le magazine Newsweek (Final Polls Reveal Trump Faces Huge Gender Gap as Women Flock to Harris).
Élire une femme présidente des États-Unis ne devrait pas être un événement. De nombreux pays ont déjà élu une femme à la plus haute fonction. Parmi les chefs d’État ou de gouvernement qui auront marqué leur époque, on peut citer Golda Meir, quatrième Premier ministre d’Israël de 1969 à 1974 ou Margaret Thatcher, Premier ministre du Royaume-Uni de 1979 à 1990. Plus proche de nous, on peut citer Angela Merkel (Allemagne), Dilma Roussef (Brésil) ou Michelle Bachelet (Chili). Certaines de ces chefs d’État ou de gouvernement ont eu un destin très particulier. Mohtarma Benazir Bhutto, première femme chef du gouvernement du Pakistan, un pays à majorité musulmane, a été assassinée comme son père, également président et Premier ministre. Sheikh Hasina est la première Premier ministre du Bangladesh (ancien Pakistan oriental), également pays musulman, et fille de Sheikh Mujibur Rahman, premier président de la République (après la scission avec le Pakistan occidental) tué lors du coup d’État de 1975. En France, on a connu également une situation assez proche avec le couple Ségolène Royal et François Hollande. La première a ouvert la voie en échouant assez proche du but au deuxième tour des élections présidentielles de 2007 avant que le père de ses quatre enfants se présente en 2012 et soit élu président.
L’élection d’une femme à la plus haute fonction politique américaine n’a donc rien de très extraordinaire. D’ailleurs, Hillary Clinton a été battu d’un fil. C’était déjà la première fois qu’une femme avait été nommée candidate à l’élection présidentielle d’un des deux grands partis.
Au niveau de l’élection présidentielle, deux précédents ont marqué l’histoire politique américaine. D’abord en 1984 avec Geraldine Ferraro, première femme d’un grand parti, en l’occurrence du parti démocrate, candidate à la vice-présidence dans un « ticket » avec Walter Mondale. Ensuite, ce fut Sarah Palin qui eut le même rôle en 2008, mais cette fois côté républicain. Dans les deux cas, ce ticket « mixte » fut assez largement battu, le premier laminé par Ronald Reagan qui entamait son second mandat et le second largement vaincu par Barack Obama qui s’imposait comme le premier président noir des États-Unis.
Mais au-delà de cette percée spectaculaire au plus haut sommet de l’État, quelle est la place de la femme dans la politique américaine ? Elle reste encore assez minoritaire, même si on doit constater une certaine évolution. Au dernier Congrès, les femmes représentaient 29 % de la Chambre des Représentants (128 sur 438) et 25 % du Sénat (25 sur 100). Les démocrates sont assez largement en avance dans cette évolution (43 % de démocrates dans la Chambre des Représentants contre 16%, 31 % au Sénat contre 18%). Cette évolution se confirme aussi dans toutes les instances, Gouvernorats, Congrès des États, Collectivités locales (Current numbers). Une tendance qui n’est pas surprenante dans la mesure où la proportion de femmes diplômées dépasse celle des hommes. Dernière institution majeure, la Cour Suprême compte 4 femmes, soit presque la parité.
Le phénomène le plus significatif est l’augmentation très significative de l’obtention de diplômes de l’enseignement supérieur par les femmes : 11 % d’une classe d’âge en 1970, environ 40 % aujourd’hui. Depuis la fin des années 80, le nombre de femmes dans les campus des Universités et Colleges est supérieur à celui des hommes. Alors qu’elles représentent un peu plus de la moitié de la population (50,8 %), elles ont décroché 60 % des diplômes Bachelor[1] (diplôme qui sanctionne quatre d’études supérieures) et une proportion équivalente au niveau des masters. Ce qui logiquement devrait à terme les amener à prendre la majorité des postes à responsabilité, à la fois dans le monde économique et politique.
[1] Le baccalauréat dans le système universitaire américain (en anglais baccalaureate ou bachelor’s degree, bachelor ou encore simplement degree) est un grade sanctionnant les trois ou quatre premières années universitaires, clôturant le premier cycle des études supérieures (cycle undergraduate en anglais). Il se décline en Bachelor of Arts et Bachelor of Sciences.