J’ai visité Twitter en novembre 2007 à San Francisco. La société n’était alors qu’une petite start-up d’une vingtaine de personnes et son projet n’était pas encore très clair. Jack Dorsey, alors jeune CEO de la société, avait en fait lancé un projet de répartir des appels (taxis, ambulances…) dans la ville de San Francisco qui s’est assez rapidement transformé en un outil d’échanges de messages. La terminologie n’était pas encore stabilisée : social network, microblogging, text messaging… Si techniquement le concept était relativement simple, le business model – en gros comment gagner de l’argent – n’était pas clair : nouer des partenariats avec les médias, les opérateurs télécoms, développer la publicité… Mais un élément était clair dans son esprit, Twitter était une plate-forme et non un média et à ce titre ne devait pas être régulé à ce titre-là.
A titre personnel, je n’avais pas envisagé qu’un tel outil puisse devenir ce qu’il est aujourd’hui et je n’ai pas beaucoup d’intérêt à ce projet. Lourde erreur tant le réseau social aujourd’hui est devenu une sorte de foire d’empoigne mondiale où s’échange des idées mais aussi des insultes, des menaces, des intimidations, des invectives… Bref, ce qu’il y a de meilleur mais aussi de pire dans les relations humaines que les 140 signes portés à 280 signes réduisent souvent à leur plus simple expression et les transforment en caricatures.
Lors des mouvements du printemps arabes, on s’était loué de l’utilisation de Twitter comme moyen de libération des masses populaires. Mais plus tard, il y a eu des retours de bâton. L’influence russe dans les élections de plusieurs pays occidentaux s’est notamment emparé du réseau social. Donald Trump l’a efficacement utilisé aussi à son profit avec les excès que l’on sait qui l’ont conduit à en être éjecté. Tout comme nombre de républicains MAGA qui soutiennent mordicus que les élections de 2020 ont été frauduleuses et que Donald Trump est le président légitime. Les supporters ont crié à la chasse aux sorcières et à une atteinte contre le premier amendement qui fait du free speech un élément cardinal de la société américaine. D’autres ont considéré que c’était là une action justifiée car l’auteur répétait mensonge après mensonge. Un troisième tiers n’avaient pas d’avis arrêté sur la question.
Tout cela est donc à ranger dans la bibliothèque des souvenirs puisqu’un seul homme, Elon Musk, va pouvoir décider ce qu’il veut après avoir racheter le réseau social (Elon Musk en passe de racheter Twitter ?). Il est très possible qu’il réintègre l’ex-président et tous ses affidés qui vont pouvoir à nouveau publier leurs messages les plus fantaisistes que les autres (Même si, Kara Swisher qui a interviewé Elon Musk une douzaine de fois, il n’aime pas Donald Trump ; You Can’t Pin Him Down’ Kara Swisher knows Elon Musk and says judging him by tweets alone is a mistake). C’est le sens de l’un de ses derniers tweets dans lequel il indique que l’idée de Free speech signifie seulement respecter la loi. Un effet collatéral dont on pourrait se réjouir est que la réintégration de Donald Trump va tuer True Social, déjà bien mal en point quelques semaines après son lancement. Des millions de dollars investis à perte.
Plus généralement, Elon Musk pourrait alléger la politique de modération des contenus beaucoup plus souple, notamment sur en matière de violence, de discours haineux, fausses informations, complotisme… Mais n’est-il pas du ressort du politique de réguler les plates-formes plutôt que de laisser les entreprises faire leur propre police, ce qui n’est en général ni très bon ni très efficace. La balle est donc au Congrès qui va devoir un jour ou l’autre s’attacher à cette tâche. Une chose est sûre, Elon Musk ne s’est jamais retenu dans son utilisation de Twitter et devrait continuer dans ce sens.
…Who (Elon Musk) is about to become the proud new owner of . . . an embarrassing, grotesque, vicious, money-losing social-media company that he has for some unfathomable reason agreed to pay $44 billion for
Kevin D. Williamson, National Review
Un des problèmes auquel Elon Musk va être confronté est la rentabilité de l’entreprise qu’il vient de racheter. Les deux années Covid (2020, 2021) n’ont pas été très favorables contrairement à nombre d’entreprises du numérique, notamment les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). En 2020, twitter a perdu 1,1 milliard de dollars sur un chiffre d’affaires de 3,7 milliards. En 2021, il faut noter une certaine amélioration même si elle reste dans le rouge : 221 M$ de pertes sur un CA de 5Mds$. Payer 44 milliards de dollars pour une entreprise en difficultés, face à une concurrence dynamique (Snapchat, TikTok, Instagram…).
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