Après avoir auditionné plus de 400 personnes impliquées de près ou de loin dans l’assaut du Capitole du 6 janvier, la Commission a demandé à Donald Trump, acteur principal dans cet évènement majeur de la vie politique américaine et même de l’histoire des Etats-Unis, de venir témoigner. Celui-ci a évidemment refusé arguant de multiples prétextes, à commencer qu’on ne pouvait pas interroger un président ou un ex-président, surtout par une commission « qui n’avait aucune légitimité et était juste conçu pour détruire l’Amérique ». La commission a donc envoyé une assignation à comparaître à l’ancien président. Comme à son habitude, le président a renvoyé cette initiative d’un revers de main.
Il s’en est alors suivi une bataille juridique comme les aime Donald Trump et les a utilisés toute sa vie pour défendre ses intérêts, partageant en cela la philosophie du pitbull de son ex-avocat Roy Cohn, qui avait également été l’avocat de John McCarthy aux pires heures de la chasse aux sorcières communistes dans les années 1950. Pour Roy Cohn, la Justice n’est pas là pour dire le droit mais pour défendre des intérêts. Le journaliste Sam Roberts avait résumé sa stratégie : « Premièrement, ne transigez jamais, n’abandonnez jamais ; deuxièmement, contre-attaquez immédiatement ; troisièmement, peu importe ce qui arrive, peu importe à quel point vous êtes dans la mouise, revendiquez toujours la victoire. »
Finalement, la Cour suprême a donné raison à la Commission et a ordonné à Donald Trump de comparaître. Ayant épuisé tous les recours juridiques, il a bien été obligé de se soumettre. Avant l’audition, Donald Trump et Liz Cheney, co-présidente de la Commission, avaient conclu un accord selon lequel Donald Trump ne ferait pas allusion à l’implication de Dick Cheney, le père de Liz, dans la guerre en Irak fondée sur la fausse raison des armes de destruction massive, et de son côté Liz Cheney ne mentionnerait pas l’exemption – une soi-disant excroissance osseuse – dont il avait bénéficié pour ne pas aller à la guerre du Vietnam.
Après The Code Red Moment, voici le « Have You no Decency Sir » Moment
Liz Cheney : Monsieur le Président, jurez-vous de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ?
Donald Trump : Je n’ai fait que ça toute ma vie.
L.C. : Ne vous égarez pas, s’il vous plait, et veuillez prêter serment.
D.T. : Je jure devant Dieu de dire en conscience toute la vérité et rien que la vérité, sans rien ajouter ni omettre.
L.C. : N’impliquez pas Dieu s’il vous plait dans cette audition et restons-en aux faits. Plusieurs mois avant les élections, vous avez fait des déclarations sur des fraudes aux élections de 2020, sans aucune preuve. Et vous êtes même allé jusqu’à affirmer que si vous perdiez les élections, c’est qu’elles auraient été frauduleuses. De quelles informations disposiez-vous dont n’avaient pas connaissance les citoyens américains pour proférer de pareilles affirmations ?
D.T. : Déjà en 2016, j’ai gagné les élections contre la corrompue Hillary Clinton alors que j’avais soi-disant trois millions de voix de moins qu’elle. En fait, j’avais la majorité des voix populaires car on avait compté plus de trois millions de bulletins de votes frauduleux, déposés par des immigrants illégaux ou des citoyens décédés. C’est donc un problème qui s’est installé dans le pays depuis bien longtemps et qui nuit aux républicains. Il n’y avait aucune raison que cela ne se reproduise pas en 2020.
L.C. : Vous êtes devant une commission du Congrès et non une réunion politique, je vous demanderai donc de ne pas insulter vos opposants politiques. Votre raisonnement est totalement scabreux. Vous fondez une affirmation, les élections de 2020 ont été frauduleuses, sur une hypothèse qui est fausse, les élections de 2106 ont été frauduleuses. Aucune preuve n’a été apportée pour vérifier qu’il y avait eu de faux bulletins en 2016.Par ailleurs, comment expliquez-vous que le biais du vote soit systématiquement favorable aux démocrates ? Ces derniers auraient-ils pris le contrôle de toute la chaîne de vote, des machines à voter à l’organisation des bureaux de vote.
