Plus de 5000 délégués du parti républicain ont participé, pour la première fois en présentiel depuis 2018, à une convention au cours de laquelle ils ont adopté une plate-forme (Report of the Permanent 2022 Platform & Resolutions Committee) dont la lecture montre le chemin parcouru par ce parti ces dernières années, avec Donald Trump comme influence principale. La liste des résolutions adoptées (dont certaines laissent pantois) préfigure-t-elle du futur du parti républicain ou est-elle juste un épiphénomène ?
Alors que la commission du 6 janvier effectue ses auditions publiques qui accablent sans aucune ambiguïté l’ex-président, cette convention considère que Joe Biden « was not legitimately elected ». On pourrait considérer ça comme une véritable provocation mais c’est le sentiment partagé encore par une bonne partie des républicains qui ont succombé au lavage de cerveau entretenu par Donald Trump depuis deux ans, avant, pendant et après les élections. Si le GOP du Texas est l’avenir du GOP, l’avenir des Etats-Unis est assez sombre d’autant que ses chances de gagner les élections de mi-mandat et de 2024 sont loin d’être négligeables. Cette convention a également réprimandé John Cornyn, sénateur du Texas, pour participer aux discussions avec les démocrates sur une réforme de la vente des armes à feu. Même si ces réformes qui ont tant de mal à voir le jour reste bien modestes. Par exemple, la question de savoir s’il faut élever l’âge requis de 18 à 21 ans pour acquérir une arme semi-automatique. Le sénateur qui a essayé de défendre le bien-fondé de cette législation s’est fait huer par la salle. Les républicains texans ont fait valoir l’idée qu’un jeune de 18 ans était celui « qui avait le plus besoin de se défendre et d’acheter des armes en cas d’émeutes ».
Maintenant la lecture de la plate-forme (Report of the Permanent 2022 Platform & Resolutions Committee) montre à quelle point le parti républicain a dérivé vers l’extrême-droite et le populisme (de droite). C’est là un document véritablement réactionnaire au sens propre du terme qui remet en cause des acquis, des avancées ou des réglementations datant de plus de 50 ans. C’est le cas par exemple de l’amendement Johnson qui date de 1954, il y a près de 70 ans.
Déjà le préambule ne peut que surprendre : « Affirming our belief in God, we still hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty, and the Pursuit of Happiness. Throughout the world, people dare to dream of freedom and opportunity.
The Republican Party of Texas unequivocally defends that dream. We strive to preserve the freedom given to us by God, implemented by our Founding Fathers, and embodied in the Constitution. We recognize that human nature is immutable. We further recognize that the traditional family is the strength of our nation. It is our solemn duty to protect innocent life and develop responsible citizens. We understand that our economic success depends upon free market principles. If we fail to maintain our sovereignty, we risk losing the freedom to live these ideals ».
On le voit ce court préambule (moins de 150 mots) fait largement référence à la Constitution des Etats-Unis mais il mentionne aussi Dieu à deux reprises et Creator à une reprise. Alors même que les Pères fondateurs n’ont pas mentionné ces deux mots. Et la religion n’y tient pas une grande place, seule l’article VI y fait référence pour préciser les limites à tenir.
The Senators and Representatives before mentioned, and the Members of the several State Legislatures, and all executive and judicial Officers, both of the United States and of the several States, shall be bound by Oath or Affirmation, to support this Constitution; but no religious Test shall ever be required as a Qualification to any Office or public Trust under the United States.
Et si cela ne suffit pas, ils reviennent encore au début de l’énumération des principes en mentionnant « The laws of nature and nature’s God » et « The sanctity of innocent human life, created in the image of God ».
Ci-dessous quelques points de ce document de 40 pages.
Constitutional Issues
Ensuite sur les sujets constitutionnels, dans le chapitre des droits civiques, la Convention du Texas considère que le National Popular Vote Interstate Compact (une méthode simple qui au lieu d’attribuer les voix des grands électeurs au candidat qui a remporté l’Etat (selon la règle du Winner Takes All), les approprie au candidat qui a remporté le plus de voix au niveau national) est inconstitutionnel. C’est évidemment là une lecture partisane car la Constitution ne dit rien sur l’affectation des grands électeurs. Par ailleurs, les Américains sont favorables à remettre en cause le système des Grands électeurs tel qu’il est défini aujourd’hui (Les Américains souhaitent supprimer le Collège électoral). Mais c’est en fait le seul système qui permettra aux Républicains de gagner les élections à venir. Rappelons qu’ils avaient perdu le vote populaire aux deux dernières élections. Et que malgré cette défaite sur les deux fronts aux élections de 2020, vote populaire et Grands électeurs, ils en contestent le résultat.
Toujours dans le chapitre des droits civiques, on peut lire : « We support prayer, the Bible, and the Ten Commandments being returned to our schools, courthouses, and other government buildings ». L’influence des évangéliques se fait donc entendre. Ils sont très présents au Texas où les megachurchs y sont nombreuses. Il y a aussi le chiffon du Deuxième amendement qui défend le droit de posséder des armes sans limites.
State Sovereignty
Le Texas a une place particulière dans l’histoire des Etats-Unis. En tous, il revendique avec force son indépendance du gouvernement fédéral. La plate-forme appelle à une législation pour abolir l’avortement – pour les conventionnels, la personne existe dès la fertilisation – « because abortion violates the US Constitution by denying such persons the equal protection of the law ».
