Rarement une élection n’aura été aussi lourde de conséquences et aussi incertaine. Voilà près de deux ans que Donald Trump a ouvert le cycle de ces élections 2024, pleines de rebondissements dont le plus important a été le remplacement du candidat Joe Biden par la candidate Kamala Harris. Le débat entre Donald Trump et Joe Biden avait poussé ce dernier à se rendre à l’évidence : il n’avait sans doute plus l’énergie de tenir le rythme jusqu’au mois de novembre et surtout d’assumer la fonction dans des conditions optimales. Kamala Harris a pris la balle au bond, a réussi à unifier le parti et à mener une campagne efficace. Sera-ce suffisamment efficace ? La réponse dans les prochains jours.
J-3 : 63 millions d’Américains ont déjà voté
Traditionnellement les Américains votaient le mardi, une tradition qui remonte aussi loin que les élections existent aux États-Unis. Le choix du mardi était un choix par défaut. Il n’était pas envisageable d’aller voter le dimanche, jour du Seigneur. À cette époque, de nombreux Américains devaient parcourir de longues distances pour se rendre au bureau de vote, parfois une journée était nécessaire. Le lundi n’était donc pas une option. Le mercredi était le jour où les agriculteurs venaient au marché pour vendre leur produit. Le mardi était plus approprié. Ils pouvaient donc aussi voter. En 1845, le Congrès a adopté une loi fédérale désignant le premier mardi après le premier lundi de novembre comme jour des élections nationales. Cette règle garantit que le jour du scrutin tombe toujours entre le 2 et le 8 novembre et évite qu’il se tienne le 1er novembre, le jour de la Toussaint. Cela a aussi été fait pour définir une date unique pour les élections à travers le pays.
Quant au choix du mois de novembre, il tenait du fait que la saison des récoltes était quasiment finie et les récoltes stockées, les agriculteurs avaient donc plus de temps de libre. Le mois de novembre était un mois encore relativement clément permettant de voyager sans trop de difficultés.
Aujourd’hui, la situation a bien changé et trois options principales (Early voting en Floride) sont proposées aux électeurs pour déposer leur bulletin : le vote par correspondance, le vote anticipé en personne et le vote en personne le jour de l’élection. On peut aussi ajouter le vote par procuration et le vote provisoire. Cette dernière possibilité correspond au cas d’un électeur qui se présente à un bureau de vote et que son nom n’apparaît pas sur la liste des électeurs inscrits. Il peut alors demander un bulletin de vote provisoire. Ce bulletin est compté une fois que l’éligibilité de l’électeur est vérifiée.
Au 31 octobre, environ 63 millions d’électeurs ont déjà voté (un chiffre qui évolue d’heure en heure), 30 millions ont envoyé leur bulletin par la Poste et 33 millions se sont rendus dans les bureaux de vote, soit près de 40 % des votants (aux élections de 2020, 158 millions d’Américains avaient voté). Les instituts de sondage continuent leurs enquêtes, mais essayent aussi de faire parler les votes déjà effectués pour affiner leurs pronostics qui sont toujours très serrés et au résultat incertain.
More than 60 million people have voted early in 2024 race so far
Évidemment, les analystes politiques se concentrent sur les battleground states, ceux qui détermineront le résultat final, notamment la Pennsylvanie. On le sait, le Keystone State sera une des clés de cette élection présidentielle 2024. Plus de 1,6 million d’électeurs y ont déjà voté, principalement des femmes puisque 56 % d’entre elles ont fait leur devoir de citoyenne. Ce pourrait être analysé comme un signe positif pour les démocrates. En fait, c’est une proposition comparable à 2020 où les résultats avaient été très serrés.
Autre indice qui pourrait être favorable aux démocrates, sur la moitié des électeurs de plus de 65 ans qui ont déjà voté, les démocrates comptent pour 58 % contre 35 % pour les républicains. Cela, alors que démocrates et républicains représentent chacun la moitié des électeurs de plus de 65 ans. Selon Fox News poll of Pennsylvania, Donald Trump est 5 points derrière Kamala Harris dans le groupe des électeurs de plus de 65 ans alors qu’il était à égalité avec la candidate démocrate il y a un mois. C’est une évolution notable par rapport à 2020 où Donald Trump avait obtenu 53 % du vote senior.
Le candidat MAGA a bien vu le danger et a commencé sa campagne de désinformations sur les fraudes en cours en Pennsylvanie. Fraudes dont il n’a évidemment aucun début de commencement de preuve.
J-4 : Encore la Pennsylvanie !
