La Russie est sans doute le problème politique le pressant aujourd’hui, mais c’est bien la Chine qui est la question majeure à laquelle sont confrontés les Etats-Unis. Avec XI Jinping, la Chine a bien l’ambition de devenir la première puissance de la planète et pas seulement sur le plan économique. L’objectif visé serait 2049, l’année marquant le centenaire de la création de la République Populaire de Chine. En espérant bien atteindre cet objectif avant. Y arrivera-telle ? En tous cas, les Américains l’empêcheront autant qu’ils le peuvent. Même si les politiques américains passent beaucoup de leur temps à s’autodétruire. Les interventions des républicains désormais sous contrôle de Donald Trump donnent parfois l’impression que les démocrates sont autant des ennemis que la Chine.
C’est une véritable opération de relations publiques que les Etats-Unis ont réalisé vis-à-vis de la Chine. En moins d’un mois, pas moins de quatre hauts responsables ou personnalités se sont rendus à Pékin. Antony Blinken pour parler de questions diplomatiques, Janet Yellen pour parler des sujets économiques et de la difficulté des sociétés américaines de faire des affaires dans l’Empire du milieu, John Kerry sur le climat, Bill Gates pour échanger sur les questions de santé publique et de technologies, en particulier l’intelligence artificielle, et enfin Henry Kissinger pour activer la corde historique entre les deux nations. Les résultats sont-ils au rendez-vous des attentes et des objectifs ? Difficile à dire mais c’est déjà une bonne chose que les deux nations se parlent.
Le secrétaire d’Etat Antony Blinken a été le premier haut responsable américain à se rendre en Chine depuis 2018. Les liens entre les deux pays s’étaient encore détériorés à la suite du voyage de la présidente de la Chambre des représentants de l’époque, Nancy Pelosi, à Taïwan en août dernier. Cela a conduit Pékin à couper certains contacts de niveau intermédiaire et supérieur avec les États-Unis, y compris les communications militaires de haut niveau. Pékin a cité les « sanctions unilatérales » de Washington comme un « obstacle » à la réouverture des dialogues militaires. Outre les tensions accrues à Taïwan, les États-Unis et la Chine sont engagés dans des différends sur les droits de douane, l’accès à la technologie et les droits de l’homme.Le voyage d’Antony Blinken fait suite à son report de son projet de visite en Chine en février après l’abattage d’un ballon de surveillance chinois au-dessus des États-Unis.
Antony Blinken a également exhorté les Chinois à libérer les citoyens américains détenus et à prendre des mesures pour freiner la production et l’exportation de précurseurs du fentanyl qui alimentent la crise des opioïdes aux États-Unis. Depuis l’annulation du voyage de Blinken en février, il y a eu des engagements de haut niveau. Le chef de la CIA, William Burns, s’est rendu en Chine en mai, tandis que le ministre chinois du Commerce s’est rendu aux États-Unis. Et le conseiller à la sécurité nationale de Biden, Jake Sullivan, a rencontré Wang à Vienne en mai.
La secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen a rencontré les nouveaux responsables de la politique économique de la Chine et atténué le discours de Washington sur le « découplage » en parlant de diversification (Etats-Unis – Chine : découplage non, diversification oui). Mais les deux nations restent en désaccord sur de nombreuses questions. L’automne dernier, le Congrès du Parti communiste chinois a ouvert la voie à Xi Jinping, pour installer une nouvelle équipe de loyalistes à des postes économiques de haut niveau. La Chine a également progressivement réduit la publication d’informations économiques, interrompant de nombreux rapports, ce qui rend plus difficile de savoir ce qui se passe réellement dans l’économie chinoise.
Janet Yellen a eu le temps de plaider la cause des Etats-Unis puisqu’elle a eu des entretiens totalisant 10 heures avec quatre des principaux décideurs économiques de la Chine. Elle a utilisé un nouveau mot en D pour les chaînes d’approvisionnement : « Diversifiée ». La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait proposé en mars un terme plus doux et plus neutre : « réduire les risques ». Tout cela c’est de la rhétorique il faut attendre les actions et les résultats. Une chose est sûre, les Etats-Unis ont assez largement réduit leurs importations chinoises.
Toutefois, l’administration Biden maintient que les récentes limites qu’elle a imposées aux exportations de haute technologie vers la Chine, notamment des semi-conducteurs les plus avancés, sont étroitement axées sur la sécurité militaire américaine. Elle n’a proposé aucune nouvelle politique. La Chine non plus. De son côté, la Chine a récemment imposé des restrictions sur l’exportation de deux métaux critiques, le gallium et le germanium, utilisés dans les puces informatiques. La Chine produit la quasi-totalité de l’approvisionnement mondial de ces deux matériaux.
Pour sa part, John Kerry, l’envoyé climatique du président Biden et ancien candidat démocrate contre George W. Bush aux élections de 2004, sort des pourparlers à Pékin sans nouvel accord.