Business, Commerce and Transportation
« We urge that the Texas Legislature pass legislation to harden the Texas Electric Grid » : on ne peut que louer cette proposition quand on se souvient de l’épisode cet hiver. Rappelons que le réseau électrique est indépendant des deux grands réseaux couvrant le pays.
Les conventionnels s’opposent à tout effort pour classer le dioxyde de carbone comme polluant. Bref, le dérèglement climatique n’existe pas. De manière assez contradictoire, le point 42 s’oppose à toute politique environnementale qui réglementerait le fonctionnement des entreprises alors que le point 43 supporte toutes les études sur les catastrophes naturelles.
Retirement, Savings, Unions
Pas de droit à la négociation collective pour les syndicats et privatisation du système de retraites (Social Security)
Transportation
Les conventionnels s’opposent assez logiquement aux plans infrastructure et Green Energy de Joe Biden même s’ils sont d’accords à récolter les subventions prévues dans la loi sur les infrastructures.
School Finance and Proprety Taxation
« Any large city or county that cuts its police budget by more than 10 percent should be required to cut its property tax revenue by the same or greater percentage ». Un récent rapport du think tank Third Way constate que les villes dirigées par les démocrates n’ont pas définancé leurs forces de police. C’est exactement le contraire qui s’est produit, au point de devancer les villes dirigées par les républicains en matière de budget pour la police par habitant.
Education
La mesure la plus spectaculaire est la suppression du Ministère de l’éducation « Since education is not an enumerated power of the federal government ». Rappelons que Ronald Reagan avait lui aussi tenté de le faire. Le ministère de l’Éducation américain n’a rien à voir avec son équivalent français. C’est un petit ministère de 4000 fonctionnaires aux attributions très réduites et qui ne finance que 8 % du budget de l’école contre 83 % au niveau local et à celui de l’état.
« We oppose any attempt to regulate homeschooling or the curriculum of private or religious schools ».
« We demand the State Legislature pass a law prohibiting the teaching of sex566
education, sexual health, or sexual choice or identity in any public school in any grade whatsoever, or disseminating or permitting the dissemination by any party of any material regarding the same. »
« We reject Critical Race Theory as a post-Marxist ideology that seeks to undermine the system of law and order itself and to reduce individuals to their group identity alone »
Government-funded Health Programs
« We support the abolition of all federal welfare programs, as they are not an appropriate role of the federal government ». Avec comme objectif de supprimer les programmes notamment Medicaid, Medicaid et l’Obamacare.
Le plus surprenant est sans doute la position de la plate-forme sur l’homosexualité : « Homosexuality is an abnormal lifestyle choice. We believe there should be no800
granting of special legal entitlements or creation of special status for homosexual behavior, regardless of state of origin, and we oppose any criminal or civil penalties against those who oppose homosexuality out of faith, conviction, or belief in traditional values ».
On a l’impression de revenir plus de 50 ans en arrière. Une prise de position qu’on n’aurait jamais imaginée possible en 2022. En 1952, l’Association américaine de psychiatrie répertoriait encore l’homosexualité comme trouble de personnalité sociopathe. En 1974, elle est encore diagnostiquée comme une perturbation de l’orientation sexuelle pour évoluer en trouble de l’identité de genre.
« We call for an addition to the Texas Bill of Rights that explicitly states that Texans have the natural, inalienable right to refuse vaccination or other medical treatment ». Rien de surprenant dans cette position dans un état où le gouverneur n’a pas cessé de critiquer la politique fédérale et d’y mettre des bâtons dans les roues.
Criminal Justice
« We believe religious institutions have the freedom to recognize and perform only 1056 those marriages that are consistent with their doctrine. » Il faut comprendre que les institutions qui ne reconnaîtraient pas le mariage pour tous auraient tout à fait le droit.
Individual Rights and Freedom
« As America is “one nation under God,” founded on Judeo-Christian principles, we affirm the constitutional right of all individuals to worship as they choose. We strongly believe in Religious Freedom and Freedom of Speech. Therefore, we demand:
The repeal of the Johnson Amendment, which assaults the free speech of pastors and religious organizations.
L’amendement Johnson est une disposition du code fiscal américain, depuis 1954, qui interdit à toutes les organisations à but non lucratif 501 (c) (3) de soutenir ou de s’opposer à des candidats politiques. Les organisations de la section 501 (c) (3) sont le type d’organisation à but non lucratif le plus courant aux États-Unis, allant des fondations caritatives aux universités et aux églises. Ironie de cette histoire, Johnson est un enfant du pays, sénateur puis président.
Cette fondation du pays « as one nation under God » n’est pas du tout l’esprit de la Constitution des Etats-Unis.
Family and Gender Issues
« We affirm God’s biblical design for marriage and sexual behavior between one biological man and one biological woman, which has proven to be the foundation for all great nations in Western civilization. We oppose homosexual marriage, regardless of state of origin. We urge the Texas Legislature to pass religious liberty protections for individuals, businesses, and government officials who believe marriage is between one man and one woman. We oppose the granting of special legal entitlements or creation of special status for sexual behavior or identity, regardless of state of origin. We oppose any criminal or civil penalties against those who oppose non-traditional sexual behavior out of faith, conviction, or belief in traditional values. »
C’est cohérent avec l’idée que l’homosexualité est une déviation. Finalement les républicains texans sont plus proches de Vladimir Poutine que des valeurs américaines.
Pro-Life Issues
« Pro-Life: Until the abolition of abortion is achieved, we support laws that restrict and regulate abortion »
Pour ces républicains texans, il ne fait donc aucun doute que le droit à l’avortement va être supprimé par la Cour Suprême. La décision devrait rendue dans les semaines qui viennent.