Peut-être le camp démocrate et Kamala Harris pourront remercier Tony Hinchcliffe, comique et animateur de radio, pour lui avoir donné l’élection. Rappelons que ce dernier participait au désormais fameux rassemblement du Madison Square Garden de dimanche dernier. Parmi les ignominies qu’il a pu énumérer, celle sur Porto Rico et ses habitants n’est pas passée inaperçue: “There’s a lot going on, like, I don’t know if you know this but there’s literally a floating island of garbage in the middle of the ocean right now,” he said. “I think it’s called Puerto Rico.”
Ce ne sont pas des réflexions, mais des plaisanteries, répondent les soutiens de Donald Trump. Quant à ce dernier, il a expliqué dans une interview à Sean Hannity sur Fox News qu’il ne connaissait pas Tony Hinchcliffe (remarque habituelle) et qu’il était le président qui avait fait le plus pour Porto Rico. Il aurait pu simplement ajouter que cette remarque ne représentait ses idées, mais c’était trop demander.
“He didn’t say that, he didn’t mean it, you guys are overreacting, the Democrats are worse.”
Ramesh Ponnuru, Contributing columnist du Washington Post
Donald Trump Claims He Loves Puerto Ricans and Latinos After Racist Rally Row | Firstpost America
De son côté, J.D. Vance a expliqué qu’il ne l’avait pas entendu (un classique, il était présent pourtant à ce rassemblement, peut-être pas à ce moment-là, car la réunion a duré près de sept heures) et il a ajouté que les Américains doivent arrêter d’être hypersensibles.
JD Vance Responds To Reporter Asking About Tony Hinchcliffe’s Remarks At Madison Square Garden Rally
Cette déclaration a généré de nombreuses réactions dans la communauté portoricaine.
Elected officials, leaders denounce Tony Hinchcliffe’s comments at Trump rally
AOC Offers Blistering Response To Tony Hinchcliffe’s Remarks At Trump’s Madison Square Garden Rally
‘It’s too late now’: Latino radio host on Trump’s response to joke controversy
‘That’s messed up’: Puerto Rican who voted for Trump reacts to controversial joke from rally
Do they (NDLR : Trump’s base) support him despite this rhetoric, or because of it?
Every time he says this stuff, we in the media and on the left go insane and scream in outrage. And when we look hurt and powerless, his voters are thrilled. The impact of Trump’s rhetoric on us is probably very gratifying.
By Matt Bai, Columnist
Pourquoi les démocrates devraient remercier Tony Hinchcliffe ? Parce que ces déclarations ont enflammé les Portoricains. Et en Pennsylvanie, la communauté portoricaine est d’environ 500 000 personnes. Ces déclarations incendiaires pourraient bien motiver les indécis et peut-être ceux qui l’étaient moins à déposer leur bulletin pour Kamala Harris. Quelques milliers de votes suffiront à faire tomber les 19 voix de grands électeurs dans l’escarcelle de Kamala Harris et ainsi lui donner l’élection (J-22 : La Pennsylvanie, mère de toutes les batailles).
Donald Trump ne s’y est pas trompé. Il a commencé un blitzkrieg de messages sur le fil de son réseau social Truth social pour dénoncer les fraudes dans l’état de Pennsylvanie qui, bien sûr, n’existent pas. Mais peu importe pour celui qui n’a aucune intégrité, il est gagnant à tous les coups. S’il perd, lui et ses sbires engageront des initiatives en justice pour dénoncer la fraude et créer un chaos permettant de présenter une liste alternative de grands électeurs le jour de la certification du 6 janvier. S’il gagne, il pourra dire qu’il aurait gagné avec une plus grande marge s’il n’y avait pas eu de fraudes. C’est désormais un habitué de cette pratique. En 2016, il avait même évalué le nombre de votants fraudeurs à 3 millions, juste le nombre de voix populaires qui lui manquait par rapport à Hillary Clinton.
William Penn, fondateur de la Pennsylvanie et membre de la société des amis (Quaker), champion de la tolérance, doit se retourner dans sa tombe.
J-5 : Toutes les radicalités ne se valent pas
41 % des adultes américains se disent « très préoccupés » par le fait que le candidat républicain à la présidence, Donald Trump, est trop proche des personnes qui ont des opinions radicales, et 14 % sont « quelque peu préoccupés ».
Côté démocrate, 34 % des Américains sont très préoccupés et 15% quelque peu préoccupés par les liens de la candidate Kamala Harris avec les radicaux politiques.
C’est ce qu’indique une enquête réalisée par l’institut Gallup début octobre.
