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J-13 : 6 janvier 2025, bis repetita ?

Le 6 janvier 2025 pourrait bien être un 6 janvier 2021 “on steroïds” ? Joue-t-on à se faire peur ou est-ce là une réalité angoissante ? Neal Katyal a été Solliciteur général (quatrième rang de la hiérarchie du ministère de la Justice et actuellement professeur de droit à l’Université de Georgetown, pencherait plutôt pour la deuxième branche de l’alternative. Dans un article récent publié par le New York Times (In Case of an Election Crisis, This Is What You Need to Know).

Pourquoi doit-on s’inquiéter de ce qui pourrait se passer le 6 janvier 2025 ? Tout simplement parce que c’est arrivé quatre ans plus tôt. Mais si Kamala Harris gagnait – sans doute de manière serrée – il ne faudra pas attendre le 6 janvier. En fait, Donald Trump a utilisé ces quatre années pour constituer une armée d’avocats pour lancer des actions en justice avant les élections. Il ne comptera pas uniquement sur un remake du 6 janvier, mais il actionnera toutes les voies possibles : législatures des États, Congrès, pouvoirs exécutifs (gouverneurs, Procureur général des États) et juges élus.

Déjà, des dizaines de recours ont été déposés. En Pennsylvanie, un litige a été engagé pour savoir si les bulletins de vote par correspondance non datés peuvent être comptabilisés tout comme les bulletins de vote provisoire. Stephen Miller, conseiller de Donald Trump président et candidat a intenté une action en justice en Arizona. Il affirme que les juges devraient être en mesure d’annuler les résultats des élections. De nombreux États ont apporté des modifications dans les processus du vote, souvent mineures. Mais à chaque fois, c’est une opportunité pour lancer un recours. Certains de 1200 juges fédéraux ne se gêneront pas pour engager une action pouvant monter jusqu’à la Cour Suprême. On se souvient de la décision en 2000 d’interdire le recomptage des bulletins de Floride qui a tout simplement donné la victoire à George W. Bush.

Le Brennan Center for Justice confirme cette tendance[i] : les négationnistes des élections ont intensifié leurs efforts. En 2020, ils étaient désorganisés et improvisés. Aujourd’hui, leurs efforts sont bien financés, stratégiques et ciblés. Ils ont intenté des dizaines de poursuites anti-électeurs, beaucoup plus que lors des élections précédentes. Certains visent à inonder les responsables électoraux de faux travaux. D’autres ne sont guère plus que des communiqués de presse avec une légende juridique, visant à semer le doute sur le système.

En Pennsylvanie, six membres républicains du Congrès ont contesté les procédures de l’État pour le traitement des bulletins de vote déposés par des citoyens américains vivant à l’étranger. Ces électeurs – près de 3 millions au total – bénéficient de protections spéciales en vertu de la loi fédérale depuis au moins les années 1940. Le système est en place depuis que le président Ronald Reagan l’a promulgué.

Dès la publication des résultats, ils seront entièrement mobilisés pour les dénoncer et les remettre en question. Les responsables des élections et les élus locaux pourront refuser de certifier le résultat des votes en s’appuyant sur des règles récemment passées. Le cas de la Géorgie est le plus emblématique (Élections : le cas de la Géorgie). Grâce aux lois qui ont été votées dans l’État, les officiels chargés des élections considèrent qu’il y a un doute raisonnable d’irrégularités dans le déroulement du vote de l’un des comtés de la Géorgie ; avec ou sans preuve, peu importe. Ils peuvent alors mettre le processus de dépouillement en mode pause, ne pas respecter les dates imposées par le processus électoral et ainsi créer une période de chaos dans laquelle tout est possible.

Autre exemple, celui du Michigan lorsqu’en 2020, Donald Trump avait fait pression sur des responsables électoraux du comté de Wayne pour ne pas certifier les élections. Sans succès. Mais avec les nouvelles lois, cela sera possible. En 2022, le Congrès a adopté la loi sur la réforme du décompte électoral et l’amélioration de la transition présidentielle (“Electoral Count Reform Act of 2022”), qui a tenté de réduire le risque en stipulant que, à moins que l’État ne désigne un autre responsable à l’avance, le gouverneur d’un État, et non un conseil local, doit certifier les électeurs. Mais n’est-ce pas là un simple transfert de responsabilité vers le gouverneur ?