D.T. : De toutes façons, en 2016, j’ai gagné, la plus grande victoire d’un candidat républicain depuis Ronald Reagan et mon opposante a bien été obligée de reconnaître sa défaite. J’ai réussi à abattre ce Blue Wall en gagnant les états historiquement démocrates : Wisconsin, Michigan et Pennsylvanie.
L.C. : Avant même que les résultats définitifs ne soient connus, vous avez déclaré lors d’une conférence de presse depuis la Maison Blanche dans laquelle vous affirmez que vous aviez gagné. N’est-ce pas là une faute grave qui sème le doute dans l’esprit des électeurs ?
D.T. : J’avais une telle avance qu’il était totalement inconcevable que mon concurrent me rattrape.
L.C. : Un joueur de tennis qui joue un match de tennis en trois sets gagnants ne peut pas se déclarer vainqueur, même s’il a gagné deux sets et même 5-2 40-0 dans le troisième set. Les exemples ne manquent pas, Björn Borg contre Manuel Orantes en 1974, Ivan Lendl contre John McEnroe en 1984, Andre Agassi contre Andreï Medvedev en 1999, Roger Federer contre Tommy Haas en 2009, pour n’en citer que quelques-uns.
D.T. : Je ne joue pas au tennis et vos exemples ne me parlent pas du tout. Ce que je sais c’est qu’au golf, ce genre de renversement de situation n’est pas possible, à moins de tricher ?
L.C. : Continuons. A peine les résultats ont été connus, vous n’avez jamais concédé la victoire à votre opposant alors que c’est ce que font tous les candidats, c’est là la condition nécessaire au bon fonctionnement de la démocratie mais surtout vous avez, avec l’aide d’une équipe de conseillers, élaboré une stratégie pour contester les résultats. Tous ont été rejetés, parfois par des juges que vous aviez vous-même nommés. L’agence Cybersecurity & Infrastructure Security Agency qui dépend du DHS, a déclaré qu’il n’y avait aucune évidence de fraude. Le directeur du Renseignement National a déclaré en mars 2021 qu’il n’y avait aucun élément indiquant une quelconque intervention d’un pays étranger sur le processus du vote. Le FBI et le DHS ont confirmé qu’il n’y avait aucune évidence que des gouvernements étrangers soient intervenus dans les élections et que les affirmations dans ce sens n’étaient pas crédibles. Le laboratoire National Electronic Security du MITRE a procédé à une analyse des machines Dominion dans 8 états clés et n’a trouvé aucune évidence de fraudes. Votre propre ministre de la Justice a déclaré qu’il n’y avait aucune fraude susceptible de modifier le résultat des élections. Il a été auditionné par notre commission et a confirmé que les élections s’étaient déroulées normalement et que Joe Biden était le président légitime. Quelles preuves supplémentaires vous faut-il ? Comment avec tous ces éléments vous continuez à nier l’évidence ?
D.T. : Il y a toujours deux faces à la vérité. Vous venez de dérouler des semblants de preuves moi je vous dis et vous affirme qu’il y a eu des fraudes en 2020 comme il y a en eu en 2016. Les démocrates n’acceptent le résultat des élections que lorsqu’ils les gagnent.
L.C. : L’histoire vous donne tort. Al Gore a concédé sa défaite à George W. Bush, dans des conditions très discutables. Il a fallu l’intervention de la Cour Suprême pour donner la victoire au candidat républicain. Al Gore s’est incliné. En 2020, la Cour Suprême n’a même pas voulu examiner vos recours tant elle considérait incongrus. Et pourtant, trois juges ont été nommés par vous. Vous pensiez gagner face à un candidat que ne jugiez pas de votre niveau, c’est votre droit. Mais vous avez perdu. N’est-ce pas la défaite qui vous importe plus que la fraude ?
