Cette semaine, l’actualité a été écrasée par la condamnation de Donald Trump dans l’affaire Stormy Daniels qui doit plutôt être perçue comme une tentative d’influencer, voire de manipuler le résultat des élections. Une décision qui a requis l’unanimité des 12 jurés.
Petit retour en arrière. Le 7 octobre 2016, une vidéo du candidat républicain tournée quelques années plus fait dire à Donald Trump qu’il pouvait « grab a women by the pussy ». Émoi chez les républicains qui n’était pas encore tombé dans le trou noir trumpien. Une difficulté qui a été surmontée, Donald Trump dans un rare moment de lucidité à fait amende honorable tout en expliquant qu’il s’agissait d’une conversation de vestiaires comme des millions d’Américains en font. Le lendemain du 7 octobre, l’actrice porno, Stormy Daniels indique au National Enquirer qu’elle va parler à propos d’une affaire qu’elle a eu avec Donald Trump. Le tabloïd qui entretient de longues relations avec Donald Trump propose un accord, un gros chèque contre le silence de l’actrice. Oui, mais comment donner à ce paiement la respectabilité comptable nécessaire. Michael Cohen, l’homme à tout faire de Donald Trump, propose d’avancer l’argent et utilise des moyens assez détournés, notamment une coquille vide en guise d’entreprise dont le siège est dans le Delaware. Un peu plus tard, Donald Trump rembourse Michael Cohen en faisant passer ces dépenses comme des frais de services juridiques. Dans l’État de New York, c’est un délit de maquiller des comptes, mais c’est un crime dans la mesure où cet acte vise à en masquer un plus grave. Ici, ne pas révéler cette affaire qui aurait pu avoir un impact sur les élections, surtout juste après l’affaire Stormy Daniels.
Le fait que Donald Trump ait eu une affaire extramaritale est banal et tout le monde s’en f… Le fait qu’un journal à scandale ait eu un politique de publier des histoires plus ou fausses pour détruire ses adversaires politiques ou ne pas publier des affaires qui pourraient lui nuire, est déjà plus gênant. Le fait qu’il ait signé à tort des chèques pour masquer une affaire pouvant exercer une grande influence sur les élections, là est le point principal.
Le magazine Vox (The best – and worst – criticisms of Trump’s conviction) reprend les arguments majeurs sur cette affaire :
1) Trump may have falsified business records, but he did not do so with an “intent to defraud,” in the legal sense of that term
2) The claim that Trump falsified business records to conceal a separate crime rests on a dubious interpretation of an obscure and arguably inapplicable law.
3) There is little evidence that Trump knew he had violated campaign finance laws, let alone that he knowingly tried to conceal having done so.
4) Even if Trump were guilty, the statute of limitations on his offense has already expired.
5) The prosecution was blatantly politically motivated, and the judge was politically biased.
Il est clair que Donald Trump va faire appel de cette décision et qu’il y a assez peu de chances que le procès en appel se tienne avant les élections tant l’ex-président est un maître en actions dilatoires pour repousser une affaire aux calendes grecques.
Maintenant, la grande question, la plus importante est de savoir quel sera l’effet sur les élections. La condamnation va-t-elle souder la « base » de Trump et l’élargir d’électeurs indécis sensibles aux arguments du Deep State et de weaponisation de la Justice ou au contraire va-t-elle avoir un effet repoussoir sur cette frange d’électeurs. On le sait, il n’y a pas besoin d’un transfert massif de voix pour changer le résultat. Seuls quelques milliers dans les États clés peuvent tout changer. C’est là l’absurdité de ce système électoral. Premier effet sur la campagne, Donald Trump affirme avoir récolté 50 millions de dollars de contribution. Mais on n’est pas obligé de le croire.
Parmi les nombreux commentaires faits après cette condamnation, l’historien Timothy Naftali fait un parallèle entre le dénigrement systématique des élections et celui de la Justice. Le premier, activé par Donald Trump, a conduit aux événements du 6 janvier 2021. Aujourd’hui, Donald Trump et les républicains MAGA ne pouvant accepter le jugement de New York, remettent systématiquement en cause l’institution judiciaire. “Vers quoi cela va-t-il nous conduire”, questionne-t-il ?
President & Convicted Felon: Historian on the Unprecedented Trump Verdict | Amanpour and Company
Republican senator reacts to Trump calling US ‘fascist state’
Les deux partis se sont donc directement mis d’accord pour l’organisation des deux débats présidentiels court-circuitant la commission ad hoc. Ils se tiendront le 27 juin et le 10 octobre, le premier, organisé par CNN et le second par ABC. Pas de spectateurs, coupure du micro en cas de dépassement de temps ou d’interventions intempestives sont les deux principales mesures pour éviter la cacophonie à laquelle on avait assisté en 2020.