L’une des principales caractéristiques de la campagne présidentielle de cette année a été les tentatives des candidats de dépeindre leur adversaire comme idéologiquement extrême, qu’il s’agisse de dénoncer les positions politiques passées ou présentes de l’autre ou de ses liens avec des personnalités ou des mouvements politiques controversés.
Notamment, les opinions sur les alliances politiques de Trump ont peu changé par rapport à sa campagne de réélection de 2020, où 40 % étaient très préoccupés et 14 % quelque peu préoccupés par le fait qu’il soit trop étroitement lié à des personnes ayant des opinions politiques radicales.
Les chiffres de Harris sont similaires à ceux de Joe Biden il y a quatre ans : 31 % étaient très préoccupés et 16 % plutôt préoccupés par Biden pendant la campagne de 2020.
L’institut Gallup a posé cette question pour la première fois en juin 2008 après des controverses autour des liens de Barack Obama avec son pasteur Jeremy Wright et de ses associations avec l’activiste des années 1960 William Ayers, ainsi que de la recherche (mais finalement du rejet par John McCain) de l’approbation d’un prédicateur controversé. À l’époque, 28 % des Américains étaient très préoccupés par le fait que Barack Obama était trop proche des personnes ayant des opinions radicales, et 24 % étaient quelque peu inquiets. Moins d’Américains ont exprimé une inquiétude élevée (17 %) ou modérée (25 %) à propos de McCain.
Les Américains enregistrés dans un parti sont plus enclins à exprimer leur inquiétude au sujet des liens politiques du candidat du parti adverse, et peu à propos du candidat de leur propre parti. 85 % des démocrates sont « très préoccupés » par les alliances possibles de Trump avec les radicaux. Ce niveau d’inquiétude est partagé par 38 % des indépendants et 6 % des républicains. En revanche, une majorité des républicains, 54 %, ne sont « pas du tout préoccupés » par les alliés de Trump.
Pendant ce temps, 69 % des républicains sont très préoccupés par le fait que Harris soit trop aligné sur des personnes ayant des opinions radicales, tout comme 30 % des indépendants et 2 % des démocrates.
Mais on ne peut qu’être surpris soi-disant équivalence de cette préoccupation sur la radicalité. La réunion électorale de ce week-end au Madison Square Garden montre que l’équipe et l’entourage Trump n’est pas proche avec la radicalité, elle est la radicalité. C’est cette radicalité de Donald Trump et de son entourage qui a toujours existé, mais a pris le contrôle du parti républicain tout entier. C’est ce qu’explique Robert Kagan, l’éditorialiste du Washington Post qui vient de donner sa démission suite à la décision de Jeff Bezos d’empêcher le soutien du Journal à Kamala Harris.
Ci-dessus un peu petit florilège de ce qui a été dit lors de ce rassemblement.
“There’s a lot going on, like, I don’t know if you know this but there’s literally a floating island of garbage in the middle of the ocean right now,” he said. “I think it’s called Puerto Rico.”
Tony Hinchcliffe, a comedian and podcast host
“We’re running against a massive, crooked, malicious leftist machine that’s running the Democrat party. They are smart and vicious, they are the enemy within, we must defeat them.”
Donald Trump
“It’s gonna be pretty hard to look at (the country after Harris wins) and say, you know what, Kamala Harris, she got 85 million votes because she’s so impressive – as the first Samoan, Malaysian, low IQ former California prosecutor ever to be elected president (…) anyone who is not impressed by Harris will be called a “freak” or a “criminal.”
Tucker Carlson
“Devil (…) She is the antichrist” (en parlant de Kamala Harris)
David Rem
“She is some sick bastard, that Hillary Clinton, huh? (…) What a sick son of a b*tch.” (en parlant de Kamala Harris)
Sid Rosenberg, radio host
“America is for Americans and Americans only”
Stephen Miller
Robert Kagan and Bill Kristol: It’s Already Happening Before our Eyes
“If you go back and read as I had to for the research I did on my, one of my more recent books, I read back the statements of the Grand Wizard of the Klan in the 1920s when the Klan was a, you know, really big national institution. It was, it was fairly respectable. Politicians thought nothing of going to Klan rallies and speaking. And he said all this, you know, the country’s being taken away from us by, you know, make your list. Jews obviously blacks and others, and this is a constant theme, but it’s always been, you know, when I say, when I mention the clan that that yeah, the membership of the Klan was something between 3 million and 6 million people. If you listen to the language of the John Birch Society, this is the language of the John Birch Society.