D.T. : Je ne perds jamais, je gagne toujours. J’ai gagné toute ma vie. Il m’est impossible de perdre. C’est pour cela que je n’ai pas pu perdre les élections de 2020.
L.C. : Bon avançons car je crois que nous ne pourrons pas aller beaucoup loin sur cette question. Après avoir contesté les élections, vous avez défini une stratégie pour renverser les résultats avant le 6 janvier, ce que l’on appelle dans les manuels d’histoire un coup d’état. Examinons les initiatives que vous avez prises pour inverser le résultat des élections à votre avantage. Avez-vous discuté du projet de décret intitulé « Présidential Findings to Preserve Collect and Analyse nattional Security Information regarding the 2020 General Election » dans lequel il est indiqué qu’il y avait des « occurrences de fraudes probables dans les machines à voter » et qu’en conséquence vous demandiez au ministre de la Défense « de saisir, collecter et analyser toutes les machines et autres équipements électroniques, de vous donner une première évaluation sous 7 jours et une évaluation définitive sous 60 jours » ? Comment pouvez-vous faire une telle demande sur la base de fausses allégations et comment pouvez-vous demander à l’armée d’intervenir dans une élection, ce qu’elle n’est pas autorisée à faire. Le général Milley, chef d’état-major des armées, avait bien déclaré en octobre 2020, avant les élections, dans une interview à la chaîne NPR que, selon la Constitution, l’armée n’a aucun rôle à jouer dans la politique, qu’il avait entièrement confiance dans les institutions. « Nous avons établi une tradition depuis 240 ans selon laquelle l’armée est apolitique et ne doit aucunement être partie prenante dans les disputes afférentes aux élections ». Mark Milley est un général pour lequel vous avez le plus grand respect si l’on en juge par vos tweets.
D.T. : Il faut rendre aux Américains leur pays qui leur a été volé par les démocrates et les communistes. Les vrais Américains sont de vrais patriotes.
L.C. : Vous ne répondez pas à la question.
D.T. : Ce draft d’Executive Order ne prouve rien, il n’est pas signé. D’ailleurs, je ne sais même pas qui l’a écrit et je n’en n’ai jamais parlé à la Maison Blanche. Mais face à une situation aussi grave qui met la démocratie en danger, il faut parfois en venir à certaines extrémités.
L.C. : Commet serait-il possible que les machines Dominion et tous les autres équipements fabriqués par différentes sociétés aient été conçus avec de telles failles et qu’elles soient toutes favorables aux démocrates. En quoi, le fait que Dominion soit détenu par des capitaux étrangers, en l’occurrence canadiens, peut exercer une quelconque influence sur leur précision. Je vous rappelle qu’elles ont été utilisées dans 28 états, démocrates et républicains. Et vous ne contestez que les états où les résultats vous ont été favorables. N’est-ce pas aussi stupide que de dire que les fabricants de voitures étrangères ont construits des véhicules qui occasionnent plus d’accidents que la moyenne ? Comment expliquez-vous que l’on utilise de plus en plus de machines aux aéroports pour le passage aux douanes ? Ces machines ne seraient-elles pas sécurisées et laisseraient-elles passer plus étrangers illégaux que les douaniers ?
D.T. : Je pense qu’il faudrait construire des murs dans toutes les salles de douanes des aéroports du pays afin de contrôler l’afflux des étrangers. Dominion utilise des brevets dans ses firmware et ses logiciels qui sont déclarés dans une banque chinoise.
L.C. : Ne pensez-vous pas que vous avez joué un rôle éminent dans l’assaut du Capitole par vos partisans le 6 janvier dernier ?
D.T. : Le matin du 6 janvier, j’ai tenu un meeting pour soutenir tous les militants et les patriotes qui étaient totalement démoralisés par cette fraude électorale. J’ai voulu les remobiliser pour qu’ils ne laissent pas leur pays sombrer dans l’anarchie et le communisme. Je leur ai dis qu’il fallait qu’ils se battent pour une cause à laquelle ils croient avec ferveur et qu’ils défendent leur pays.
