A peine la tuerie d’Ulvalde terminée, pas loin de San Antonio, la National Riffle Association (NRA) tenait sa convention annuelle au George R. Brown Convention center de Houston. Au lieu d’un travail de réflexion salutaire, la NRA persiste et signe : il faut armer plus, toujours, les écoles, les supermarchés, les lieux de rencontre en général et surtout ne pas voter de lois qui pourraient, même très modérément, rendre difficile la vente d’armes à feu. « Ce ne sont pas les armes qui tuent, mais les gens », assène la NRA.
L’autre message est répété à l’envi : « pour arrêter un « bad guy with a gun », il faut un « good guy with a guy ». Dans son intervention à la Convention, Donald Trump qui soutient la NRA, comme le pendu soutient la corde, a ajouté le fait que si les honnêtes étaient prêts à abandonner leurs armes, les voyous, eux, les garderaient. Argument un peu bizarre car on pourrait l’appliquer à toutes réglementations : A quoi bon voter des lois puisque seuls les bons Américains les respecteront. Dans sa réponse à Joe Biden qui est intervenu le 1er juin sur le sujet (Remarks by President Biden on Gun Violence in America), la NRA réitère la soi-disant inviolabilité du deuxième amendement et ajoute un nouvel argument : « more than a million law-abiding Americans use firearms in self-defense every year, most without ever firing a shot ». Donc quelques tués par an en comparaison d’un million d’Américains sauvés chaque année ne pèsent pas lourds. Mais on ne sait pas d’où sort cette statistique. « The price of freedom », selon l’expression de Bill O’Reilly après le massage du Mandalay Bay de Las Vegas en 2017.
La situation d’aujourd’hui où les républicains bloquent toute réforme, même modeste, s’est faite en plusieurs étapes dans lesquelles la NRA a joué un rôle majeur. Créée en 1872, la NRA avait pour objectif la promotion d’un sport d’élite venu d’Angleterre. Dans les années 1920, le tir était devenu un sport populaire. C’était un sport olympique dès les J.O. d’Athènes en 1986. D’ailleurs, es Etats-Unis sont le pays qui détient de loi le plus de médailles olympiques, devant la Chine et la Russie (sous le nom de l’URSS).
A partir des années 1970, la NRA s’est éloigné de l’activité sportive pour venir sur le terrain du contrôle des armes à feu. En partie en réaction à la loi du Gun Control Act de 1968 qu’elle avait pourtant soutenue. En 1975, la NRA formait un comité d’action politique (Political Action Comittee) et en 1977, lors de la conférence de Cincinnati (Revolt at Cincinnati) elle s’engageait définitivement sur la liberté de la vente des armes à feu et allait définitivement d’aligner avec les républicains. Elle est aujourd’hui un des plus gros financeurs du parti de l’éléphant.
Après la tentative d’assassinat de Ronald Reagan, Chuck Schumer avait introduit le projet de loi Brady Handgun Violence Prevention Act connue sous le nom Brady Bill. Loi qui fut votée en 1993 mais contre laquelle la NRA finança des procès dans neuf états pour la faire tomber.
Parallèlement, est arrivé la réinterprétation du deuxième Amendement : « A well regulated militia, being necessary for the security of a free state, the right of the people to keep and bear arms, shall not be infringed ». Jusque dans les années 1960, tous les articles de juristes concluait que le deuxième amendement n’avait pas été écrit pour garantir les droits des individus à détenir des armes. Puis peu à peu, le changement s’est opéré et l’interprétation fut totalement inversé.
En 1997, l’arrêt de la Cour Suprême Printz v. United States déclara la loi Brady en partie inconstitutionnel.
Mais l’organisation ne s’est pas arrêtée en si bon chemin dans son opération de lobbying. L’industrie des armes à feu s’est aussi largement impliqué dans cette guerre culturelle. Jusque dans les années 2006, la National Shooting Sports Foundation (NSSF) avait une certaine retenue à la fois au niveau du langage et de la promotion des armes, explique Ryan Busse qui vient de publier Gunfight: My Battle Against the Industry that Radicalized America. L’auteur n’est pas un gauchiste radical mais plutôt un converti. Il a grandi dans une ferme du Kansas et a ensuite passé une bonne partie de sa carrière dans le secteur. Mais il a opéré une conversion en 2020 à la suite des discours extrémistes de la NRA. L’autre moment qui a musclé le lobby des armes à feu est le moment où Barack Obama a remporté la primaire démocrate avec une bonne chance d’être élu président des États-Unis. Avec des fake news du type « Barack Obama va réécrire la Constitution ». Républicains, NRA et industries des armes à feu marchent désormais main dans la main et se renforcent mutuellement. Avec comme objectif de libéraliser complètement la vente des armes à feu. A l’occasion de la conférence de Las Vegas, elle a publié un communiqué où elle se vante d’avoir œuvré à cette cause en se félicitant que la Géorgie était le 25e état à avoir adopté le Constitutional Carry, autorisant à détenir une arme sans avoir un permis.
Depuis 1997, les ventes d’armes ont explosé passant de 4 millions par an à 25 millions aujourd’hui.
Pour ceux qui ont la patience…
Trump and Cruz speak at NRA convention days after school shooting
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