Le titre de cet article est beaucoup trop académique. Il faudrait plutôt écrire règlement de compte à OK Corral entre la nouvelle ligne professionnelle LIV, appuyée sur des fonds saoudiennes et manipulée par Donald Trump, et la ligue historique PGA. Ce week-end se tiendra une étape du championnat de golf de la nouvelle ligue LIV sur le terrain de Bedminster (New Jersey) qui appartient à Donald Trump.
En début d’année, la nouvelle ligue de golf professionnelle soutenue par l’Arabie saoudite, LIV Golf, a dépensé des fortunes pour recruter des joueurs et rivaliser avec le P.G.A, la ligue établie depuis 1916 et qui organise les grandes compétitions. La nouvelle Ligue a conclu un accord avec Donald Trump pour organiser deux de ses tournois sur des terrains qu’il possède. Le second tournoi est prévu au Trump National Doral Miami en octobre prochain. Les conditions financières de cet arrangement n’ont pas été divulguées, mais l’organisation des événements LIV aidera certainement à renforcer les finances des parcours de golf de Donald Trump.
La famille Trump – Donald et son gendre Jared – ont bien fait fructifier leur passage à la Maison Blanche avec les Saoudiens. L’année dernière, le Fonds d’investissement public d’Arabie Saoudite, dirigé par Mohammed ben Salmane (M.B.S), a accepté d’investir deux milliards de dollars dans un fonds de capital-investissement naissant que Jared Kushner était en train de créer. Les Saoudiens avaient rejeté les objections de certains de leurs conseillers concernant la société de Kushner et son manque d’expérience.
Depuis l’achat du parcours de Bedminster en 2002, Donald Trump a beaucoup investi pour le rendre digne d’organiser l’un des quatre championnats majeurs de golf. Mais en janvier 2020, après l’attaque du Capitole, la P.G.A. of America, qui représente les professionnels du club et est distincte du P.G.A. Tour, a annulé le championnat P.G.A. 2022 de Bedminster pour le transférer à Southern Hills, dans l’Oklahoma qui n’appartient à l’ancien président. Dès lors, Donald Trump devait ronger son frein et préparer sa vengeance.
Accueillir un match d’exhibition, le troisième des huit tournois que LIV Golf organise cette année, ne se compare pas à l’organisation d’un « majeur » comme le P.G.A. Championship ou le British Open, qui a fourni une fin palpitante à St. Andrews dimanche. Mais, en plus de remplir le portefeuille de l’ancien président, le tournoi de Bedminster augmentera la pression sur le P.G.A. Tour, sous la pression du défi saoudien qui bénéficie de l’ancien champion Greg Norman.
LIV n’a jusqu’à présent pas réussi à obtenir un contrat de télévision américain, et avec ses deux premiers tournois – à Londres et Portland (Oregon) – n’a pas attiré grand monde. D’où la tentation de conclure que l’association M.B.S.-Norman-Trump est voué à échouer. Mais il faut rester prudent tant les fonds saoudiens peuvent changer la donner. Dans les sports professionnels, l’argent prévaut généralement. Et, avec un budget que l’on évalue à deux milliards de dollars, les promoteurs de LIV semblent déterminés à absorber les pertes financières et à balayer la structure existante du golf, qui est dominée par le P.G.A., une organisation à but non lucratif basée à Ponte Vedra Beach, en Floride.
Les sommes qu’ils offrent aux joueurs pour signer des contrats à long terme avec LIV sont inédites dans ce sport pourtant réputé à brasser des sommes considérables. Phil Mickelson et Dustin Johnson auraient reçu plus de cent millions de dollars chacun. Jusqu’à présent, la plupart des joueurs les mieux classés ont repoussé les supplications saoudiennes et sont restés avec le P.G.A. Tour. Les loyalistes comprennent Rory McIlroy, Justin Thomas, Jordan Spieth et Scottie Scheffler. Beaucoup de transfuges sont des joueurs plus âgés qui semblent considérer LIV comme un régime de retraite lucratif. Mais LIV n’a pas dit son dernier mot. Le mois dernier, ils ont recruté trois jeunes stars américaines : Bryson DeChambeau, Patrick Reed et Brooks Koepka. Et d’autres pourraient aussi sauter le pas.
Comme le G.O.P. que Trump a conquis, le P.G.A. Tour et son homologue européen, le D.P. World Tour, semblent mal préparés à faire face à une attaque d’hommes sans foi ni loi, surtout lorsqu’ils ont accès à un chéquier saoudien. Le mois dernier, le P.G.A. Tour a annoncé qu’il interdirait aux joueurs ayant participé aux événements LIV de tout événement qu’il organise, y compris la Coupe FedEx de fin de saison, mais il n’est pas clair si cette décision résistera à un examen juridique. Norman a qualifié l’interdiction d’« anticoncurrentielle », et le P.G.A. Tour a confirmé que le ministère de la Justice enquêtait sur elle pour de possibles violations antitrust.
Le P.G.A. Tour a également pris des mesures pour augmenter les prix. Mais Jay Monahan, le commissaire du P.G.A. Tour, a publiquement admis que son organisation ne peut pas rivaliser avec LIV Golf en termes financiers, pas plus que d’autres circuits à travers le monde. Lorsque Smith a réalisé un score de 64 dimanche pour arracher le British Open à McIlroy, il a reçu un premier prix de 2,5 millions de dollars. Un peu plus tôt ce mois-ci, lorsque le Sud-Africain Branden Grace a remporté un événement LIV sans nomà Portland, le premier organisé sur le sol américain, il a remporté un premier prix de quatre millions de dollars, plus trois cent soixante-quinze mille dollars en tant que membre d’une équipe qui a terminé deuxième.
La tenue de ce tournoi à Bedminster a suscité des protestations des familles du 11/9. Phil Mickelson et Dustin Johnson les familles de certaines victimes du 11/9 ont envoyé une lettre à Donald Trump au sujet de sa décision d’organiser un tournoi de golf professionnel parrainé par le gouvernement saoudien la semaine prochaine sur son terrain de golf à Bedminster, dans le New Jersey. « Il est incompréhensible pour nous qu’un ancien président des États-Unis sacrifie le souvenir de nos proches pour un gain financier personnel » écrivaient-ils. « Nous espérons que vous reconsidérerez votre relation d’affaires avec la ligue de golf saoudienne et que vous accepterez de nous rencontrer. »
Le groupe de familles, qui s’appelle 9/11 Justice, intente depuis des années un procès qui prétend que le gouvernement saoudien était complice des attaques terroristes contre le World Trade Center et le Pentagone. Donald Trump a répondu par une fin de non-recevoir. Par ailleurs, il a publié un court message sur le fil de son réseau social expliquant (menaçant) aux joueurs qu’ils feraient bien de considérer les offres qui leur sont faites maintenant et de prendre l’argent… avant qu’il ne soit trop tard.
Bref, quel que soit le domaine dans lequel intervient l’ancien président, les méthodes employées se rapprochent plus de la mafia que de celles d’un homme d’affaire. Et même lorsqu’il joue au golf, c’est-à-dire très souvent, il ne peut s’empêcher de tricher. C’est ce qu’explique Rick Reilly dans son livre “Commander Cheat How Golf Explains Trump”.