It’s just that we never expected these people to take over an entire political party that, that these people have always been there, but now they’ve risen to the forefront, they’ve taken over the political party because the party has allowed itself to be taken over. So now we have effectively people who are using clan like rhetoric in open in the public, and we’re all very ho hum about it, it seems to me”.
Robert Kagan
J-6 : Élections, stress et politique
Les Américains se sentent de plus en plus stressés par la politique après les tentatives d’assassinat, le changement de candidat démocrate de dernière minute, les débats dramatiques et les batailles juridiques. Dans l’enquête Stress in America 2024 que vient de publier l’American Psychological Association (APA), 77 % des adultes américains ont déclaré que l’avenir de notre nation était une source importante de stress dans leur vie.
Les différentes enquêtes réalisées par l’American Psychological Association montrent que ce stress s’est empiré depuis 2016. En 2016, l’élection présidentielle avait causé un stress important pour 52 % des adultes. En 2024, ce nombre est passé à 69 %. De plus, de nombreux adultes américains ont déclaré qu’ils craignaient que les résultats des élections n’entraînent des violences (74 % des répondants) ou que les élections de 2024 ne marquent la fin de la démocratie aux États-Unis (56 % des répondants).
Dans des enquêtes nationales, près de la moitié des adultes américains affirment que la politique est une source importante de stress, citant des problèmes tels que la perte de sommeil, les tempéraments écourtés et les pensées obsessionnelles (Smith, K. B., PLOS ONE, Vol. 17, No. 1, 2022).
La recherche s’est accélérée depuis les élections de 2016, cherchant à comprendre les aspects uniques de « l’anxiété politique », y compris où elle pourrait se chevaucher avec des conditions psychologiques telles que l’anxiété générale, et où elle diffère. On ne peut que noter le fait que le point de départ soit 2016, date du premier mandat de Donald Trump et avancer l’idée que le discours polarisant et radical de l’ancien président ne soit étranger à ce phénomène. Il dit ce qu’il pense sans filtre et ne se sent pas limité par le politiquement correct, expliquait en 2016 l’entourage de l’ancien président. Son discours d’investiture a été sans doute l’un des plus noirs jamais prononcé par un président. Aujourd’hui, l’argumentaire a pris une tout autre dimension. Appeler les migrants illégaux vermines qui pourrissent le sang du pays ou qualifier tous ceux qui pensent autrement d’ennemis de l’intérieur n’est pas particulièrement apaisant.
Les premières études suggèrent que les deux concepts – anxiété générale et anxiété politique – sont distincts. En d’autres termes, les personnes qui déclarent se sentir anxieuses à propos de la politique ne sont pas simplement des personnes ayant des niveaux élevés d’anxiété dans l’ensemble.
« L’anxiété politique est une chose qui est distincte du stress et de l’anxiété en général » explique Jayme Renfro, professeur de sciences politiques à l’Université de l’Iowa du Nord, qui a mené des recherches sur le stress électoral. « La politique est un facteur de stress compliqué et multiforme, précise Brett Ford, professeur de psychologie à l’université de Toronto, en partie parce qu’elle peut déclencher une grande variété d’émotions, allant de l’inquiétude, de la tristesse et du désespoir à l’indignation, au dégoût, à la colère, à la frustration, etc. Les événements politiques peuvent avoir des répercussions à court et à long terme, et ils impliquent souvent des conflits entre groupes, ce qui peut avoir des ramifications sociales réelles ».
Dans les enquêtes nationales menées lors des élections de mi-mandat de 2018 et de l’élection présidentielle de 2020, environ 40 % des adultes américains ont déclaré que la politique était une source importante de stress dans leur vie.
Dans le cadre de trois enquêtes distinctes, 1 personne sur 20 a également déclaré être si angoissée par la politique qu’elle avait des pensées suicidaires.
Des études sur l’appartenance partisane font écho à ces conclusions. l’une d’elles montre une relation entre une adhésion plus partisane et la possibilité de développer de l’anxiété ou de la dépression.
Ce stress est si marqué qu’il incite certaines personnes à envisager de déménager. En raison de l’environnement politique, 41 % des adultes américains ont déclaré avoir envisagé de déménager à l’étranger et 39 % ont envisagé de déménager dans un autre État (Stress in America 2024, APA).
Les conséquences des élections peuvent entraîner des conséquences marquantes. Après l’élection présidentielle de 2016, les dépenses en alcool ont augmenté dans les comtés où le soutien au candidat perdant était plus élevé. Mais des études permettent aussi de constater que l’anxiété et les symptômes dépressifs ont tendance à s’estomper dans les jours ou les semaines qui suivent une élection.