Les dirigeants chinois ont repoussé les tentatives de John Kerry, de les persuader de s’engager à une action climatique plus dure. John Kerry est sorti mercredi soir des longues négociations à Pékin sans nouveaux accords. En fait, le président chinois, Xi Jinping, a insisté dans un discours sur le fait que la Chine poursuivrait ses objectifs d’élimination progressive de la pollution par le dioxyde de carbone à son propre rythme et à sa manière.
Les pourparlers à Pékin ont eu lieu alors que le monde mesurait les deux semaines les plus chaudes jamais enregistrées et John Kerry a exhorté les dirigeants chinois à considérer les régions de Chine, d’Europe et des États-Unis comme un signe de pires choses à venir s’ils ne parviennent pas à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les États-Unis génèrent 14% des émissions mondiales de carbone, la Chine est responsable de 31% et sa pollution augmente chaque année (pour une population quatre à cinq fois plus nombreuse). La Chine a déclaré qu’elle atteindrait un pic d’émissions avant 2030 et cesserait d’ajouter du carbone dans l’atmosphère d’ici 2060.
En guise d’amadouer ses interlocuteurs, John Kerry a concédé que les États-Unis et l’Europe ont également du mal à s’éloigner des combustibles fossiles. « C’est difficile », a-t-il déclaré. « Nous le reconnaissons. » « Le climat devrait être autonome, car c’est une menace universelle pour tout le monde sur la planète », a déclaré mercredi M. Kerry à Han Zheng, vice-président chinois.
Les visites de Bill Gates et Henry Kissinger se situent sur un autre registre dans la mesure où ils n’ont aucun rôle officiel.
Pour sa première visite en Chine depuis 2019, Bill Gates a eu l’occasion de rencontrer Xi Jinping. Le président chinois, Xi Jinping, a qualifié ce dernier de « premier ami américain que j’ai rencontré à Pékin cette année ». Xi Jinping a également déclaré qu’il souhaitait renforcer les liens avec l’organisation philanthropique de M. Gates, la Fondation Bill et Melinda Gates, afin d’aider à l’aide aux pays en développement. La Fondation Gates n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire.
Bill Gates et Xi Jinping se sont rencontrés en mars 2015 lors d’une conférence annuelle de dignitaires étrangers et de chefs d’entreprise dans la province insulaire de Hainan, et de nouveau cette année-là à Seattle lorsque Xi était en Amérique pour sa première visite d’État.
Xi Jinping a également discuté de la montée mondiale de l’intelligence artificielle (IA) avec Bill Gates et a déclaré qu’il accueillait favorablement les entreprises américaines, dont Microsoft, qui apportent leur technologie d’IA en Chine.
Et peut-être le meilleur pour la fin, la visite d’Henry Kissinger, 100 ans, en Chine où il a pu rencontrer Xi Jinping. Ce dernier a salué son « vieil ami » Kissinger (Décidément Xi a beaucoup d’amis) lors d’une réunion qui rappelle une ère de liens plus chaleureux.
Xi a rencontré Kissinger à la maison d’hôtes d’Etat Diaoyutai, un complexe diplomatique de l’ouest de Pékin, où Kissinger a été reçu lors de sa première visite en Chine en 1971, a rapporté la télévision d’Etat.
Depuis lors, Henry Kissinger s’est rendu en Chine plus de 100 fois, a noté le président Chinois lors de la réunion. En juillet 1971, Kissinger est devenu le premier haut responsable américain à visiter la Chine communiste. Ses rencontres secrètes avec les dirigeants chinois ont ouvert la voie au voyage « brise-glace » du président américain de l’époque, Richard Nixon, l’année suivante.
Dans les décennies qui ont suivi, les liens entre les États-Unis et la Chine se sont développés parallèlement à leur interdépendance économique. Mais ces dernières années, les relations entre les deux plus grandes économies du monde se sont nettement détériorées. Pour Xi, la présence de Kissinger a rappelé des temps moins difficiles. Mais la position et les ambitions de la Chine n’étaient pas les mêmes.
« Nous n’oublierons jamais nos vieux amis et n’oublierons jamais votre contribution historique au développement des relations sino-américaines et au renforcement de l’amitié entre les deux peuples », a déclaré Xi Jinping à Henry Kissinger.
« La Chine et les Etats-Unis sont une fois de plus à la croisée des chemins et les deux parties doivent à nouveau faire un choix », a-t-il déclaré, exhortant Henry Kissinger et les Américains partageant les mêmes idées à « continuer à jouer un rôle constructif pour ramener les relations sino-américaines sur la bonne voie ».
Henry Kissinger a répondu que c’était un « grand honneur » de visiter la Chine et a remercié Xi d’avoir choisi de le rencontrer dans le même bâtiment où il a rencontré des dirigeants chinois pour la première fois, selon la TV chinoise. « Les relations américano-chinoises sont d’une importance vitale pour la paix et la prospérité des deux pays et du monde », a déclaré M. Kissinger, promettant de faire des efforts pour renforcer la compréhension mutuelle entre les deux parties.
Bref, Henry Kissinger n’est plus un diplomate officiel mais il en parle toujours la langue.