Le troisième groupe des risques concerne les législatures d’État : elles pourraient faire des allégations sans fondement de fraude et interférer pour obtenir la nomination d’une autre liste d’électeurs au collège électoral, comme cela s’est produit en 2020. L’année dernière, dans l’affaire Moore v. Harper, la Cour suprême a mis fin à de nombreuses tactiques de ce genre. Mais une législature d’État pourrait ignorer la loi, surtout si le gouverneur de cet État est politiquement aligné et ainsi proposé une liste alternative de grands électeurs (alternative slate of electors).

https://youtu.be/SLQUDnkpcVI?si=IpbQobQtp9fmEEGV

Ted Cruz en faveur d’arrêter le décompte des élections le 6 janvier 2021. Il utilise le raisonnement circulaire selon lequel 39 % des électeurs pensent que les élections ont été frauduleuses et donc qu’il convient de se poser la question

Dernière zone d’ombre, le Congrès a le pouvoir de faire basculer l’ensemble de l’élection. Neal Katyal explique que, même en tant que professeur de droit, il a du mal à les comprendre. La loi susnommée (“Electoral Count Reform Act of 2022) a relevé le seuil de signature nécessaire à au moins 20 % des membres pour qu’un membre du Congrès puisse s’opposer au vote d’un état. Pour être adoptée, une objection doit être soutenue par une majorité simple dans les deux chambres. Seules deux catégories d’objections sont permises : si le vote d’un électeur n’a pas été « donné régulièrement » ou si l’électeur n’a pas été « légalement certifié ».

Jusqu’ici ce problème de fraude ne se posait pas trop même si bien sûr il y avait des problèmes çà et là, car les partis politiques avaient confiance dans le système. Mais depuis que Donald Trump a placé le doute sur la sincérité des élections en expliquant, à partir de 2019, que s’il ne gagnait pas les élections, c’est tout simplement qu’elles seraient frauduleuses. Les tricheurs étant bien sûr les démocrates. Et comme il a perdu les élections, il a déclaré qu’elles avaient bien été frauduleuses. Et pendant quatre longues années, il a véhiculé ce message, embarquant avec l’ensemble des membres du parti républicain. Son colistier étant le meilleur élève sur cette question. Lors d’une récente interview, près de quatre ans après les élections de 2020, J.D. Vance a eu l’occasion à cinq reprises de dire que Joe Biden avait gagné les élections, il ne l’a pas fait. Il a ensuite enfoncé le clou en affirmant qu’il n’aurait pas certifié les élections. La bonne nouvelle ici, est la personne qui en aura la charge est la vice-présidente Kamala Harris.   

Dernier point dans ce méandre de contingences, si aucun candidat n’obtient la majorité du collège électoral, c’est le Congrès qui élira le président avec une règle qui n’est pas très claire. Chaque délégation d’État dispose d’un vote, et non chaque représentant individuellement. Ce qui signifie que les représentants de chaque État doivent se mettre d’accord sur un candidat.

Les principales dates après le 5 novembre
– 5 novembre 2024 : Jour des élections
Les citoyens américains votent pour le président, les membres du Congrès (Sénat et Chambre des représentants), ainsi que pour divers postes locaux et étatiques.
– 14 décembre 2024 : Collège électoral
Les grands électeurs de chaque État se réunissent pour voter officiellement pour le président et le vice-président. Les résultats de ces votes sont ensuite envoyés au Congrès.
– 3 janvier 2025 : Début de la nouvelle session du Congrès
Les nouveaux membres du Congrès prêtent serment et commencent leur mandat.
– 6 janvier 2025 : Comptage des votes du Collège électoral
Le Congrès se réunit en session conjointe pour compter les votes des grands électeurs. Le vice-président, en tant que président du Sénat, préside cette session.
– 20 janvier 2025 : Investiture du président
Le président élu prête serment et prend officiellement ses fonctions. Cette cérémonie marque le début de son mandat de quatre ans.


[i] Le Brennan Center for Justice de la faculté de droit de l’Université de New York est un institut libéral ou progressiste de droit et de politique publique à but non lucratif. L’organisation porte le nom du juge de la Cour suprême William J. Brennan Jr.

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