Ces résultats soulèvent la question suivante : « Existe-t-il un moyen de réguler les émotions négatives que la politique déclenche afin que la politique ne nuise pas à notre bien-être, mais en même temps, ne diminue pas notre motivation à agir ? », conclut le psychologue Matthew Feinberg, professeur à l’Université de Toronto.
Les Américains se sentent de plus en plus stressés par la politique après les tentatives d’assassinat, le changement de candidat démocrate de dernière minute, les débats dramatiques et les batailles juridiques. Dans l’enquête Stress in America 2024 que vient de publier l’American Psychological Association (APA), 77 % des adultes américains ont déclaré que l’avenir de notre nation était une source importante de stress dans leur vie.
Les différentes enquêtes réalisées par l’American Psychological Association montrent que ce stress s’est empiré depuis 2016. En 2016, l’élection présidentielle avait causé un stress important pour 52 % des adultes. En 2024, ce nombre est passé à 69 %. De plus, de nombreux adultes américains ont déclaré qu’ils craignaient que les résultats des élections n’entraînent des violences (74 % des répondants) ou que les élections de 2024 ne marquent la fin de la démocratie aux États-Unis (56 % des répondants).
Dans des enquêtes nationales, près de la moitié des adultes américains affirment que la politique est une source importante de stress, citant des problèmes tels que la perte de sommeil, les tempéraments écourtés et les pensées obsessionnelles (Smith, K. B., PLOS ONE, Vol. 17, No. 1, 2022).
La recherche s’est accélérée depuis les élections de 2016, cherchant à comprendre les aspects uniques de « l’anxiété politique », y compris où elle pourrait se chevaucher avec des conditions psychologiques telles que l’anxiété générale, et où elle diffère. On ne peut que noter le fait que le point de départ soit 2016, date du premier mandat de Donald Trump et avancer l’idée que le discours polarisant et radical de l’ancien président ne soit étranger à ce phénomène. Il dit ce qu’il pense sans filtre et ne se sent pas limité par le politiquement correct, expliquait en 2016 l’entourage de l’ancien président. Son discours d’investiture a été sans doute l’un des plus noirs jamais prononcé par un président. Aujourd’hui, l’argumentaire a pris une tout autre dimension. Appeler les migrants illégaux vermines qui pourrissent le sang du pays ou qualifier tous ceux qui pensent autrement d’ennemis de l’intérieur n’est pas particulièrement apaisant.
Les premières études suggèrent que les deux concepts – anxiété générale et anxiété politique – sont distincts. En d’autres termes, les personnes qui déclarent se sentir anxieuses à propos de la politique ne sont pas simplement des personnes ayant des niveaux élevés d’anxiété dans l’ensemble.
« L’anxiété politique est une chose qui est distincte du stress et de l’anxiété en général » explique Jayme Renfro, professeur de sciences politiques à l’Université de l’Iowa du Nord, qui a mené des recherches sur le stress électoral. « La politique est un facteur de stress compliqué et multiforme, précise Brett Ford, professeur de psychologie à l’université de Toronto, en partie parce qu’elle peut déclencher une grande variété d’émotions, allant de l’inquiétude, de la tristesse et du désespoir à l’indignation, au dégoût, à la colère, à la frustration, etc. Les événements politiques peuvent avoir des répercussions à court et à long terme, et ils impliquent souvent des conflits entre groupes, ce qui peut avoir des ramifications sociales réelles ».
Dans les enquêtes nationales menées lors des élections de mi-mandat de 2018 et de l’élection présidentielle de 2020, environ 40 % des adultes américains ont déclaré que la politique était une source importante de stress dans leur vie.
Dans le cadre de trois enquêtes distinctes, 1 personne sur 20 a également déclaré être si angoissée par la politique qu’elle avait des pensées suicidaires.
Des études sur l’appartenance partisane font écho à ces conclusions. l’une d’elles montre une relation entre une adhésion plus partisane et la possibilité de développer de l’anxiété ou de la dépression.
Ce stress est si marqué qu’il incite certaines personnes à envisager de déménager. En raison de l’environnement politique, 41 % des adultes américains ont déclaré avoir envisagé de déménager à l’étranger et 39 % ont envisagé de déménager dans un autre État (Stress in America 2024, APA).
Les conséquences des élections peuvent entraîner des conséquences marquantes. Après l’élection présidentielle de 2016, les dépenses en alcool ont augmenté dans les comtés où le soutien au candidat perdant était plus élevé. Mais des études permettent aussi de constater que l’anxiété et les symptômes dépressifs ont tendance à s’estomper dans les jours ou les semaines qui suivent une élection.
