Plus jamais ça d’un côté ou plus c’est différent, plus c’est pareil de l’autre. Telles sont les deux types de commentaires qui l’on a entendu au fur et à mesure du déroulement de la crise financière. Malheureusement, les événements montreraient plutôt que l’on pencherait pour la seconde formule.
On a appris récemment dans un article publié par le New York Times que la banque Goldman Sachs avait aidé le gouvernement grec à maquiller un état d’endettement catastrophique.
Lehman Brothers a été rayé de la carte en un jour, le 15 septembre 2008, date qui est habituellement utilisée pour le début de la crise financière, George W. Bush ayant tout simplement décidé de ne pas la sauver faisant ainsi mentir l’adage selon lequel « Too big to fail ». A l’inverse, Goldman Sachs a fait partie des heureux élus ayant été soutenus par le plan TARP et reçu 10 milliards de dollars. La banque a voulu rembourser au plus vite ne souhaitant pas se voir dicter ce qu’elle devait faire par le président Obama.
L’histoire grecque est la combinaison de la turpitude d’un gouvernement corrompu et l’insatiable appétit des institutions financières. L’information a été révélée il y a quelques jours seulement alors que les pratiques remontent à 2001.
L’objectif de la Grèce était simple : pouvoir entrer dans la zone euro et donc être en mesure de satisfaire aux critères de stabilité, notamment :
– Déficit public annuel: le rapport entre le déficit public annuel et le produit intérieur brut (PIB) ne doit pas dépasser 3 % à la fin du précédent exercice budgétaire. Si ce n’est pas le cas, ce rapport doit avoir diminué de manière substantielle et constante, et avoir atteint un niveau proche de 3 % ou, alternativement, rester proche de 3 % tout en dépassant de manière exceptionnelle et temporaire;
– Dette publique: le rapport entre la dette publique brute et le PIB ne doit pas dépasser 60 % à la fin du précédent exercice budgétaire. Si ce n’est pas le cas, ce rapport doit avoir diminué suffisamment et s’approcher des 60 % à un rythme satisfaisant.
(Source : synthèse de la législation de l’UE)
A noter au passage que la France, elle aussi, est largement sortie des clous
Selon l’INSEE, La dette publique, « au sens de Maastricht » a été évaluée pour la fin du troisième trimestre 2009 à 1 457 milliards d’euros, soit environ 75,8 % du PIB. De son côté, le déficit public français a atteint 7,9 % du produit intérieur brut (PIB) en 2009. (Mais tout va bien, dormez bonnes gens, nos dirigeants veillent au grain !). On peut se rassurer, car l’état de la Grèce est bien pire : Le déficit en 2009 était de 12,7 % du PIB tandis que la dette publique atteignait le sommet de 113,4 % du PIB. Aucun rapport avec la France !
Comment faire ? Faire appel aux techniques financières les plus sophistiquées qui ont été largement utilisées pour la crise financière.
Techniquement (sans rentrer dans le détail ce dont je serai bien incapable), il s’agissait de transformer cette dette en ventes et non en prêts, ce qui la faisait sortir des comptes. Mais cela revient tout simplement à transférer la dette présente vers le futur en espérant que les dieux (ce n’est pas ce qui manquent dans leur mythologie…) règlent les choses.
Pour satisfaire les critères de la zone euro, le gouvernement grec avait plusieurs solutions possibles : réduire son train de vie, augmenter les impôts ou s’attaquer à l’économie souterraine qui constitue un manque à gagner considérable dans la collecte fiscale. Ces trois actions n’étant pas exclusives. La technique bien connue des financiers est connue sous le nom de swap.
Pour ces opérations, le gouvernement grec à fait largement appel à sa mythologie en utilisant le nom de différents dieux pour les baptiser.
Créer en 2001, Eole a permis de réduire artificiellement la dette en cédant les revenus à venir des taxes d’aéroport contre du cash. Créée un an plus tôt, Ariane aurait autorisé une opération similaire sur les revenus de la loterie nationale. Ces transactions étaient comptabilisées comme des « ventes » et non comme des emprunts.
Certes Goldman Sachs n’a rien fait d’illégal, tout comme les banques américaines qui consentaient des prêts dits subprimes… Mais comment ne pas penser que de telles manipulations conduiraient le gouvernement grec dans le mur et du même coup secoueraient fortement la zone euro. Lorsque le gouvernement grec a pris la décision difficile d’arrêter ces combinaisons et donc de cesser d’utiliser les services de Goldman Sachs, la banque américaine avait touché 300 millions de dollars en honoraires. Et que dire des banques qui profitant de la situation pour spéculer et proposer des prêts usuriers au gouvernement grec déjà au bord du précipice.
I have seen America’s future, and it is Greece, écrivait récemment Anne Appelbaum, une chroniqueuse du Washington Post. Espérons qu’elle se trompe et que ce futur ne soit pas plus européen.