C’est la formule reprise le plus souvent par les médias américains et qui décrit le mieux les résultats de ces élections de mi-mandat. C’est aussi celle reprise par Joe Biden dans son discours du 9 novembre : « While the press and the pundits are predicting a giant red wave, it didn’t happen ». Si le dépouillement des bulletins n’est pas terminé, il semble probable que le parti démocrate devrait garder la très courte majorité au Sénat (50-50) (majorité grâce à l’appui de Kamala Harris qui en tant que présidente du Sénat fait la différence en cas d’égalité des voix) et à limiter les pertes à la Chambre des représentants. Les républicains ne devraient obtenir qu’une très légère majorité (une dizaine de sièges au plus). Une situation qui place le président dans une position moins délicate que ce qui avait été prévu. Il ne s’est pas privé de rappeler ces bons résultats dans son discours :
« While any seat lost is painful, Democrats had a strong night. And we lost fewer seats in the House of Representatives than any Democratic President’s first midterm election in the last 40 years. And we had the best midterms for governors since 1986 ».
D’abord l’organisation des élections d’abord, les Etats-Unis ne donnent pas la même image. On le sait, les élections sont de la responsabilité des Etats qui ne tolèrent pas d’ingérence ni d’interférence du gouvernement fédéral. Depuis mercredi matin, la situation semble totalement bloqué alors qu’il ne reste que quelques bulletins dans deux états : l’Arizona et le Nevada. Au jour de vendredi, il ne reste que quelque 100 000 bulletins à comptabiliser dans le Nevada et 400 000 en Arizona. Comment expliquer que cette tâche prenne autant de temps ? Un délai qui est de nature à semer le doute dans l’esprit des électeurs que ne se manque d’exploiter certains candidats. C’est le cas de Kari Lake, une ex-journaliste local de Fox, sorte de mini-Trump qui a fait campagne sur le Big Lie (les élections de 2020 ont été volées), qui refusait de déclarer qu’elle accepterait le résultat des élections et qui depuis mercredi a discours très équivoque.
Kari Lake sème le doute avant, pendant et après
Maintenant sur le fond. Traditionnellement parti du président perd des sièges à la chambre des représentants (renouvelée tous les deux ans). Et il aurait pu perdre lourdement comme Bill Clinton en 1994 et Barack Obama en 2010. A l’aune de ce critère, Joe Biden n’a pas démérité puisqu’il a réussi à garder la très courte majorité au Sénat et à ne perdre qu’une dizaine de sièges à la chambre des représentants (encore les résultats ne sont pas complètement connus). Une différence qui est surprenant dans la mesure où les indicateurs (approbation du président, du Congrès, satisfaction générale, satisfaction sur la situation économique) sont nettement moins bons pour Joe Biden que pour ces deux prédécesseurs démocrates.
Quelles peuvent être les raisons de cette différence ? Peut-être la situation générale n’est pas aussi catastrophique que ne le répètent à l’envi les républicains reprenant à leur compte la pratique hyperbolique dans leur description de la conjoncture. Ou encore que comme l’avait déploré le chef de la minorité au Sénat Mitch McConnell qu’il y avait un problème de qualité des candidats. Sur ce point, la responsabilité de Donald Trump qui a poussé des candidats plus farfelus et extrémistes les uns que les autres, sans expérience politique, à la condition qu’ils acceptent et perpétuent le Big Lie. Il faut aussi la question de l’IVG avec l’invalidation de l’arrêt Roe v Wade en juin dernier par la Cour Suprême (arrêt Dobbs v. Jackson) que l’on avait un peu oublié et qui a certainement mobilisé les rangs démocrates et même républicains. Pour preuve, les questions référendaires sur ce thème dans différents états qui rappellent que les Américains sont favorables à l’IVG (sous certaines conditions). Il y a peut-être le mauvais souvenir des événements du 6 janvier qui a laissé des traces. Les démocrates et Joe Biden avait mis en garde les Américains que ces élections de mi-mandat étaient aussi un référendum pour la démocratie.
Du côté des gouverneurs et des congrès locaux, l’influence du président est moins importante puisqu’il s’agit d’élections où la dimension locale est prépondérante ce qui n’est nécessairement pas le cas de la chambre des représentants et du Sénat.
Si l’on compare les résultats de Joe Biden et de Donald Trump, les performances du premier sont supérieures. Lorsqu’il a battu Donald Trump en 2020, le parti démocrate a gagné 34 sièges à la Chambre des représentants alors que lorsque Donald Trump a été élu en 2016, le parti républicain a perdu 6 points. Aux élections de mi-mandat de cette année, le part démocrate a perdu 12 sièges, aux élections de mi-mandat de 2018, le parti républicain en a perdu 42. La comparaison est donc nettement à l’avantage du président actuel.
Fidèle à ce qui est devenu une sinistre tradition, Donald Trump a crié victoire en soirée alors même que les résultats n’étaient pas connus, jetant un trouble sur l’intégrité des élections ce qui peut servir en cas de contestation dans les districts où les marges seraient les plus faibles. Mais la réalité est beaucoup moins favorable pour l’ancien président. Dans ces conditions, va-t-il réussir à maintenir le contrôle du parti républicain ou les cadres du parti vont-ils prendre leurs distances et tourner la page ?
Quelques réactions
Donald Trump (en allant voter)
Tim Ryan concède l’élection
Lauren Boebert
Bernie Sanders
Kevin McCarthy vend la peau de l’ours avant de l’avoir tué
Kevin McCarthy a parlé un peu vite et la très courte majorité dont il va disposer à la Chambre des représentants met en péril son élection en tant que Speaker. Les membres du Freedom Caucus ne vont pas lui faciliter la tâche.