Depuis le début de la pandémie, en mars 2020 (date à laquelle, le Covid-19 a été déclarée comme tel par l’OMS), les effets du Covid ont été analysés au jour le jour avec le nombre de cas, de décès, de vaccination… De ce point de vue, le bilan des Etats-Unis est très médiocre et sans doute l’un des pires des pays à économie comparable. Et pourtant, c’est aux Etats-Unis que le développement des vaccins a été le plus rapide et le plus performant. Depuis quelques mois, le Covid-19 est un peu tombé dans les oubliettes. Sans doute par lassitude mais surtout parce que la vague est largement retombée.
Aujourd’hui, on analyse les effets à long terme qu’a la pandémie. Les administrateurs du système Medicare (assurance santé pour les plus de 65 ans) viennent de publier un rapport financier (2023 Annual Report of the boards of trustees of the federal hospital insurance and federal supplementary medical insurance trust funds) dont les conclusions positives – les dépenses de santé sont inférieures aux prévisions et donc le financement du système est assuré sur un plus longue période – repose sur un constat qui l’est beaucoup moins : le Covid a eu raison des plus faibles parmi les plus âgés réduisant d’autant les dépenses de santé des bénéficiaires du programme Medicare.
Mais ce résultat s’inscrit dans une tendance plus large selon laquelle l’espérance de vie aux Etats-Unis a connu une évolution mitigée depuis quatre décennies en comparaison d’autres nations dont certaines ont pourtant des performances économiques moins bonnes. L’Italie par exemple a connu une stagnation depuis les années 2000 avec une croissance nulle de son PIB par habitant contre une croissance de 29 % aux Etats-Unis. Et pourtant, l’espérance de vie des Italiens est supérieure d’environ 5 ans à celle des Américains.
Par ailleurs, l’économiste pointe des disparités majeures à l’intérieur même des Etats-Unis. Selon les données statistiques de la mortalité (US mortalilty database), l’Ohio avait un niveau d’espérance de vie légèrement comparable à celui de l’état de New York dans les années 1990. Depuis, l’espérance de vie dans l’état de New York a significativement augmenté, à niveau comparable à celle des pays industrialisés, alors que celle de l’Ohio a stagné et est donc de quatre ans inférieur.
Qu’est-ce qui peut donc expliquer ces différences ? Dans une tribune publiée dans le New York Times (Understanding the Red State Death Trip), Paul Krugman que l’évolution de cette espérance de vie s’explique plus par des raisons politiques qu’économiques. L’économiste fait référence à une étude publiée en 2021 par The Journal of Economic Perspectives qui examine les causes possibles de ces disparités, par exemple, le niveau d’éducation ou le niveau de vie (les deux étant assez fortement corrélés). Selon les auteurs de l’étude, ces éléments n’expliquent pas beaucoup les disparités.
En revanche, ils avancent des explications liées aux politiques publiques : “The most promising explanation for our findings involve efforts by high-income states to adopt specific health-improving policies and behaviors since at least the early 1990s. Over time, these efforts reduced mortality in high-income states more rapidly than in low-income states, leading to widening spatial disparities in health.”
Pour Paul Krugman, la corrélation entre l’évolution de l’espérance de vie dans un Etat des Etats-Unis et son orientation politique, mesurée par la marge des voix lors des élections de 2020 pour Joe Biden et Donald Trump est très forte, plus forte que celle liée aux revenus.
Certains états parmi les plus pauvres des Etats-Unis, dont l’espérance de vie est la plus faible, refusent d’étendre la couverture du programme Medicaid (assurance santé pour les revenus les plus faibles) alors même que le financement est assuré par le gouvernement fédéral.
Face au Covid, les réponses des comtés ont été très différentes en fonction de la couverture politique. Les comtés à tendance républicaine ont moins poursuivi la vaccination des habitants que leurs homologues républicains alors même que les dépenses étaient prises en charges par le gouvernement fédéral.