Joe Biden s’adresse donc au Congrès le mardi 7 février 2023, son deuxième discours sur l’état de l’Union, le premier devant une majorité républicaine à la Chambre des représentants. Un exercice convenu mais un rendez-vous important dans la vie politique américaine. Les uns vont critiquer, en général les élus du parti opposé à celui du président, les autres vont louer. Petit retour en arrière de plusieurs discours qui se situent un peu plus d’un an après différentes guerres, la Première et la Seconde guerre mondiale, la guerre de Corée, la guerre du Vietnam et la guerre Soviétique en Afghanistan.
Première guerre mondiale
Décembre 1916, la Première guerre mondiale bat son plein. Par le jeu des alliances, tous les pays, principalement européens, déclarent à la guerre aux autres.
28 juillet : Autriche-Hongrie à la Serbie ; 1er août : Allemagne à la Russie ; 3 août : Allemagne à la France ; 4 août : Royaume-Uni à l’Allemagne ; 6 août 40 : Autriche-Hongrie à la Russie ;
11 août : France à l’Autriche-Hongrie ; 13 août : Royaume-Uni à l’Autriche-Hongrie ; 23 août : Japon à l’Allemagne ; 3 novembre : France et Royaume-Uni à l’Empire ottoman.
Les Etats-Unis restent en dehors de ce conflit auquel ils ne souhaitent pas participer et même qu’ils semblent ignorer.
Pour preuve, Woodrow Wilson dans son 4e discours sur l’Etat de l’Union délivré le 5 décembre 1916 ne fait aucune allusion à la guerre. Le sujet principal de son discours est la situation de l’Interstate Commerce Commission (ICC), un organisme de régulation aux États-Unis créé par l’Interstate Commerce Act de 1887 signé par le président Grover Cleveland. L’agence fut supprimée en 1995 et ses fonctions restantes transférées au Surface Transportation Board.
Les buts initiaux de l’ICC étaient de réguler les chemins de fer (et plus tard aussi le transport routier) pour s’assurer de justes prix et réguler les autres aspects du transport. Le discours traite principalement du chemin de fer, le moyen de transport principal aux Etats-Unis à cette époque.
Mais les choses évoluent rapidement. Les Etats-Unis déclarent la guerre à l’Allemagne le 6 avril 1917. Du coup, le 28e président n’attend pas discours sur l’état de l’Union et s’adresse au Congrès le 16 avril 1917 en introduisant par ses mots : « The entrance of our own beloved country into the grim and terrible war for democracy and human rights which has shaken the world creates so many problems of national life and action which call for immediate consideration and settlement that I hope you will permit me to address to you a few words of earnest counsel and appeal with regard to them ».
Pourquoi les Etats-Unis sont-ils entrés en guerre selon leur président : « We are fighting for what we believe and wish to be the rights of mankind and for the future peace and security of the world. To do this great thing worthily and successfully we must devote ourselves to the service without regard to profit or material advantage and with an energy and intelligence that will rise to the level of the enterprise itself ».
Pour Woodrow Wilson, les Etats-Unis sont donc entrés en guerre pour défendre des valeurs et de manière totalement désintéressés. Son 5e discours sur l’état de l’Union sera largement centré sur la guerre. S’il rappelle son objectif, « win the war », il va plus loin en demandant ce que signifie gagner la guerre. Après quelques développements, l’objectif est défini comme gagner la paix par les armes (to make conquest of peace by arms).
Seconde guerre mondiale
Le 3 septembre 1939, l’Allemagne envahit la Pologne, la France et le Royaume-Uni déclarent la guerre à l’Allemagne en vertu du traité de février 1921 les liant à la Pologne. Dans son premier discours sur l’état de l’Union après la déclaration de la guerre, le 3 janvier 1940, Franklin Roosevelt introduit assez naturellement son message sur la guerre mais pour expliquer que le mieux à faire pour les Etats-Unis est de ne pas s’en mêler :
« It was with far-sighted wisdom that the framers of our Constitution brought together in one magnificent phrase three great concepts – “common defense”, “general welfare” and “domestic tranquility”. More than a century and a half later we, who are here today, still believe with them that our best defense is the promotion of our general welfare and domestic tranquillity ».
L’année suivante, le 6 janvier 1941, alors que les Etats-Unis ne sont toujours pas entrés dans la guerre, Franklin Roosevelt est beaucoup plus grave en définissant une position difficile : « se préparer et sortir de sa neutralité sans toutefois s’engager militairement » (Histoire des Etats-Unis, de 1492 à nos jours -Bertrand Van Ruymbeke). Aider mais ne pas s’engager tout en se préparant telle est la ligne que défend FDR. Ce discours restera fameux et connu comme le « Discours des Quatre Libertés » : « Les Etats-Unis seront le garant du monde « fondé sur quatre libertés essentielles :
– « The first is freedom of speech and expression—everywhere in the world.
– The second is freedom of every person to worship God in his own way—everywhere in the world.
– The third is freedom from want—which, translated into world terms, means economic understandings which will secure to every nation a healthy peacetime life for its inhabitants-everywhere in the world.
– The fourth is freedom from fear—which, translated into world terms, means a world-wide reduction of armaments to such a point and in such a thorough fashion that no nation will be in a position to commit an act of physical aggression against any neighbor—anywhere in the world ».