Ces résultats soulèvent la question suivante : « Existe-t-il un moyen de réguler les émotions négatives que la politique déclenche afin que la politique ne nuise pas à notre bien-être, mais en même temps, ne diminue pas notre motivation à agir ? », conclut le psychologue Matthew Feinberg, professeur à l’Université de Toronto.
J-7 : États qui comptent et États qui ne comptent pas
Kamala Harris et Donald Trump ne sont d’accord que sur une seule chose : les États où il faut aller pour tenir meeting. Un étranger qui ne connaîtrait pas le système électoral américain penserait qu’il faut visiter les grands centres urbains, là où il y a le plus de monde, ou encore les villes des États les plus peuplés comme la Californie, le Texas, la Floride ou encore l’État de New York.
La réalité est tout autre. Kamala Harris et Donald Trump ont effectué un total de 30 visites en Pennsylvanie et au Michigan depuis le mois d’août et ne sont pas rendus une seule fois dans 36 des 50 États des États-Unis.
Depuis qu’elle est la candidate démocrate le 5 août dernier, Kamala Harris a visité la Pennsylvanie à 13 visites reprises – où 19 votes électoraux sont en jeu – près de deux fois plus que son deuxième État le plus visité, le Michigan (7). Viennent ensuite le Wisconsin (6), la Géorgie (5), la Caroline du Nord (4), l’Arizona (3) et le Nevada (3). Pas de surprise : il s’agit des sept États pivots. Elle s’est également rendue à New York (2) et en Californie (2) pour des collectes de fonds, et a fait sa première étape de campagne au Texas vendredi pour un meeting avec Beyoncé.
De son côté, Donald Trump s’est en rendu 11 fois en Pennsylvanie (11) et 9 fois dans le Michigan. Viennent, ensuite, la Caroline du Nord (7). En plus du Wisconsin (5), de la Géorgie (5), du Nevada (4) et de l’Arizona (3), Donald Trump est allé à quatre reprises quatre virées dans à New York, mais plutôt pour des raisons personnelles. Il s’y est rendu à nouveau ce week-end pour un meeting on ne peut plus controversé au mythique Madison Square Garden.
Les deux candidats ne s’intéresseraient-ils pas aux Alabamiens ? Snoberaient-ils les Coloradians ? Dédaigneraient-ils les Idahoiains ? Mépriseraient-ils les Kentuckiens ?
Non, c’est la conséquence mécanique du système électoral américain qui fait que les élections du président des États-Unis vont se jouer dans 7 États clés dits Swing States ou encore États pivots ; les trois États de ce que l’on avait appelé le blue wall (Wisconsin, Michigan et Pennsylvanie), les deux États du Sud (Caroline du Nord et Géorgie) et les deux États de l’Ouest (Arizona et Nevada). Soit 61 millions d’habitants qui comptent pour les élections et 270 millions qui n’ont aucun impact. La situation est encore pire dans la mesure où ce ne sont que quelques comtés de ces États qui feront la différence.
Outre sa dimension non démocratique, un problème majeur pour un système qui prétend l’être (un candidat peut être élu sans avoir obtenu la majorité des voix populaires, (George W. Bush, Donald Trump), cette situation pose deux inconvénients majeurs. Le premier est que quelques milliers de voix font pencher le résultat d’un côté ou d’un autre. Une observation qui est également vraie pour un système direct où c’est la majorité est égale à 50 % des voix plus une. Oui, la grande différence avec le système du Collège électoral est qu’il faut obtenir ces 50 %. Les États ne sont donc pas sur un pied d’égalité quand il s’agit des élections. Ce qui a pour conséquence une débauche d’effort des candidats en termes de visites, de dépenses de campagne, de publicité politique concentrées sur certains points névralgiques.
La seconde qui, élection après élection, est que ce système est très fragile en matière de cybersécurité et de désinformation. Il suffit de noyer de faux messages (depuis 2008 avec la campagne de Barack Obama avec les réseaux sociaux et depuis cette élection avec l’intelligence artificielle) les électeurs de ces comtés. Et encore, les outils permettent aujourd’hui de déterminés qui sont les électeurs indécis et qui ceux sont qui sont encartés dans un parti et aucun message ne fera la différence. La même remarque s’applique aussi à la cybersécurité.
J-8 : Le Postgate, 50 ans après le Watergate
Pour la première fois depuis 1976 où il avait soutenu la candidature de Jimmy Carter, le Washignton Post a annoncé qu’il ne soutiendrait aucun candidat. En fait, ce n’est pas le journal, à savoir son rédacteur en chef ou son comité de rédaction, mais Jeff Bezos, le propriétaire du quotidien qui a imposé sa décision. L’annonce a été faite onze jours avant l’élection par William Lewis, directeur général du Washington Post, sous les instructions de Jeff Bezos alors même qu’un éditorial était prêt à être publié pour soutenir Kamala Harris.