L.C. : Vous reconnaissez être responsable de cette sombre journée où pour la première fois depuis plus de deux siècles, le Capitole a été envahi et saccagé avec la volonté des terroristes de bloquer le processus démocratique ?
D.T. : Les Américains ont leur libre arbitre et n’ont pas besoin qu’on leur donne des consignes pour qu’ils défendent la liberté.
L.C. : Peut-être mais vous venez de dire qu’ils devaient être soutenus et mobilisés. Pendant plus de trois heures, vous étiez à la Maison Blanche et n’aviez rien fait pour arrêter ce carnage. Comment l’expliquez-vous ?
D.T. : J’ai publié plusieurs tweets qui prouvent que j’ai été très actif. A 14h38, un premier tweet disant : « Veuillez soutenir notre police du Capitole et nos forces de l’ordre. Ils sont vraiment du côté de notre pays. Gardez votre calme ». A 15h13, un autre tweet indiquant, « je demande à tout le monde au Capitole de rester pacifique. Pas de violence ! N’oubliez pas que NOUS sommes le Parti de la loi et de l’ordre – respectez la loi et nos grands hommes et femmes en bleu. Merci ! » Que vous faut-il de plus ?
L.C. : Oui mais en même temps vous avez publié des messages ambigus qui n’ont fait que mettre de l’huile sur le feu : « Mike Pence n’a pas eu le courage de faire ce qui aurait dû être fait pour protéger notre pays et notre Constitution, en donnant aux États une chance de certifier un ensemble de faits corrigés, et non ceux frauduleux ou inexacts qu’on leur avait demandé de certifier auparavant. Les États-Unis exigent la vérité ! » Ou encore : « Les États veulent refaire leurs votes. Ils ont découvert qu’ils avaient voté sur une FRAUDE. Les législatures n’ont jamais approuvé. Laissez-les faire. ÊTRE FORT! ». « Les États veulent corriger leurs votes, dont ils savent maintenant qu’ils étaient basés sur des irrégularités et des fraudes, et un processus corrompu qui n’a jamais reçu l’approbation législative. Tout ce que Mike Pence a afhttps://youtu.be/ENlL-Uru-cMfaire est de les renvoyer au niveau des Etats. ET NOUS GAGNERONS. Fais-le Mike, c’est le moment du courage extrême ! » Ce sont là clairement des messages poussant à des actes répréhensibles. Et C’est seulement plus de 3 heures plus tard que vous avez diffusé un message vidéo demandant aux assaillants de quitter les lieux mais toujours avec des éléments ambigus.
Je vous propose de le revoir
L.C. : Dans ce message, vous indiquez être outragé par ce qui s’est passé. Pourquoi avoir attendu plus de trois heures pour diffuser ce message. Par ailleurs, vous appelez à une transition douce. Pourquoi depuis ce jour, vous propagez le mensonge selon lequel les élections ont été truquées et frauduleuses et que Joe Biden n’est pas un président légitime ? Et que vous attaquez tous les républicains qui ne croient pas dans votre double mensonge : les élections ont été volées et que l’assaut du Capitole était une visite de touristes patriotes ?
D.T. : Comment osez-vous parler de mensonge, vous la fille de Dick Cheney, le responsable de cette guerre en Irak inutile fondée un mensonge d’état ? Depuis vous et vos semblables RINO dans le mensonge et les vrais Américains ne sont pas dupes.
L.C. : Monsieur, n’avez-vous aucune décence ?
A ces propos, Liz Cheney rangea ses affaires et quitta la salle d’audition dans un silence de plomb. En soutien de leur collègue, tous les membres de la commission, Bennie Thompson, Zoe Lofgren, Adam Schiff, Pete Aguilar, Stephanie Murphy, Jamie Raskin, Elaine Luria et Adam Kinzinger, la suivirent laissant Donald Trump face à ses turpitudes et son ignominie.