Indiscutablement, l’élection de Barack Obama a eu un impact très positif et génère un vent d’optimisme très important sur la communauté noire des Etats-Unis. C’est ce que montre la dernière enquête réalisée par le Pew Research Center. Et cette amélioration touche à de nombreux domaines : les relations entre les races, les relations dans les communautés locales et les attentes futures. Certes, l’amélioration avait commencé avec l’arrivée d’Obama à la Maison Blanche, mais elle a été largement confortée depuis.
A la question simple, mais efficace « Comment percevez-vous votre situation depuis 5 ans », 39 % pensent qu’elle s’est améliorée contre seulement 12 % qui considèrent qu’elle s’est détériorée. Et les changements sont intervenus dans les 2 dernières années. 56 % des Noirs pensent que la différence de niveau et de qualité de vie entre les deux communautés blanches et noires s’est réduite (contre 41 % en 2007). Et plus généralement, 76 % des Noirs pensent que les deux communautés noire et blanche s’entendent bien ou très bien (contre 69 % en 2007).
De l’opinion même du public concerné, 54 % des Noirs estiment que l’élection de Barack Obama au poste a amélioré les rapports entre les deux communautés. On peut ajouter que cette amélioration s’est faite sans démagogie ou populisme du 44e président des Etats-Unis.
On se souvient du discours que Barack Obama a prononcé à la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) dans lequel il exhortait les Noirs à se prendre en charge et il les appelait à l’effort.
Trinitygate ?
On a en mémoire le magnifique discours sur les races qu’il avait prononcé après les dérapages du pasteur noir controversé de la paroisse que fréquentait alors Barack Obama
Le 13 mars 2008, un des trois Networks américains consacre un reportage à la Trinity Church of Christ de Chicago. Pour réaliser ce reportage, la chaîne avait acheté les vidéos de discours de Jeremiah Wright, le pasteur de cette église. Ce reportage qui a ensuite été disponible sur YouTube et visionné par des millions de personnes aurait pu avoir un effet dévastateur pour la suite de la campagne de Barack Obama. On avait alors parlé d’un Trinitygate.
Fondée en 1961 par le pasteur Kenneth Smith, cette église se présente comme « Unashamedly Black and Unapologetically Christian » (A noter d’ailleurs que Jeremiah Wright a pris sa retraite le 31 mai). Il est vrai que des extraits des discours du Pasteur que fréquente Barack Obama depuis une vingtaine d’années, ont de quoi surprendre, voire même choquer. Notamment le passage dans lequel il parle des événements du 11 septembre 2008 comme une conséquence de la politique américaine et s’exclame « Que Dieu maudisse l’Amérique » (God Damn America au lieu de la formule consacrée Good Bless America). Jeremy Wright professe des idées proches de la Black Liberation Theology qui propose une approche assez radicale pour combattre le racisme en s’appuyant sur la Bible. Des articles ont ensuite mis l’accent sur la proximité de pensée entre Jeremiah Wright et de Louis Farakhan, un des leaders noirs chef de la Nation de l’Islam, une organisation très influente dont le siège est à quelques blocs de la Trinity Church of Christ de Chicago.
Barack Obama se devait de réagir de manière très formelle pour ne pas laisser s’installer un malaise qui n’aurait pas manqué d’être exploité. Il choisit soigneusement le lieu et la date. Il décide de s’adresser aux américains depuis Philadelphie, la ville où a été rédigée la déclaration d’indépendance, puis la Constitution. Ce sera le 18 mars date à laquelle commence la campagne pour la primaire en Pennsylvanie.
L’objectif n’est pas tant de se justifier sur ses rapports avec un pasteur, mais d’exposer sa vision sur la cohabitation des races aux Etats-Unis et sur les difficultés d’être Noir aux Etats-Unis, même en 2008, tout en gardant une attitude consensuelle et portée sur les progrès accomplis et ceux qui restent à faire plutôt que sur des récriminations du passé. Ce qui ne l’empêche pas de rappeler les nombreuses difficultés qu’ont dû surmonter les Afro-Américains.
Barack Obama n’adopte pas les positions radicales de certains leaders Noirs dont Jeremiah Wright consistant à nier l’évolution de la société américaine et l’amélioration des relations entre les races : « Comme si notre société était figée, comme si nous n’avions accompli aucun progrès, comme si un pays où un Noir peut être président à la fonction suprême et bâtir une coalition de Blancs et de Noirs, d’Hispaniques et d’Asiatiques, de riches et de pauvres, de jeunes et de vieux, était encore prisonnier d’un passé tragique. Ce que nous savons pour l’avoir vu, c’est que l’Amérique peut changer. C’est le vrai génie de cette nation. ». Un discours qui se veut porteur d’espoir et résolument optimiste sans pour autant être naïf. La vision du monde n’est pas peinte en noir et blanc, mais tout en nuances.
Convergence entre les deux communautés et des Noirs aux hispaniques
Si longtemps éloignées et en conflits réels où larvées, les deux communautés se rapprochent peu à peu. 7 Blancs sur 10 et 6 Noirs sur 10 considèrent que les valeurs des deux communautés sont plus proches qu’il y a dix ans. Le niveau de vie des Noirs se rapproche de celui des Blancs : il était de 56 % en 1969, il est de 62 % en 2008. Evidemment, on ne peut regretter que ce mouvement soit beaucoup trop lent. C’est d’ailleurs le sentiment de la très grande majorité des Noirs (81%) qui considèrent que le pays n’a pas fait assez pour gommer ces différences contre 47 % pour les Hispaniques et 36 % pour les Blancs. Mais le fardeau d’une si longue histoire n’est pas facile à bouger. Le récent livre de Pap Ndiaye intitulé les Noirs Américains, marche pour l’égalité, nous en offre une belle synthèse.
Il se produit une sorte de transfert des Noirs vers les Hispaniques. On le sait, depuis quelques années, les hispaniques constituent la première minorité et ils devraient représenter 1 américain sur 4 entre dans les années 2040/2050. A la question de savoir quel est le groupe qui doit affronter la plus grande discrimination, les Hispaniques sont cités en premier avec 23 % devant les Noirs (18%).
Un des moteurs pour abolir les frontières entre les races est la mixité. Et l’on sait que celle-ci est encore relativement rare. Mais la situation devrait être amenée à changer et en tous cas elle change dans les esprits. Près des deux tiers des Blancs se déclarent à l’aide à l’idée qu’une personne de leur famille se marie avec un blanc et chez les Noirs la proportion est encore supérieure.
Comment est perçu Barack Obama ?
De manière factuelle, Barack Obama n’est pas un Noir, c’est le fruit d’une mariage mixte entre une mère blanche et un père noir. Sur les questions raciales, il a attitude très équilibrée et n’a jamais mis en avant des critères raciaux pour se faire élire ou pour gagner en popularité. Cela n’aurait d’ailleurs pas été efficace et lui aurait seulement permis de faire le plein des voix des minorités (résultat déjà obtenu auprès de la communauté noire). Dans ces conditions, comment les différentes communautés le perçoivent ? La majorité des Noirs voient Barack Obama comme un Noir, ce qui n’est pas le cas des Hispaniques ou des Blancs qui le perçoivent comme un métis (63 % pour les premiers et 52 % pour les seconds).