Sewell Chan, executive editor de la Columbia Journalism Review, donne quelques détails sur cette affaire que l’on pourra qualifier de Postgate (The Washington Post opinion editor approved a Harris endorsement. A week later, Jeff Bezos killed it).
Rappelons qu’en 2013 le patron d’Amazon avait racheté, à titre personnel, le Washington Post, alors en grande difficulté, pour une bouchée de pain. Pour un montant relativement modeste de 250 millions de dollars, Jeff Bezos prenait un instrument d’influence qui avait à son actif quelques actions d’éclat dont la plus connue est celle de Bod Woordward et de Carl Berstein, dont l’opiniâtreté avait eu raison de Richard Nixon, empêtré dans l’affaire du Watergate.
Robert Kagan, editor at large du quotidien et conservateur patenté, a qualifié cette décision de “preemptive capitulation for business purpose”. Il a eu le courage de démissionner. Dix-neuf de ces collègues ont publié un communiqué déclarant : ”The Washington Post’s decision not to make an endorsement in the presidential campaign is a terrible mistake. It represents an abandonment of the fundamental editorial convictions of the newspaper that we love. This is a moment for the institution to be making clear its commitment to democratic values, the rule of law and international alliances, and the threat that Donald Trump poses to them — the precise points The Post made in endorsing Trump’s opponents in 2016 and 2020 (…) An independent newspaper might someday choose to back away from making presidential endorsements. But this isn’t the right moment, when one candidate is advocating positions that directly threaten freedom of the press and the values of the Constitution”.
Devraient-ils démissionner ? Cette décision leur appartient a répondu le senior fellow at the Brookings Institution. La nouvelle a fuité que le même jour de la décision de Jeff Bezos de cette pseudo-neutralité, Donald Trump a rencontré des dirigeants de Blue Origin, la société de fusées appartenant à Jeff Bezos.
Lorsque Bezos a décrété que le journal qu’il possédait ne pouvait pas soutenir l’adversaire de Donald Trump, on peut analyser cette décision comme un acte de soumission né d’une compréhension intuitive des différences entre les candidats. Jeff Bezos a compris que même s’il se mettait à dos Kamala Harris et que celle-ci devenait présidente, il n’y aurait aucune conséquence directe pour ses entreprises. Ce qui n’empêche pas l’administration Biden d’être très offensive dans des actions antitrust et de pratiques anticoncurrentielles. Mais cela n’est en rien directement lié aux positions politiques de leurs propriétaires, mais seulement sur des dimensions économiques et juridiques.
Jeff Bezos a également compris que s’il continuait à s’opposer à Donald Trump, ses entreprises pourraient en subir des conséquences très significatives. Ce faisant, il donne un terrible exemple aux médias qui ont été régulièrement qualifiés d’ennemi du peuple par Donald Trump pendant qu’il était président et depuis. Plus récemment, il a déclaré qu’il faudrait peut-être supprimer les licences d’exploitation à certains networks qui auraient eu l’audace de s’opposer à lui, d’émettre des critiques ou seulement faire du “facts checking”.
Stephen Miller, conseiller de Donald Trump, a publié sur son compte X : « Vous savez que la campagne de Kamala est en train de couler alors que même le Washington Post refuse de l’approuver. » Prenant cette décision de censurer, le soutien de son journal à Kamala Harris n’a fait que montrer sa pusillanimité.
De son côté, le L.A. Times qui est détenu par le milliardaire a Patrick Soon-Shiong, avait lui aussi bloqué le projet du comité de rédaction de soutenir Harris. Le L.A. Times n’a pas approuvé la présidence de 1976 à 2004, mais a repris la pratique en 2008 et a approuvé les démocrates lors des quatre dernières élections.
(Source : The Hill)
Cette idée de “pre-emptive capitulation” a été aussi défendue par l’historien Timothy Snyder qui a lancé un appel aux Américains à obéir en avance : “And the fact that people are obeying in advance is just a sign of how great the threat really is. So let’s all do what we can”.
https://snyder.substack.com/embed/p/obeying-in-advance?origin=https%3A%2F%2Fwww.unjourenamerique.fr&fullURL=https%3A%2F%2Fwww.unjourenamerique.fr%2Fj-8-le-postgate-50-ans-apres-le-watergate%2F
Le magazine The Bullwark a publié une citation de Kristofer Harrison, expert de la Russie qui fait vivre lethe Dekleptocracy Project. “America’s oligarch moment makes us more like 1990s Russia than we want to believe. Political scientists can and will debate what comes first: oligarchs or flaccid politicians. 1990s Russia had that in spades. So do we. That combination corroded the rule of law there, and it’s doing so here.