Le 6 décembre 1941, FDR lance un appel à l’Empereur japonais pour éviter la guerre (Appeal to Emperor Hirohito to Avoid War in the Pacific). Le 7 décembre, le Japon lance l’attaque sur Pearl Harbour. Le 8 décembre, portant un brassard noir, il s’adresse au Congrès demandant de déclarer la guerre au Japon (c’est une des prérogatives du Sénat) :
« I ask that the Congress declare that since the unprovoked and dastardly attack by Japan on Sunday, December 7, 1941, a state of war has existed between the United States and the Japanese Empire ».
Le discours sur l’état de l’Union du 6 janvier 1942 sera naturellement dédié à l’implication des Américains dans la guerre : « We are fighting today for security, for progress, and for peace, not only for ourselves but for all men, not only for one generation but for all generations. We are fighting to cleanse the world of ancient evils, ancient ills ». FDR prévient, la guerre sera longue et dure.
La guerre de Corée
La guerre de Corée commence le 25 juin 1950. C’est un des premiers conflits importants de la guerre froide. Harry Truman introduit logiquement son discours du 8 janvier 1951 sur le sujet l’inscrivant dans la lutte entre le monde libre et le monde communiste :
« As we meet here today, American soldiers are fighting a bitter campaign in Korea. We pay tribute to their courage, devotion, and gallantry.
Our men are fighting, alongside their United Nations allies, because they know, as we do, that the aggression in Korea is part of the attempt of the Russian Communist dictatorship to take over the world, step by step.
Our men are fighting a long way from home, but they are fighting for our lives and our liberties. They are fighting to protect our right to meet here today–our right to govern ourselves as a free nation.
The threat of world conquest by Soviet Russia endangers our liberty and endangers the kind of world in which the free spirit of man can survive. This threat is aimed at all peoples who strive to win or defend their own freedom and national independence (…) Our own national security is deeply involved with that of the other free nations ».
La guerre du Vietnam
Pour son premier discours, le 8 janvier 1964, Lyndon Johnson fait allusion au Vietnam mais ne parle pas de guerre : « Today, Americans of all races stand side by side in Berlin and in Viet Nam. They died side by side in Korea. Surely they can work and eat and travel side by side in their own country ».
L’année suivante, son discours sera consacré à la « Great Society », son programme visant à mettre en œuvre des politiques pour sortir des millions d’Américains de la pauvreté. Le Vietnam est rapidement mentionné :
« In Asia, communism wears a more aggressive face. We see that in Viet-Nam. Why are we there ? We are there, first, because a friendly nation has asked us for help against the Communist aggression. Ten years ago our President pledged our help. Three Presidents have supported that pledge. We will not break it now.
Second, our own security is tied to the peace of Asia. Twice in one generation we have had to fight against aggression in the Far East. To ignore aggression now would only increase the danger of a much larger war.
Our goal is peace in southeast Asia. That will come only when aggressors leave their neighbors in peace ».
Il faudra attendre l’année suivante pour que le président démocrate détaille l’action des Etats-Unis dans la région : « Our Nation tonight is engaged in a brutal and bitter conflict in Vietnam. Later on I want to discuss that struggle in some detail with you. It just must be the center of our concerns ». Mais le projet de Great Society est toujours central.
La guerre soviétique en Afghanistan
Dans la nuit du 24 au 25 décembre 1979, l’Armée rouge entre en Afghanistan. Dans son discours devant le Congrès du 23 janvier 1980, Jimmy Carter introduit sur les 50 otages américains détenus en Iran – « innocent victims of terrorism and anarchy » – pour rapidement embrayer sur les « massive Soviet troops attempting to subjugate the fiercely independent and deeply religious people of Afghanistan ». Une attaque qui pose un « a serious challenge to the United States of America and indeed to all the nations of the world ».
Jimmy Carter se lance alors dans une description des relations entre l’URSS et les Etats-Unis depuis la seconde guerre mondiale. Il annonce des sanctions : « I will not issue any permits for Soviet ships to fish in the coastal waters of the United States. I’ve cut Soviet access to high-technology equipment and to agricultural products. I’ve limited other commerce with the Soviet Union, and I’ve asked our allies and friends to join with us in restraining their own trade with the Soviets and not to replace our own embargoed items. And I have notified the Olympic Committee that with Soviet invading forces in Afghanistan, neither the American people nor I will support sending an Olympic team to Moscow ».
Ces événements s’inscrivent après les négociations sur la limitation des armes stratégiques qui sont de fait interrompu. Parmi les autres mesures, le pacifiste Jimmy Carter décide d’augmenter le budget du Pentagone de 5 % sur les 5 prochaines années.
Dans son premier discours sur l’état de l’Union, le 26 janvier 1982, Ronald Reagan commence son exposé sur la situation économique des Etats-Unis et sur les thèmes de sa révolution conservatrice : moins de taxes, moins de régulations, moins d’état. Il ne fait mention de la guerre en Afghanistan qu’à la fin de son discours et encore de manière allusive et ne reste qu’au niveau des généralités :
« A recognition of what the Soviet empire is about is the starting point. Winston Churchill, in negotiating with the Soviets, observed that they respect only strength and resolve in their dealings with other nations. That’s why we’ve moved to reconstruct our national defenses. We intend to keep the peace. We will also keep our freedom ».
Il indique alors reprendre les négociations avec les Soviétiques sur les limitations des armes stratégiques.