See Michael Cohen’s first reaction to Trump’s historic guilty verdict
Kaitlan Collins asked Todd Blanche if he regrets not having Trump take the stand. Hear his response
Pourquoi pensez-vous que les 12 jurés ont-ils condamné Donald Trump ?
Parce qu’il l’est pourrait-on répondre à sa place. L’avocat de la Donald Trump fait remarquer que si l’on n’avait pas tenu compte du témoignage de Michael Cohe, son client n’aurait pas été condamné. Raisonnement bizarre de la part d’un avocat. Si l’on supprime les témoins, il est probable qu’un présumé coupable sera innocenté.
La Cour Suprême en jeu
Parmi les arguments que les démocrates mettent (ou pourraient mettre) en avant, il y a celui de la Cour Suprême. Cela pourrait surprendre dans la mesure où l’élection de novembre concerne la première branche du gouvernement, l’Exécutif, alors que la Cour Suprême est la troisième. Tout simplement parce que l’un des prérogatives majeures du président des États-Unis est de nommer les neuf Juges de cette institution. D’ailleurs, Donald Trump ne se prive pas de rappeler qu’il a nommé trois juges (ultra ?) conservateurs, relativement jeunes et qui peuvent donc rester en place encore longtemps. Les conséquences de ces nominations ne se sont pas fait attendre notamment avec la publication de l’arrêt Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization qui invalidait l’arrêt de 1973 Roe v. Wade et statue que la Constitution ne confère pas de droit à l’avortement renvoyant la question aux États.
Les très controversés Juges Clarence Thomas et Samuel Alito pourraient prendre leur retraite, donnant la possibilité au prochain président de nommer leurs deux successeurs. Si Donald Trump était élu, il pourrait ainsi nommer deux Juges ayant le même profil que les trois nommés pendant son premier mandat. Cela ne changerait pas le rapport entre conservateur et progressiste (6 contre 3), mais pourrait le maintenir pendant des décennies imprimant ainsi la vie politique et sociale des États-Unis.
L’influence des familles milliardaires
On connaissait le mythe des deux cents familles en France, on va peut-être connaître celui des 50 familles milliardaires aux États-Unis. Une publication de l’organisme Americans Tax Fairness révèle que 50 familles milliardaires américaines (l’étude insiste bien sur la dimension famille[i]) ont déjà injecté 600 millions de dollars dans les élections de 2024, dans les partis politiques, les PAC et les super PAC. Americans Tax Fairness estime que ces 50 familles détiennent un patrimoine de plus de 1000 milliards de dollars. Si l’on considère que la donation moyenne des Américains est de 100 dollars, ces 50 familles ont donc la force de frappe de 6 millions de familles américaines. L’étude précise que lorsque l’on inclut les donations directes aux candidats, les contributions baptisées « dark money », le montant réel des donations est sans doute
Ce qui n’est pas sans poser le problème de l’influence de l’argent dans la politique et sur la démocratie. Plus des deux tiers (69%) ont été donnés à des organismes défendant des causes républicaines ou conservatrices et moins d’un quart (23%) à des organismes démocrates ou progressistes.
Les premiers visent principalement à défendre leur propre intérêt, notamment financier. Les donateurs défendant des causes républicaines entendent défendre leur patrimoine par l’intermédiaire de mesures fiscales avantageuses sur les revenus, le patrimoine ou le transfert de richesses intergénérationnel là où les démocrates poussent plutôt à une taxation des plus riches à hauteur de leur capacité. On pourrait résumer, en opposant intérêts privés face au bien commun. Les premiers attaquant souvent les seconds en qualifiant de socialistes, voire de communistes. Deux mots qui n’ont pas grand-chose à voir avec les politiques proposées par les démocrates, mais sont suffisamment mal connotés créer de l’anxiété et de la peur.
Le slogan des « deux cents familles » est lancé par Édouard Daladier lors du 31e congrès du Parti radical-socialiste, tenu à Nantes du 25 au 28 octobre 1934. « Ce sont deux cents familles qui, par l’intermédiaire des conseils d’administration, par l’autorité grandissante de la banque qui émettait les actions et apportait le crédit, sont devenues les maîtresses indiscutables, non seulement de l’économie française, mais de la politique française elle-même. Ce sont des forces qu’un État démocratique ne devrait pas tolérer, que Richelieu n’eût pas tolérées dans le royaume de France11. L’empire des deux cents familles pèse sur le système fiscal, sur les transports, sur le crédit. Les deux cents familles placent leurs mandataires dans les cabinets politiques. Elles agissent sur l’opinion publique, car elles contrôlent la presse. »
[i] La famille Walton par exemple actionnaire de l’entreprise Walmart est composée de Jim, Rob et Alice qui possèdent à eux trois un peu plus de 200 milliards de dollars.