Russian democracy died because their institutions and politicians were not strong enough to enforce the law. Sound familiar? I could identify half a dozen laws that Elon Musk has already broken without enforcement. Bezos censored the Post because he knows that nobody will enforce the law and keep Trump from seeking political retribution. And on and on. The corrosive effect on the rule of law is cumulative.
The Bezos surrender is our warning bell about entering early-stage 1990s Russia. No legal system is able to survive when it there’s a class not subject to it because politicians are too cowardly to enforce the law”.
J-9 : Johnson et McConnell font la paire
Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
Sire, répond l’Agneau, que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu’elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d’Elle ;
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l’an passé.
Comment l’aurais-je fait si je n’étais pas né ?
Reprit l’Agneau ; je tette encor ma mère
Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.
Je n’en ai point. C’est donc quelqu’un des tiens:
Car vous ne m’épargnez guère,
Vous, vos Bergers et vos Chiens.
On me l’a dit : il faut que je me venge.”
Mike Johnson, Speaker de la chambre des représentants, et Mitch McConnell, leader de la minorité au Sénat, ont publié un communiqué commun dans lequel il déplore la rhétorique de Kamala Harris qualifiant Donald Trump de fasciste et comparant le candidat MAGA à Hitler. Une déclaration qui ne manque pas d’appeler l’attention sur la mauvaise foi des deux signataires. Celui qui a qualifié Donald Trump d’Hitler de l’Amérique est son colistier J.D. Vance.
D’abord, c’est à l’occasion d’un town hall que, pressé par le journaliste de CNN Anderson Cooper pour savoir si elle qualifiait son opposant de fasciste. Elle a simplement répondu oui comme Mark Milley, le plus haut gradé de l’armée américaine, et John Kelly, l’ex-directeur de cabinet de Donald Trump lorsqu’il était président.
Dans leur communiqué, les élus ont tenté d’établir le lien entre cette déclaration et les deux tentatives d’assassinat du candidat. Sauf que la chronologie ne permet pas de le faire puisqu’elle est intervenue après.
Mitch McConnell est assez mal placé de critiquer Kamala Harris quand on fait la liste des qualificatifs dont il a affublé Donald Trump : “sleazeball,” “narcissist”, “stupid as well as being ill-tempered”, “not very smart, irascible, nasty, just about every quality you would not want somebody to have.” Cela ne l’empêche pas de voter pour lui.
A sa défense, il est vrai que Donald Trump n’a pas été tendre avec son épouse Elaine Chao qui a pourtant été membre de son cabinet. Trump ne s’est pas privé d’insultes racistes : “China loving wife, Coco Chow”.
Me voilà bien chanceuse ! Hélas l’on dit bien vrai :
Qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage,
Et service d’autrui n’est pas un héritage.
(Molière, Les Femmes savantes, acte second, scène V)
Autre constatation, les deux élus réagissent à cette intervention unique de la candidate démocrate alors qu’ils n’ont dit mot des déclarations infamantes de Donald Trump qualifiant tous ceux qui ne lui plaisent pas de tous les noms de la Terre. Kamala Harris a été une des ses cibles favorites qu’il a qualifiée de “Marxist, communist, radical leftist, facist” et ce à de nombreuses reprises. Il ne se passe pas une journée sans qu’une pluie d’insultes tombe sur la candidate.
Que répondent alors les élus qui soutiennent le candidat qu’il ne faut pas prêter à attention à ce qu’il dit, que ce ne sont que des mots, qu’il s’agit de taquinerie, que ces déclarations sont sorties de leur contexte… Bref, toutes les mauvaises raisons pour excuser leur champion.
Cette attitude commune de la part des leaders des deux chambres est étonnante. Autant Mike Johnson est une marionnette de Trump dont la survie dépendrait de ce dernier s’il était élu. En revanche, elle est incompréhensible de la part du sénateur du Kentucky qui, on vient de la voir, ne porte pas l’ancien président dans son estime. Et sa carrière politique est derrière lui. Il a indiqué qu’il ne briguerait pas le poste de leader des républicains après les élections de novembre tout en finissant son mandat jusqu’en 2026.
Mais elle représentative des soutiens de l’attitude des républicains MAGA pour qui les démocrates sont des ennemis.