Les Etats-Unis sont l’un des rares pays du monde où la charge diplomatique peut être monnayer contre un gros chèque. Et chaque poste d’ambassadeur à un prix : Ambassadeur à Londres coûtera évidemment plus cher que représentant des Etats-Unis en Somalie. Dans un article intitulé Revitalizing Diplomacy: A 21st Century Foreign Service, Elisabeth Warren, sénatrice du Massachusetts, se lamente sur cette situation : « In the Trump administration, $1 million buys you an appointment to the Bahamas – even if you’re not quite sure what that means. For $2 million, you can become Ambassador to the United Nations. Trump nominated a real estate lawyer accused of sexual harassment as ambassador to Romania ».
Le choix du président correspond à un renvoi d’ascenseur pour une personnalité qui aurait contribué à la campagne du candidat. Et les diplomatiques du département d’état ayant passé des décennies à l’étranger se font souvent souffler les places par des personnes n’ayant aucune expérience et connaissant à peine le pays. Tous les présidents pratiquent ce système très particulier avec plus ou moins d’intensité. L’exemple de la Grande-Bretagne est édifiant. Le seul diplomate de carrière ayant servi à Londres est Raymond Seitz, ambassadeur de 1991 à 1994. Sinon, le poste a été occupé par des banquiers, des responsables de compagnies pétrolières, des anciens amiraux, des propriétaires de concessions automobiles, des confidents, des fils de milliardaires.
Les personnes choisies par le président devant être confirmées par le Sénat, cela donne lieu à des échanges pour le moins incongru. Par exemple, lorsque Colleen Bradley Bell, une productrice du soap opera “The Bold and The Beautiful”, avait été désignée par Barack Obama pour être ambassadrice en Hongrie avait été interrogée par John McCain :
MCCAIN: So what would you be doing differently from your predecessor, who obviously had very rocky relations with the present government?
BELL: If confirmed, I look forward to working with the broad range of society —
MCCAIN: My question was, what would you do differently?
BELL: Senator, in terms of what I would do differently from my predecessor, Kounalakis —
MCCAIN: That’s the question.
BELL: Well, what I would like to do when — if confirmed — I would like to work towards engaging civil society in a deeper — in a deeper —
MCCAIN: Obviously, you don’t want to answer my question.
Où encore, lorsque Noah Mamet avait été retenu pour être ambassadeur en Argentine
« Mr. Mamet, have you been to Argentina? » avait alors demander le sénateur Marco Rubio (R-Fla) ;
« Senator, I haven’t had the opportunity yet to be there. I’ve traveled pretty extensively around the world. But I haven’t yet had a chance », avait alors répondu Noah Mamet.
Dans cette pratique très particulière, Joe Biden n’agit pas différemment de ses prédécesseurs même s’il reste assez modéré. A ce jour, 30 % des ambassadeurs qu’il a nommés sont à classer dans cette catégorie (les donateurs), un niveau comparable à celui de Barack Obama ou George W. Bush mais assez largement inférieur à celui de Donald Trump (44 %). Ce dernier n’a jamais fait part de sa défiance, voire de sa paranoïa, du département d’état qu’il considérait comme faisant partie du deep state. Parmi ses premières initiatives, il avait coupé le budget du ministère d’un tiers occasionnant une vague de licenciements et de démission.
Une pratique étonnante pour un pays qui entend maintenir son influence sur la scène mondiale.
A lire
How to Revitalize a Dysfunctional State Department
Ivo H. Daalder and James M. Lindsay Thursday, March 1, 2001