On a coutume de dire que ce qui se passe aux États-Unis arrive quelque temps plus tard de ce côté-ci de l’Atlantique. Avec l’accélération du temps, le délai pour que traverse le bon et le moins bon semble se réduire de plus en plus à l’instar des films américains qui sont désormais disponibles simultanément des deux côtés de l’Atlantique. La mise en question du résultat des élections, pilier de la démocratie, ne semble pas y faire exception.
Quelques mois avant les élections de 2020, Donald Trump a commencé à préparer le terrain en affirmant qu’il gagnerait les élections et que s’il ne les gagnait pas c’est tout simplement qu’il y aurait des fraudes. Le 3 novembre, jour de l’élection, les premiers résultats lui était favorables de telle sorte que dans la soirée, il a réuni ses proches à la Maison Blanche pour déclarer à la nation tout entière qu’il avait gagné, alors même que le décompte n’était pas terminé, loin de là. Un peu comme si en France, un candidat affirmait sortir victorieux à 19h alors même que les bureaux des grandes villes n’étaient pas encore fermés. Et puis, le décompte des votes par correspondance a été prise en compte changeant complètement le résultat. Et le vendredi suivant, comme c’est la tradition, les chaînes de TV, CNN, Fox News en tête, annonçaient le résultat : Joe Biden était élu 46e président des États-Unis.
Donald Trump et son entourage ont alors lancé une vague de contestation et de recours sur tous les états pouvant faire basculer l’élection, tout en commençant à échafauder un plan pour changer les résultats. Avec comme point d’orgue, la journée du 6 janvier 2021, où une horde de quasi terroristes répondaient à l’appel de leur chef en attaquant le Congrès pour stopper la certification des votes des grands électeurs. La tentative échoua mais de peu. Les institutions ont tenu se rassuraient les optimistes, c’est une répétition de ce qui pourra arriver en 2024 les pessimistes.
S’en est suivi une procédure d’impeachment lancée par la Chambre des représentants qui a échoué devant la couardise des sénateurs républicains.
Depuis cette date, il y plus de 15 mois, Donald Trump n’a eu de cesse de répéter que les élections de 2020 étaient frauduleuses, que Joe Biden était illégitime et que lui, Donald Trump, était le vrai président. Il s’était déjà essayé à l’exercice pendant plusieurs années prétendant que Barack Obama n’était pas né aux États-Unis et donc ne pouvait être élu président des États-Unis. C’était ce que l’on avait appelé le président des birthers.
N’est-ce pas ce qui arrive aux dernières élections françaises dans une version certes light mais qui n’est pas sans points communs ? Dimanche 24 avril à 20 heures, le jugement tombe : Emmanuel Macron est élu avec une majorité certes moins importante qu’en 2017, mais tout de même assez confortable : 58,5 % contre 41,5 % pour son opposante Marine Le Pen. C’est la 8e fois qu’une défaite électorale est associée au nom de Le Pen, s’est empressé de déclarer Éric Zemmour, son concurrent direct, comme pour se dédouaner de lui donner son soutien pour le second tour. De son côté, Jean-Luc Mélenchon passait tout près du deuxième tour et semblait avoir du mal à le digérer. Du coup, il fallait trouver des arguments pour minimiser le résultat et lui ôter autant que faire se peut de la légitimité. A peine étaient connus les résultats que le leader de La France Insoumise engageait le troisième tour, pas dans la rue, c’est peut-être pour plus tard, mais dans le cadre des élections législatives.
Et il déroulait ensuite l’artillerie lourde pour délégitimer autant que faire se peut l’élection du président en affirmant 20 minutes après le résultat qu’il était le président le plus mal élu de la 5e république qui « surnage dans un océan d’abstention, de bulletins blancs et nuls ».
Emmanuel Macron a recueilli 58,54 % des votes exprimés, un boulevard si l’on compare au 51,3% obtenu par Joe Biden (rappelons qu’il n’y a qu’un tour aux élections américaines). Donald Trump a donc fait mieux que Marine Le Pen, 46,8 % des suffrages exprimés contre 41,46 % pour la candidate française. Les candidats résiduels – présents dans certains états ou hors des deux grands partis – ont recueilli près de 3 millions de voix soit 1,79% des suffrages exprimés.
Le taux d’abstention en France s’est élevé à 28,01% auxquels il faut ajouter les votes blancs (4,6 %) et nuls (1,6 %), soit un peu plus de 34 % des bulletins qui n’ont pas été comptabilisés contre 33 % aux Etats-Unis. De telle sorte qu’avec ses 18,7 millions de voix n’a obtenu que 38,52 % des inscrits (48,7 millions d’inscrits sur les listes électorales). De son côté, Marine Le Pen a obtenu 27,28 % des inscrits, un peu moins donc que les 28 % des abstentionnistes, deuxième parti de France.
Emmanuel Macron, le président le plus mal élu ? Au-delà de délégitimer le président élu, l’affirmation est factuellement fausse. En 1969, après les événements de mai 68, Georges Pompidou a été élu avec 37,50 % des inscrits. Mais Jean-Luc Mélenchon n’est pas à ça près. Et comme le président n’est pas légitime, il appelle à ce qu’on l’élise Premier ministre. Une formulation rapide puisqu’il s’agit en fait de lui donner une majorité aux élections législatives de telle sorte que le président soit « quasiment obligé » de le nommer Premier ministre. Au premier tour, il avait recueilli 21,95 % des suffrages exprimés (34,6 millions) et 16 % des inscrits.
Mais au jeu de la délégitimation des élections, Jean-Luc Mélenchon est largement battu par Nicolas Dupont-Aignan qui avant les élections affirmait déjà qu’elles étaient truquées. Bref, élections, piège à cons !
Les raisons de l’abstention aux élections américaines de 2020
not being registered to vote (29%)
not being interested in politics (23%)
not liking the candidates (20%)
a feeling their vote wouldn’t have made a difference (16%)
being undecided on whom to vote for (10%)
(Source : Ipsos)