La politique américaine est organisée autour de deux partis même si les sondages présentent toujours les résultats en trois groupes : républicains, démocrates et indépendants. Selon la très intéressante étude du Pew Research Center (Changing Partisan Coalitions in a Politically Divided Nation), 49 % des électeurs Américains enregistrés sur les listes électorales (registered voters) s’identifient comme démocrates (dem ou lean dem) et 48 % comme républicains (rep ou lean rep). Depuis 1994, les démocrates ont légèrement devancé les républicains à l’exception de trois périodes : en 1996, ce qui n’a pas empêché Bill Clinton d’être élu, en 2016, ce qui a conduit à l’élection de Donald Trump et aujourd’hui. En 2020, ils avaient un avantage de 5 points (51 % contre 46 %). La période la plus faste pour le parti de l’âne a été 2008 où leur coalition représentait 55 %.
Ces évolutions dans le rapport de force entre les deux partis intègrent des changements dans le corps électoral avec notamment le renforcement des minorités hispaniques et asiatiques. La proportion des électeurs hispaniques a triplée et celle des asiatiques multipliée par 6. Et l’on sait que les minorités sont assez largement orientées vers les démocrates. De telles sorte qu’aujourd’hui, 44 % des électeurs démocrates appartiennent à ces minorités (Noirs, Hispaniques et Asiatiques) contre seulement 20% chez les républicains. Ce qui fait dire à certains analystes que mécaniquement les démocrates domineront à terme les républicains. De fait, les républicains font de plus en plus appel à des artifices pour conserver le pouvoir (voter suppression, gerrymandering…). A l’inverse, avec le temps, les minorités, surtout les Hispaniques, semblent s’ouvrir de plus aux idées du parti républicains.
Un autre facteur explicatif de l’évolution de l’appartenance partisane, le niveau de diplôme joue un rôle de plus en plus important et à front renversé. Traditionnellement, le parti démocrate était celui des cols bleus et des classes moyennes, celles qui travaillaient dans les usines. Mais avec le temps, il s’en est peu à peu détourné pour défendre de nouvelles causes sociétales. C’était le constat du professeur de sciences humaines à l’université de Columbia dans un ouvrage intitulé La gauche identitaire, publié juste après l’élection de Donald Trump en 2016. Causes qui n’ont pas trouvé un grand écho chez les non diplômés et qui ont donc occasionné ce « chassé-croisé ».
Les diplômés du secondaire se sont alors orientés vers les républicains et inversement, les diplômés du supérieur vers les démocrates. Sachant qu’en parallèle, la proportion des diplômés du supérieur dans la population a augmenté pour atteindre 40 % en 2023. Aujourd’hui, le parti républicain détient un avantage de 6 points sur les électeurs qui n’ont pas de diplôme du supérieur (51 % contre 45%). A l’inverse, les démocrates, désormais qualifié le parti de l’élite, a un avantage de 13 points sur les diplômés du supérieur (55% contre 42%). Cette tendance est relativement récente.
L’âge et le sexe sont aussi des déterminants très forts. En 2007, 56 % des électeurs sans diplôme du supérieur étaient démocrates et 42 % républicains. Une évolution aussi très marquante. Dans les années 1990, la différence entre les jeunes et les moins jeunes était modeste. 51 % des femmes sont alignées sur le parti démocrate contre 44 % sur le parti républicain. La proportion est inversée chez les hommes (52 % républicains et 46 % démocrates).
Pour résumer, les républicains se recrutent plutôt chez les évangéliques, les hommes blancs sans diplôme du supérieur, les habitants de la ruralité et les vétérans, les démocrates sont très fortement représentées chez les femmes diplômées du supérieur, habitants dans les zones urbaines, appartenant aux minorités, et pas trop orientées vers la pratique religieuse.